Peu discuté parmi les analystes, le régime des retraites des fonctionnaires américains représente un risque de financement important.
Si la raison principale porte sur la faiblesse des taux d’intérêt, aucune des solutions possibles ne semble suffisante pour réduire le problème à court terme. Selon les estimations, ce sous-financement atteindrait près de 20% du PIB américain – 3800 milliards de dollars – en tenant compte des rendements actuels proposés par les obligations du trésor américain et aurait augmenté de 434 milliards de dollars l’an dernier.
La principale raison de ce déséquilibre bilanciel est la baisse des rendements obligataires ces dernières années en réaction aux politiques monétaires non-conventionnelles de la banque centrale américaine. Les niveaux de pension de retraite étant déterminés sur l’hypothèse structurelle d’un rendement de 7,5%, le rendement moyen des fonds de pension n’aurait atteint que 2,9% en 2015 et 1,5% en 2016, des niveaux significativement inférieurs à ceux espérés.
Quatre solutions existent pour compenser ce déséquilibre.
La première solution est d’augmenter les cotisations des retraites. Cette possibilité a été appliquée par le plus grand fond de pension américain, Calpers, mais a connu d’importantes réticences. La ville de Loyalton a ainsi souhaité mettre fin à ses engagements contractuels conduisant le fonds de pension à réclamer une indemnité de 1,6 millions de dollars, non satisfaite par Loyalton, et qui a finalement conduit Calpers à réduire de 60% le niveau de versement des pensions.
La seconde solution est d’accentuer l’exposition au risque pour compenser la faiblesse du rendement obligataire. Selon la Banque centrale américaine, 47% du portefeuille moyen des fonds de pension était investie en obligation en 1992 contre 27% en 2016. Ainsi, pour 2,5% de rendement sur les obligations et un objectif moyen de rendement annuel de 7.5% visé par les fonds de pension, cette exposition de 73% en actifs risqués nécessite une performance annuelle supérieure à 9%.
La troisième solution est de renégocier à la baisse les pensions déjà en cours de versement. C’est notamment le choix fait à Cleveland dans le secteur – pourtant privé – de la métallurgie où une baisse moyenne de 20% a été consentie pour rendre durable le versement des pensions au-delà de 2025.
Une quatrième solution est que la Banque centrale américaine augmente son taux d’intérêt directeur. Une hausse des taux d’intérêt implique une hausse du taux d’actualisation utilisé pour estimer la valeur du passif des retraites qui diminuerait en conséquence. Seul obstacle : le durcissement des conditions de financement limiterait la capacité des fonds de pension à emprunter pour financer des besoins de trésorerie.
Les conséquences de ces déséquilibres sont nombreuses.
Sur le marché du crédit, un effet déjà observé est la dégradation des notations pour différentes collectivités et États, limitant leur accès au financement par le crédit. C’est notamment le cas du New Jersey, de Houston mais également de Dallas, dont l’écart bilanciel excède trois milliards de dollars, et de la ville de Chicago dont le sous-financement correspond à plus de 19 années de revenus fiscaux pour la ville. En outre, le volume des émissions obligataires municipales a diminué sous l’effet de la méfiance des investisseurs. Cette dégradation des conditions financières remet en cause la pérennité de nombreux fonds de pension mais également la capacité des collectivités et États à répondre aux besoins de service public.
Sur le plan législatif, les fonds de pension des retraites sont depuis 2014 autorisés à réduire les pensions sous réserve que ces mesures améliorent leur solvabilité. Cette rupture avec la garantie fédérale proposée pendant 40 ans, remet en cause la sécurité financière des fonctionnaires américains. On estime par exemple à 700 000 le nombre de retraités n’ayant toujours pas soldé leur prêt étudiant.
Sur le plan du risque financier, les fonds de pension américains n’ont historiquement jamais été aussi sensibles à une correction des indices actions, principaux contributeurs à la performance des portefeuilles déjà insuffisants. Or, si la croissance des bénéfices, les conditions financières et les conditions économiques soutiennent une hausse des indices à moyen terme, les valorisations élevées ne permettent pas avec certitude d’espérer une performance moyenne ces prochaines années de 9% comme observé sur l’indice S&P500 l’an dernier.
Une normalisation graduelle mais plus rapide des taux d’intérêt directeurs par la FED pourraient limiter l’accélération du sous-financement des fonds de pension américains, sans que cela suffise à résoudre une dynamique déjà entamée depuis une dizaine d’années.
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