Berkshire Hathaway, la société d’investissement de Waren Buffett, a décidé de faire tourner ses investissements à une vitesse inédite. Un changement d’époque et de style.
Le milliardaire Warren Buffett aime les hot dogs. Il les adore même. Au point d’avoir gobé le groupe Kraft Foods Heinz qui détient un des leaders mondiaux des hot dogs, Oscar Meyer.
Réputé friand de sociétés de l’économie traditionnelle « dont même un idiot comprendrait le business model« , Warren Buffett ne fait confiance qu’à ses goûts, censés être ceux de l’Américain moyen.
Et la liste de ses investissements est effectivement un portfolio des envies de l’Amérique traditionnelle : American Express, Goldman Sachs, Fruit of the Loom, Comcast, Coca-Cola, Apple, Kraft, Heinz, Duracell, Gillette et Dairy Queen…
Pas un Américain ne passe plus d’une journée loin d’un des produits des sociétés qu’il détient au travers de sa société d’investissement Berkshire Hathaway.
Mais comme le dit lui même le sage d’Omaha, « les chaînes de l’habitude sont trop légères pour être senties jusqu’au jour où elles deviennent trop lourdes pour être brisées. » Car les hot dogs d’Oscar Meyer risquent de lui rester en travers de la gorge.
Le géant américain de l’agroalimentaire Kraft Heinz, connu pour son ketchup et ses biscuits d’apéritif, a dévoilé une dépréciation massive d’actifs qui a fait basculer ses comptes dans le rouge au quatrième trimestre, déclenchant au passage une enquête de l’autorité américaine des marchés sur sa comptabilité. Ces nouvelles ont fait plonger son titre à Wall Street, de 27,46% à 34,85 dollars, soit son niveau le plus bas depuis la fusion entre Kraft Foods et Heinz mi-2015. C’est la pire séance boursière du groupe en près de quatre ans.
Warren Buffett n’a pas vraiment senti le vent tourner en matière de consommation. Même aux Etats-Unis, les macaronis au fromage prêts à manger ou les sauces d’apéritif au cheddar sont passés de mode.
Pour les experts du secteur, la dépréciation d’actifs chez Kraft Heinz reflète un changement du goût des consommateurs, qui se soucient de plus en plus des questions de santé et se tournent plus souvent vers les produits frais au détriment des aliments transformés.
Alors que les géants de l’agro-alimentaire, comme McDonald’s, Burger King ou Pepsi ont tous tenté de s’adapter à la nouvelle donne, Kraft a continué d’appliquer des recettes qui marchaient à un moment comme les desserts gélatineux Jell-O.
Et plutôt que de se réinventer, le groupe a préféré couper les coûts.
Kraft Heinz a mis en place une stratégie fondée sur la baisse drastique des dépenses, le « zero budgeting », où chaque dépense est remise en cause, un mot d’ordre qui pousse les responsables de budget à réduire drastiquement les frais et les investissements. « C’est la preuve que la seule stratégie des réductions drastiques de coûts a échoué« , analyse dans un article cinglant le Wall Street Journal, la bible des milieux d’affaires américains.
Pour se rattraper, Kraft Heinz a mis en urgence 300 millions de dollars sur la table l’an dernier pour étoffer le marketing de ses marques, recruter des commerciaux, améliorer sa chaîne d’approvisionnement et moderniser ses recettes afin de coller à l’air du temps.
Reste que pour les actionnaires, la pilule Kraft Food Heinz a du mal à passer. La dépréciation massive s’est soldée par une perte nette de 12,6 milliards de dollars.
Pas de quoi ruiner Warren Buffett, loin de là. Il est aujourd’hui le troisième homme le plus riche du monde, après Jeff Bezos dont la fortune personnelle dépasse les 110 milliards de dollars et Bill Gates, qui possède plus de 90 milliards. Warren Buffett, lui, ne possède « que » 86 milliards de dollars.
Mais sur ce dossier comme sur quelques autres, le milliardaire, inspiré et inspirant, semble avoir perdu la main.
Si Berkshire Hathaway n’a pas été épargnée par la débâcle de Wall Street fin 2018, la société d’investissement a décidé de faire tourner ses investissements à une vitesse inédite.
C’est ainsi qu’il a cédé sa participation de 1,89 milliard d’euros dans l’éditeur de logiciels Oracle qu’il avait prise en novembre.
Warren Buffett a également réduit sa participation dans Apple, son principal investissement en actions. Apple a vu son cours de Bourse chuter de 30% sur les trois derniers mois de 2018 et la valeur de la participation de Berkshire est passée de quelque 57 milliards de dollars à 40 milliards, soit une perte de 17 milliards.
Dans le même temps, il s’est renforcé dans l’éditeur de logiciels Red Hat et dans l’entreprise canadienne Suncor Energy.
Il est exceptionnel que Berkshire, qui a en portefeuille certaines valeurs depuis des décennies, revienne aussi rapidement sur certaines décisions d’investissement.
Il faut dire que la valeur totale du portefeuille en actions de Warren Buffett a fondu de 38 milliards de dollars sur la période pour s’établir à 183,1 milliards au 31 décembre.
Si à 88 ans, Warren Buffet ne compte pas lâcher l’affaire, il ne tarit pas d’éloges au sujet de ses deux lieutenants qui, depuis 2018, ont pris les rênes de l’essentiel des opérations au jour le jour : Ajit Jain et Greg Abel.
Un changement de style et de génération qui se voit déjà dans les derniers investissements.
Berkshire Hathaway a misé 600 millions de dollars dans deux belles fintech, la brésilienne Stone et l’entreprise indienne One97, maison mère de Paytm, dont le système de paiement mobile est utilisé par plus de 300 millions d’Indiens.
Ce sont désormais les goûts des jeunes Indiens ou des Chinois qu’ils sondent avant d’investir.
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