Depuis l’annonce le 17 octobre 2018 de la faillite d’Unilend, beaucoup s’interrogent sur les conséquences de cet événement et sur la viabilité du marché du crowdfunding en France. Mais comment un leader du crowdlending a pu se retrouver si brutalement en situation de cessation de paiement ?
Il serait présomptueux de conclure sur les raisons qui ont amené Unilend en situation de cession de paiement mais vu de l’extérieur, plusieurs observations et questions peuvent être soulevées.
Unilend est un précurseur sur le marché du crowdfunding. A sa création en 2013, la plateforme se positionne comme un leader sur le marché du prêt aux entreprises. Elle démocratise l’accès des épargnants aux prêts à destination des entreprises et sonne les prémices de la fin du monopole bancaire. Sans doute a-t-elle joué un rôle d’innovation sur un marché jusqu’alors inconnu du grand public en France.
Premiers investissements lourds : le développement d’une plateforme technologique unique permettant aux épargnants d’enchérir sur les taux d’intérêt qu’ils étaient prêts à accorder aux entreprises présentées. La réglementation était d’ailleurs floue, Unilend a œuvré pour la mise en place d’un cadre réglementaire spécifique à cette activité en France, à l’instar de ce qui se pratiquait dans les pays anglo-saxons. Les ressources juridiques ont été conséquentes au lancement de l’activité.
Unilend fut également l’une des premières plateformes en France à faire de la publicité télévisuelle, créant ainsi une forte notoriété mais aussi un budget de communication important. Le principe était alors simple : permettre aux épargnants de constituer un portefeuille de prêts accessibles dès 50€ pour des rendements attractifs.
Les entreprises y ont également trouvé leur compte en accédant à une diversification de leurs sources de financement de manière simple et rapide, pour des financements de quelques centaines de milliers d’euros tout en bénéficiant de la visibilité générée par une campagne de financement participatif.
Le modèle économique reposait alors sur la capacité de la plateforme à attirer un grand nombre de prêteurs mais aussi un grand nombre d’emprunteurs, sur un rythme de dossiers régulier. Les entreprises présentées étaient principalement des TPE ou des commerces de proximité qui n’avaient peut-être pas toujours la structure d’organisation ou les moyens humains requis à la bonne gestion d’une entreprise. Les cas de défaut se sont alors multipliés, la réputation auprès des prêteurs s’est dégradée et l’arrivée de nouveaux entrants sur le secteur s’est intensifiée.
Principalement, un nouvel acteur du crowdlending est apparu en 2015 avec des moyens financiers importants et surtout avec un modèle économique redoutable : associer les prêteurs individuels aux prêteurs institutionnels. Ce nouvel entrant a alors conquis le marché, avec une pression forte sur les commissions appliquées aux emprunteurs (3% lorsque le secteur proposait 5 à 6% en moyenne), avec une capacité de garantir des montants de financement importants de plusieurs millions d’euros et pour des taux d’intérêt inférieurs à 7% lorsque le marché proposait des taux supérieurs à 8% en moyenne. Les meilleurs emprunteurs se sont alors naturellement reportés sur cette nouvelle plateforme, laissant peut-être à Unilend des dossiers plus délicats, pour des frais appliqués plus bas alors que la structure comptait une quinzaine de collaborateurs. Unilend s’est alors peut-être retrouvée en tenaille, en l’absence de taille critique sur un marché représentant quelques millions d’euros en France lorsqu’il représente des milliards en Angleterre (à titre d’exemple, Finding Circle, plateforme de prêt aux PME créée en 2010, a financé 50.000 entreprises auprès de 80.000 prêteurs pour plus de 5 milliards de livres).
Alors le marché du crowdfunding en France est-il viable ? Faut-il parler de crowdfunding pour les plateformes qui ont opté pour un modèle de campagnes à 95% collectées par des prêteurs institutionnels ?
Le marché du crowdlending est encore dense, une poignée d’acteurs généralistes soutenus par des fonds institutionnels trustent le marché. Pour le crowdfunding pur (100% financé par la foule), là aussi il existe des leviers de croissance sur un secteur voué à se pérenniser tant le marché des PME est laissé vacant par les banques, les dispositifs portés par les pouvoirs publics, et notamment la loi PACTE, tendent à se concrétiser pour flécher l’épargne productive des Français vers les entreprises, les comportements évoluent à l’heure où presque 4 millions de français ont déjà contribué à une campagne de financement participatif et enfin, les plateformes se spécialisent sur des créneaux spécifiques et à forte valeur ajoutée (créneaux produits de type equity ou obligataire, créneaux clients de type investisseurs fortunés, PME innovantes et de croissance et créneaux sectoriels de type agriculture, immobilier, énergies renouvelables…).
La viabilité du marché en France se fera par la variété des offres proposées, la spécialisation des plateformes et par l’accentuation d’un environnement propice au développement des initiatives collaboratives.
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