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Loi Entreprise : Une Législation Difficile À Déterminer

©Getty Images

Alors que le CAC 40 a soufflé ses 30 bougies et que nos entreprises sont confrontées au double défi de la mondialisation et de la transformation numérique, quelques données permettent d’établir un rapide état des lieux et d’apprécier les forces en présence à l’heure où une future loi Entreprise est en préparation.  

Un entrepreneuriat grandissant

On observe un recul irrésistible de l’actionnariat, qui serait passé de 3,7 millions en 2015 à 3 millions en 2017. Et si la santé financière des grandes entreprises s’est confirmée en 2017, on enregistre néanmoins une baisse de 9% des retours versés aux actionnaires de la part des entreprises du CAC 40. La capacité des entreprises à attirer les investisseurs est désormais une priorité. A l’heure où le Brexit semble rebattre les cartes, la France bénéficie d’une opportunité historique d’attractivité des investisseurs.  Dans le même temps, un élan entrepreneurial sans précédent se confirme.

330 000 entreprises sont créées en moyenne par an ces 5 dernières années. Pourtant, on déplore la perte de plus de la moitié d’entre elles au cours de leurs premières années de vie. Quant aux ETI (entreprises de taille intermédiaire), on connaît leur rôle majeur dans nos économies tant en termes d’emplois, d’innovations que de développement à l’international. Pourtant, on en compte près de 5.000 en France contre 10.000 au Royaume-Uni et en Italie, et 13.000 en Allemagne.

Le gouvernement a donc lancé à l’automne le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). S’engageant dans la voie des consultations de Place, il a pour objectif de porter sur les fronts baptismaux au printemps prochain une loi défendant une vision ambitieuse de l’entreprise, vision que le tandem Nicole Notat-Jean-Dominique Sénard ont pour mission de définir.

Cette nouvelle loi ainsi a pour objectif « d’améliorer la compétitivité des entreprises françaises et l’attractivité des investisseurs par la voie de la gouvernance des entreprises ». Que le législateur nous autorise à lui prodiguer quelques modestes recommandations avant qu’il ne se livre à l’exercice de son pouvoir souverain.

Promotion des règles existantes 

Le système de gouvernance français des entreprises est en effet de bonne facture, le plus souvent abouti et complet, et néanmoins mal défendu. Il faut en priorité assurer la promotion et, plus encore, l’application effective des textes existants plutôt qu’édicter de nouvelles normes.

A cet égard, certains réclament, au nom d’une nouvelle vision de l’entreprise, une modification des articles 1832 et 1833 du Code civil de telle sorte que l’entreprise serait au service de toutes les parties prenantes, ou stakeholders, c’est à dire non seulement les actionnaires, mais également les salariés, les clients, les fournisseurs. Cette proposition marque une compréhension erronée et périlleuse de l’articulation des intérêts en présence. De plus, elle se heurte à un double obstacle. D’une part, il est absurde de traiter de manière identique actionnaires, clients et fournisseurs car ce sont, in fine, les seuls actionnaires qui portent le risque social, et non les fournisseurs ou les clients. Comment s’assurer que les investisseurs, déjà réticents comme l’attestent les chiffres, acceptent de financer nos entreprises s’ils doivent endosser des décisions prises au nom des seuls intérêts des fournisseurs.

Pouvoir de la réputation 

D’autre part, et alors même que l’objectif asséné de cette future loi entreprise est la compétitivité de nos entreprises, cette modification du Code civil, bien plus puissante qu’elle n’y paraît, porterait un coup décisif à leur compétitivité. Elle les ouvrirait à tous les vents, autorisant chacune de ces parties prenantes à revendiquer un intérêt particulier. Enfin, c’est perdre de vue que nos entreprises, à travers la notion d’intérêt social qu’il faut bien se garder de définir, prennent d’ores et déjà en compte les intérêts des stakeholders, et que le marché se charge de les sanctionner lorsqu’elles ne le font pas ou le font mal.

Ces intérêts sont donc intégrés de facto par voie de discipline réputationnelle et en conséquence, de performance. Rappelons notamment les dossiers Nike, Volkswagen ou… Lactalis et l’onde de choc que ces entreprises ont dû affronter en termes d’image et de performance boursière. Le développement de la notation extra-financière participe de cette même évolution irrésistible. Laissons par conséquent à ces forces que sont la réputation et le cours de bourse, dont personne n’oserait contester leur puissante efficacité, le soin d’intégrer ces parties prenantes. Nul n’est donc besoin de modifier le Code civil.

La soft Law à privilégier

Beaucoup, notamment le Medef, en décrivent les nombreuses vertus. Cette voie est sans aucun doute à privilégier. Le droit souple ne doit pas être compris comme le laboratoire expérimental de nouvelles normes que le législateur s’empresserait d’appliquer, lorsque ce système d’autorégulation n’impose pas une discipline suffisamment rapidement.

A cet égard, chacun doit prendre ses responsabilités. Là aussi, le législateur aurait un grand bénéfice à endiguer l’inflation de normes. Toute réécriture ou ajout intempestif de nouvelles normes fait courir le risque systémique d’effet domino, créant des conflits, voire des contradictions de normes. Cela génère une fatigue réglementaire qui porte un double mal, une insécurité juridique de nature à entraver l’innovation, une fuite des entreprises alors même que l’objectif est de les attirer. Qui plus est, certains textes, essentiels pour la compétitivité de nos entreprises, demeurent en attente de leur décret d’application, notamment la loi Vigilance, générant ainsi une grande insécurité juridique. 

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