Mercredi 14 août, un événement peu habituel est survenu sur le marché des obligations américain : l’inversion de la courbe des rendements. Les taux d’intérêt à long terme sont passés en dessous des taux d’intérêt à court terme et la panique s’est rapidement propagée sur les marchés financiers. Voici donc comment comprendre clairement cette inversion de la courbe des taux d’intérêt aux États-Unis et ce qu’elle implique.
C’est donc l’inversion de la courbe des rendements qui a fait trembler les investisseurs cette semaine. Mais ne vous inquiétez pas si vous ne comprenez pas ce que cela signifie, même certains journalistes ont bien du mal à expliquer clairement cet événement et à rédiger des articles clairs sur la question.
Puisque l’inversion de la courbe des taux est un sujet complexe qui peut prêter à confusion, prenons le temps d’étudier la méthode utilisée par les spécialistes pour l’expliquer au grand public. Ce sont les seuls à pouvoir nous expliquer des questions si délicates avec des mots simples et accessibles à tous.
C’est la pour raison que nous avons contacté Campbell Harvey, un professeur de finance à l’Université Duke. En 1986, il avait écrit sa thèse sur la capacité de la courbe des rendements à prévoir les récessions. Depuis, son modèle a correctement prédit sept récessions, dont trois depuis sa publication. C’est donc avec l’aide du professeur Harvey que nous allons tenter d’expliquer l’inversion de la courbe des taux de la manière la plus simple qui soit.
Les trois étapes suivantes s’appliquent aux chefs d’entreprise, aux scientifiques, aux entrepreneurs et aux professeurs qui souhaitent expliquer ce concept complexe, mais qui éprouvent des difficultés à trouver les bons mots.
Présentez la situation globale avant d’entrer dans les détails
Le cerveau a pour habitude de traiter le sens d’une information avant de s’attarder sur les détails. Autrement dit, pour se faire comprendre, il vaut mieux commencer par une simple vue d’ensemble.
Prenons une conversation sur l’inversion de la courbe des taux qui commencerait avec l’affirmation suivante : « Mercredi, le rendement des bons du Trésor à 2 ans a dépassé le rendement des bons du Trésor à 10 ans ». Dès le début, il devient difficile pour quiconque n’étant pas un expert en finance de suivre le fil de la conversation. Bien que la phrase soit techniquement juste, ses implications sont difficiles à comprendre si l’on n’est pas familier avec le fonctionnement du marché obligataire.
Pourquoi donc ne pas commencer comme ceci : « Un puissant indicateur des récessions futures suscite aujourd’hui la crainte d’un ralentissement économique et a récemment déclenché une liquidation du marché boursier ». Si vous ne parlez pas tout de suite de rendements inversés, la vue d’ensemble paraît bien plus simple à comprendre, puisqu’elle explique qu’un récent événement survenu sur le marché pourrait bien annoncer une récession économique imminente. Quel que soit cet événement, on comprend bien qu’il a fait fuir les investisseurs, et même sans les détails on a une bonne idée de ce qui a causé tout ce tapage.
Campbell Harvey rend même la chose encore plus claire : « Tout indicateur économique qui a pu prévoir correctement les sept dernières récessions devrait attirer votre attention ». Grâce à une explication claire et rapide de l’impact des rendements inversés, vos interlocuteurs devraient se sentir plus concernés et vous pourrez alors rentrer dans les détails.
Utilisez des mots simples
Maintenant que votre auditeur a une idée générale de la situation et de son importance, tentons d’expliquer certains détails avec des phrases simples.
Lorsqu’un journaliste de ABC News a demandé au professeur Harvey d’expliquer l’inversion des rendements, ce dernier a répondu avec un court paragraphe écrit qu’il estimait simple. En réalité, les mots employés étaient bien trop complexes, notamment la notion de « rendement ». Dans sa deuxième version, le professeur a remplacé ce mot par le terme « taux d’intérêt », bien plus accessible. La voici :
« Si vous bloquez votre argent sur un long terme, alors le taux d’intérêt sera très souvent plus élevé que pour un court terme. Mais aujourd’hui, les choses sont inversées : les taux d’intérêt à 10 ans sont plus faibles que les taux d’intérêt courts. C’est ce qu’on appelle “l’inversion de la courbe des rendements”. Au cours des 50 dernières années, nous avons assisté à sept inversions de la courbe des taux. À chaque fois, elles ont été suivies de peu par une récession ».
En cinq phrases, Campbell Harvey est parvenu à expliquer la situation et son importance à un public non averti. Ce n’était pourtant pas une mission facile, mais le professeur dispose de 30 ans de bagage professionnel qui lui permet de faire un état des lieux aussi synthétique.
Évidemment, vous pouvez rajouter des ingrédients à la recette proposée par Campbell Harvey. Sa thèse de 124 pages est disponible en anglais juste ici. La communication devient alors un art plus qu’une science. À vous de savoir quels détails vous pouvez inclure en fonction de vos interlocuteurs, de leurs connaissances et de leur soif de curiosité.
Un petit conseil : donnez suffisamment d’informations pour intéresser votre auditoire, sans pour autant le noyer sous un flot de détails soporifiques.
Ne lésinez pas sur les comparaisons
En comparant un concept abstrait avec une notion familière, on simplifie instantanément l’idée de départ. Le New York Times a par exemple consacré un article entier au sujet de la courbe des taux, en le comparant à des paris sportifs. Le journaliste a ainsi comparé la courbe des rendements du marché obligataire aux paris sur une équipe de football américain. Selon l’article : « Les mouvements du marché obligataire ces neuf derniers mois, et en particulier ces dernières semaines, sont l’équivalent de ce qui se passerait si les joueurs stars de l’équipe annonçait jouer leur dernière saison avant de partir à la retraite. Les perspectives actuelles restent stables, mais à long terme elles s’assombrissent ».
Certains économistes et experts estiment que les facteurs qui ont mené à l’inversion de la courbe des rendements cette semaine aux États-Unis sont différents de d’habitude et pourraient finalement ne pas être annonciateurs d’une récession imminente. Ils craignent néanmoins que la nouvelle se transforme en prophétie auto-réalisatrice au fur et à mesure que les consommateurs et les entreprises réduisent leurs dépenses. Voilà donc autant de bonnes raisons pour les économistes, les experts en finance et même la Réserve fédérale des États-Unis de communiquer dans un langage accessible à tous.
L’explication la plus simple de l’inversion de la courbe des rendements reste encore celle donnée par un titre du média Vox : « A recession is coming! Maybe. » (Une récession se profile ! Peut-être.). Parfois ce sont les formules les plus simples qui véhiculent le plus d’informations.
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