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Rachat d’actions : le gouvernement remet sur la table la possibilité d’instaurer une taxe

HONG KONG - 2018/10/02: In this photo illustration, a smartphone displays the CAC 40 market value on the stock exchange via the Yahoo Finance app. (Photo Illustration by Guillaume Payen/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)

Politique | Alors que ce type d’opération a battu des records en 2023, la piste a été évoquée par Gabriel Attal. Mais l’exécutif doit composer avec les réticences du patronat et les normes européennes. 

Parfois il est difficile de suivre le gouvernement. Après avoir évoqué puis balayé la taxe sur les rachats d’actions, l’exécutif se penche de nouveau sur le mécanisme. S’il ne veut pas entendre parler d’une hausse d’impôts, certaines entorses au dogme fiscal sont évoquées pour faire face à la dégradation des comptes publics. Une « task force » regroupant quatre élus de la majorité doit dégager des propositions « sur la taxation des rentes » d’ici fin juin. 

Importée des Etats-Unis, le rachat d’actions est une opération par laquelle une entreprise rachète ses propres actions sur le marché. Dans deux tiers des cas, elle les supprime. « L’effet de ce type de programme est d’accroître la valeur de l’action concernée du fait de la raréfaction des titres disponibles », signale Christopher Dembik, stratégiste chez Pictet Asset Management. Pour ses détracteurs, cette pratique vise uniquement à enrichir les actionnaires au détriment de l’investissement ou des salaires. Pressé par l’opinion publique, Gabriel Attal a déclaré auprès du Monde qu’il envisageait de ponctionner  « les opérations type rachats d’actions menées par de grands groupes qui, plutôt que d’investir et de mieux rémunérer leurs salariés, rachètent leurs propres actions pour faire monter leur cours ». 

Serpent de mer 

Ces mots ne sont pas s’en rappeler ceux d’Emmanuel Macron qui, lors d’une interview dans les JT de TF1 et de France 2 diffusée le 22 mars 2023, dénonçait le « cynisme » des grandes entreprises « qui font des revenus tellement exceptionnels qu’elles en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions ». Le chef de l’Etat intimait alors au gouvernement de « travailler sur une contribution exceptionnelle » afin que les « travailleurs puissent profiter de cette manne ». Car seule la vente d’actions est soumise au prélèvement forfaitaire unique de 30%. Une entreprise qui rachète son propre titre pour ensuite l’annuler n’est pas ponctionnée. Et ce, même quand cela conduit à une appréciation de son cours en bourse. 

La promesse présidentielle était restée jusque-là sans écho. L’exécutif a même semblé faire preuve d’amnésie quand, lors de l’examen au Parlement du projet de loi finances à l’automne, il écartait un amendement déposé par Jean-Paul Mattéi, président du Modem à l’Assemblée nationale. Celui-ci, pourtant adopté en commission des finances, prévoyait d’instaurer une taxe de 1% sur les rachats d’actions effectués par les entreprises au chiffre d’affaires supérieur à un milliard de dollars. 

Le gouvernement a finalement préféré opter pour l’ouverture de négociations avec les partenaires sociaux en cas de bénéfice exceptionnel pour les entreprises. Le rachat d’actions, pratique qui a battu des records records en 2023, atteignant 30 milliards de dollars rien que pour les entreprises du CAC40 en 2023, devenait alors un simple critère de définition. 

Multiples obstacles 

Difficile de ne pas y voir un message politique dans ce nouveau revirement de situation alors que, jusqu’ici, les solutions envisagées pour assainir les finances publiques s’étaient uniquement concentrées sur la réduction de dépenses ciblant les plus précaires. Mais le gouvernement doit également composer avec les réticences du patronat qui se défend du caractère opportuniste de ce type de programme. « Il faudra différencier les comportements abusifs de ceux qui sont utiles pour le marché », précise le député Mathieu Lefèvre dans Les Echos. « Les rachats d’actions sont très mal perçus dans l’opinion publique mais ils peuvent avoir des effets très bénéfiques, expose Christopher Dembik. Cela permet de distribuer des actions gratuites aux collaborateurs, notamment dans le cas des entreprises du CAC 40. Les particuliers détenteurs de titres profitent également de la hausse du cours en bourse. »

D’autant que d’autres obstacles pourraient se dresser sur le chemin du gouvernement. L’instauration d’une taxe sur les rachats d’actions risque de se heurter aux normes du droit européen, rappelant l’écueil de la taxe sur les dividendes. Votée sous François Hollande, la contribution de 3% demandée aux sociétés avait été censurée par le Conseil constitutionnel en 2017. L’État avait été contraint de restituer les montants collectés.

Pour se rassurer, l’exécutif peut toujours regarder en direction de Washington, où Joe Biden a mis en place une taxe de 1% sur les rachats d’actions il y a plus d’un an. Le président américain a ouvertement exprimé son désir d’augmenter ce taux à 4%. « Sur les volumes pris en considération (beaucoup plus importants qu’en France, NDLR), cela peut faire de belles rentrées d’argent sans être trop dissuasif pour les entreprises », souligne Christopher Dembik.


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