Economie | Dans son dernier rapport, l’institution juge sévèrement le gouvernement sur sa gestion budgétaire et son manque d’objectifs clairs en matière de réchauffement climatique. Sur ce dernier point, collectivités locales et acteurs privés ne sont pas épargnés.
La Cour des comptes se montre rarement tendre avec le gouvernement quand il s’agit d’évoquer la trajectoire des finances publiques. L’institution n’a pas dérogé à la règle dans son dernier rapport annuel, publié ce mardi 12 mars. « La situation est préoccupante voire au-delà », a averti son président, Pierre Moscovici, alors que le taux d’endettement public devrait s’établir à 109,7% du produit intérieur brut (PIB) en 2024. Dans son rapport, la Cour plaide pour un retour à rapide à l’équilibre budgétaire, faisant fi des alertes de nombreux économistes qui voient d’un mauvais œil le retrait du soutien de l’Etat en période de croissance atone.
La Cour des comptes est très inquiète quant au respect de l’objectif de déficit public fixé à 4,4% pour 2024, indispensable pour un retour de celui-ci sous les 3% en 2027. Alors même que 2023 s’est révélée être « une année blanche » dans la réduction du solde budgétaire négatif de l’Etat. Si le rapport prend note des 10 milliards d’euros d’économie entériné par décret en février, l’institution estime que ces annulations de crédit pourraient ne pas être suffisantes.
Et pour cause, la prévision de croissance formulée par Bercy – bien que revue à la baisse à 1% contre 1,4% précédemment – « reste encore élevée et au-dessus du consensus des économistes », souligne Pierre Moscovici. Ce qui rimerait avec une baisse de recettes, notamment fiscales. D’autant que « le gouvernement n’a pas intégré d’hypothèse de revalorisation du traitement des agents publics, dans un contexte où l’inflation attendue en 2024 est encore significative (2,5 %) et où les revalorisations de 2022 et 2023 sont restées inférieures à la hausse des prix ces deux années », observe la Cour. L’exécutif envisage de faire passer un projet de loi de finances rectificative (PLFR) d’ici l’été pour éviter un dérapage trop important.
« 50 milliards d’économies »
L’institution pointe également « des efforts de maîtrise des dépenses inédits mais non documentés et renvoyés à la période 2025-2027 ». Dans le viseur : l’annonce d’ « au moins 20 milliards d’euros d’économie » pour 2025 du ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave. Soit 8 milliards de plus que les 12 milliards jusqu’ici inscrits dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP). D’autant que cela ne sera qu’un début. La Cour calcule qu’il faudra « engager de l’ordre de 50 milliards d’économies entre 2025 et 2027 », – soit 30 milliards supplémentaires -, pour respecter la trajectoire de dépense voulue par le gouvernement, sous le regard attentif de Bruxelles qui vient d’acter le retour du pacte de stabilité.
Reste que, paradoxalement, la quasi-totalité du rapport est consacrée à l’adaptation au changement climatique, qui nécessite des investissements massifs. « L’idée sous-jacente de notre rapport, c’est que nous devons préserver les dépenses qui préparent notre avenir », souligne Pierre Moscovici dans une interview aux Echos. Et d’ajouter : « Nous avons devant nous une montagne de dettes et un mur d’investissements. Il ne s’agit pas de diminuer les investissements, il s’agit de pouvoir les financer. »
Train de retard
Pour répondre à cet immense sujet, les magistrats financiers ont choisi d’étudier 16 domaines – dont le logement, les transports, ou encore l’agriculture -, qui seront mis à rude épreuve par le réchauffement climatique. L’action gouvernementale est, là aussi, jugée sévèrement. « Les travaux des juridictions financières mettent en évidence l’ampleur des progrès à réaliser », écrit la Cour. Cette dernière constate que le risque sanitaire en cas de vague de chaleur, d’inondation ou de sécheresse est « toujours insuffisamment maîtrisé ».
En matière de logement, les politiques publiques sont largement inadaptées aux conséquences de ces aléas climatiques amenés à se multiplier, estime l’institution. A titre d’exemple, le rapport souligne que le dispositif MaPrimeRenov « ne répond que partiellement au risque de pics de chaleur », alors que 80% de la population vit dans un territoire qui sera exposé, sur les trente prochaines années, à entre 16 et 29 journées anormalement chaudes. Jusqu’à présent, seuls les travaux de ventilation (4%) ou d’isolation étaient subventionnés dans le prise en charge de travaux liés au confort d’été.
Les communes ont, elles aussi, pris un train de retard. « Alors qu’elles sont obligatoires depuis une dizaine d’années, les intercommunalités urbaines n’ont adopté que tardivement des stratégies d’adaptation (en moyenne avec trois ans de retard, NDLR) », déplorent les auteurs du rapport. Si les villes végétalisent de plus en plus pour contenir les effets de vague de chaleur, cela doit « s’inscrire dans une trajectoire plus large ». L’installation d’ombrières, de brumisateurs dans l’espace public sont des exemples de solutions apportées par la Cour.
Angles morts
Les réseaux électriques sont jugés encore trop vulnérables. « les épisodes de chaleur extrême et les inondations, plus fréquents dans le contexte de changement climatique, sont susceptibles d’affecter les réseaux électriques ». Si RTE et Enedis ont mis en place des parades face à ces événements climatiques extrêmes, le rapport signale que des angles morts subsistent. Les cartographies des zones sujettes aux inondations, élaborées par Enedis ou RTE, demeurent partielles. La coordination entre les divers opérateurs des réseaux présente des aspects à améliorer, et le montant total des dépenses pour ces mesures d’adaptation demeure flou.
Le rapport aborde de nombreux autres points comme la mauvaise anticipation du changement climatique sur les côtes ferroviaires, les conséquences sur l’agriculture, un réseau ferroviaire pas assez adapté… En clair, le gouvernement, les collectivités et autres acteurs privés ne pourront pas dire qu’ils n’ont pas été prévenus.
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