Pendant le confinement , les Français ont fait beaucoup d’économies…pour rien ! Car le livret A, rémunéré 0,5%, ne protège même pas leur capital de l’inflation. Alors, pour mieux mettre à profit cette épargne et imaginer le « monde d’après » patrimonial, Forbes a réuni un panel d’experts en gestion de fortune et de patrimoine. Analyses, conseils et coups de cœur.
C’est peu de dire que la crise sanitaire a pris tout le monde de court. L’année 2020 se présentait sous les meilleurs auspices, avec des marchés financiers qui battaient des records et un marché immobilier qui promettait d’afficher une nouvelle année de hausses. Largement de quoi compenser la baisse de rémunération du livret A et des fonds d’assurance-vie en euros enclenchés en 2020. Hélas, rien ne s’est passé comme prévu. La crise sanitaire a fait dévisser les marchés financiers, entraînant dans leur sillage d’autres placements comme les unités de compte présentes dans les contrats d’assurance-vie, les produits d’épargne salariale ou les tout récents plans d’épargne retraite (PER). Impactant même les taux d’intérêt des fonds euros, composés en très faible partie d’actions.
Même les SCPI, les sociétés civiles de placement immobilier, qui caracolaient depuis plusieurs années en tête des placements les plus rentables, se sont mises à vaciller. Pour mémoire, une SCPI est un produit d’épargne investi dans l’immobilier locatif, géré par des professionnels qui collectent de l’argent auprès des épargnants avec lesquels ils achètent et gèrent des immeubles d’habitation, de bureaux, des commerces et autres biens professionnels. Les investisseurs qui souscrivent des parts de SCPI perçoivent des loyers et peuvent encaisser des plus-values lors de la revente de leurs parts. L’investissement par le biais d’une SCPI permet d’éviter nombre de difficultés de l’investissement locatif en direct comme les impayés des loyers, les travaux de rénovation ou la vacance des locaux.
Problème, avec la crise et le confinement, de nombreux locataires se sont retrouvés en difficulté, réclamant des reports ou des annulations de loyer.
Certes, certains placements se sont montrés très performants, comme l’or notamment. La relique barbare, valeur refuge par excellence lorsque les marchés financiers dégringolent, s’est ainsi appréciée de 23 % depuis le début de l’année au 25 mai 2020, à près de 1 750 dollars l’once. Reste que pour le monde de l’épargne, la crise sanitaire mondiale s’est transformée en une crise économique et financière qui a mis les nerfs à rude épreuve. En deux mois, les marchés ont alterné des baisses et des hausses spectaculaires au rythme des bonnes et des mauvaises nouvelles. La crise a aussi obligé les épargnants à se poser les bonnes questions. Comme l’analyse Philippe Feuille, de la Compagnie des CGP-CIF, « au début, la réflexion des clients étaient plus orientée vers la protection de leur santé pour eux-mêmes et leur entourage. Sentant leur vie menacée, ils ont montré une compréhension différente par rapport aux crises financières précédentes en ne rejetant pas la responsabilité sur un système économique, bancaire ou autre. Ils se sont posé des questions sur les différents mécanismes de la chaîne économique et sociale, étant eux-mêmes impactés ou ayant des proches risquant d’avoir leur emploi menacé. Ils avaient présent à l’esprit le risque d’un déséquilibre général pouvant entraîner une récession importante. »
Pour Benjamin Durand, managing partner du multi Family Office B. Durand Capital Partners, « comme souvent dans ces moments-là, ceux qui n’avaient pas pris la mesure de la crise au début ont pu paniquer et vouloir vendre après la baisse, sur les points bas. Il a donc fallu éviter l’effet “portes de saloon” : sécuriser en début de baisse était une bonne idée, mais liquider un portefeuille après 35 % de baisse, c’est trop tard. À ces niveaux, il fallait recommencer à acheter tranquillement, dans une optique à long terme. » Pour lui, « les investisseurs qui n’étaient pas ou peu investis en bourse, qui avaient loupé la hausse de 2019 ou avaient des liquidités disponibles, ont senti l’opportunité de profiter de points d’entrée très attractifs, comme un effet “soldes” dans le commerce. La volatilité des marchés a explosé, on a vu des journées à – 10 %, à + 8 % ; l’engouement inédit pour la bourse s’explique par l’impression pour les nouveaux boursicoteurs de pouvoir capter des gains substantiels rapides. »
Cependant, le miracle n’a pas eu lieu. Le CAC 40 est passé en dessous des 4 000 points entre le 16 et le 23 mars, c’est-à-dire pendant seulement cinq séances. Les boursicoteurs particuliers n’ont donc pas eu le temps de profiter de ces points d’entrée, et en dehors de ceux qui ont acheté les actions des GAFAM, la plupart des investisseurs sont pour l’instant « flat ». Beaucoup restent en embuscade pour racheter massivement sous les 4 000 points. Enfin, et c’est probablement la meilleure stratégie à adopter pour les particuliers, certains investisseurs long terme ont profité des niveaux actuels pour reprendre des positions longues dans des entreprises bien gérées et de qualité. « Au regard de l’économie telle qu’elle était avant la crise, il semble évident que le niveau des marchés actuels est attractif. Néanmoins, nous ne sommes pas encore en mesure d’appréhender les conséquences financières et économiques de la récession. Il faut vivre avec la volatilité, au moins le temps que l’horizon s’éclaircisse », ajoute Romain d’Agnano, d’Aeternia Capital.
Les marchés se sont calmés, le marché immobilier déconfiné semble n’avoir rien perdu de sa verve. Mais l’équilibre reste fragile, soumis aux aléas sanitaires, économiques, sociaux et politiques. Et tous les épargnants se posent la même question : maintenant, on fait quoi ? Alors pour bien choisir, suivez les conseils de nos experts.
Bertrand Durand, Capital Partners :
Le private equity : Les entreprises sous rachat de type LBO vont souffrir tout autant que les autres, mais les fonds de private equity présentent deux avantages majeurs dans les périodes troublées.
D’abord, les millésimes de crise sont traditionnellement les meilleurs dans le private equity : les fonds déploient le capital confié par les clients progressivement dans le temps, sur plusieurs années au gré des opportunités, ce qui lisse les points d’entrée sur des points bas.
Ensuite, ils évitent le biais cognitif car les fonds ne vendent pas leurs participations tant que la performance n’est pas jugée satisfaisante. Pas vendu pas perdu, et des jours meilleurs reviendront à coup sûr, matérialisant des gains pour les investisseurs prêts à tenir dans la durée.
Les valeurs refuges : Valeur refuge par excellence, l’or a nettement progressé au cours des derniers mois. Nous restons acheteurs pour deux raisons : d’abord, c’est une excellente diversification de portefeuille, et en cas de nouvelle baisse des marchés, l’or résistera probablement mieux que les autres classes d’actifs. Ensuite, compte tenu des flots de liquidités déversés par les banques centrales et les États, la quantité limitée d’or disponible dans le monde procure un effet rareté recherché par rapport aux grandes devises mondiales.
Autres valeurs refuges : Les devises comme le franc suisse et le dollar. La perte initiée d’autonomie et d’indépendance des banques centrales vis-à-vis des États dans cette crise présente un risque de défiance vis-à-vis des monnaies. La cohésion de la zone euro pourrait une nouvelle fois être remise en cause. On assisterait alors à un « fly to quality » vers les devises refuges, c’est-à-dire comme toujours le dollar, ainsi que le franc suisse, réputé devise la plus stable au monde.
Les cryptomonnaies et plus particulièrement le bitcoin, valeur refuge parmi les cryptomonnaies, dont l’architecture purement mathématique pourrait apparaître attractive aux investisseurs en cas de perte d’autonomie des banques centrales au profit des États et/ou de crise de confiance majeure dans les monnaies traditionnelles.
Philippe Feuille, de la Compagnie des CGP-CIF :
L’assurance-vie pour la diversification, la souplesse, la fiscalité avantageuse.
Le PEA (plan d’épargne en actions) pour sa fiscalité avantageuse et sa capacité à dégager des revenus pour la retraite.
Les produits retraite (PER) pour pouvoir se constituer par capitalisation un système de revenus pour le futur et profiter des avantages proposés par les nouveautés offertes par la loi PACTE.
Les produits de défiscalisation qui permettent de combiner plusieurs montages immobiliers et autres formes d’investissement (FCPI, FCPR,FIP…).
Pour ceux qui ne veulent pas prendre de risques, le conseil serait de conserver du fonds euro sur une assurance-vie, de panacher avec certains produits immobiliers (SCPI, SCI montées sur des viagers pour dégager des revenus plus confortables sur des personnes en retraite) et ajouter une dose de produits de niche (ISR, éthique) pour diversifier.
Gilles Bonnet, D&B Capital
Le Pinel outre-mer. Avec les taux d’emprunt très bas, cette loi fiscale offre un effet de levier très performant aux investisseurs en recherche de création de patrimoine immobilier à moindre coût.
Le Girardin IS est une loi fiscale extrêmement performante qui consiste à acquérir un bien locatif neuf en outre-mer destiné à être loué dans le secteur intermédiaire, c’est-à-dire sous un plafond de loyers et à des personnes respectant des critères de ressources maximales. En contrepartie de cet investissement, la société bénéficie d’une déduction de 100 % de la valeur du bien de son résultat net fiscal.
La loi Malraux
Le dispositif Malraux est un régime de défiscalisation qui permet d’acquérir un bien immobilier ancien à réhabiliter, situé dans certaines zones bien définies. Le logement doit être destiné à la location. La réduction d’impôt accordée est de 22 % des dépenses de travaux dans les ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager) ou dans les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine. Le pourcentage monte à 30 % dans les « secteurs sauvegardés » et les quartiers anciens « dégradés ». Le gros point positif de ce dispositif (en dehors de l’avantage fiscal non négligeable) est que ce type de bien immobilier est très recherché en location saisonnière, et offre donc de très belles rentabilités locatives.
Emmanuel Cervo, La Boetie Investissements et conseils
L’immobilier en nue-propriété : L’investisseur fait l’acquisition de la nue- propriété d’un bien qui sera exploité par un bailleur social, l’usufruitier temporaire. Une convention fixe la durée du démembrement, un contrat d’entretien règle les obligations du bailleur. À l’acquisition, la valeur de la nue-propriété est inférieure de 35 à 40 % au prix de la pleine propriété, selon la durée du démembrement. Période pendant laquelle il ne perçoit aucun revenu, mais n’a aucune charge d’entretien, aucun aléa locatif, aucune charge fiscale.
Les bois et forêts : L’investissement dans des actifs tangibles, tels que les bois et forêts, peuvent séduire des investisseurs souhaitant fuir la volatilité des marchés tout en leur procurant des avantages fiscaux intéressants. Le prix du bois vendu par les propriétaires forestiers est impacté pour le moment, car notamment lié au secteur de la construction, mais ils peuvent décaler les coupes de bois et attendre des jours meilleurs. Pendant cette attente, le volume de bois sur pied augmente naturellement, en moyenne de 2 % par an. À moyen terme, la valeur des forêts pourrait être soutenue par la hausse de la demande des investisseurs alors que l’offre reste très limitée : les propriétaires de forêts les conservent et peuvent transmettre, dans des conditions fiscales extrêmement avantageuses. En dehors de l’acquisition de forêts, il existe l’équivalent des SCPI pour l’immobilier, ce sont les Groupements forestiers d’investissement. C’est de l’investissement collectif, donc diversifié, avec une gestion professionnelle, et quelques avantages fiscaux associés (réduction d’IR, abattement de 75 % sur les DMTG). Notons que cet investissement a ses risques propres et qu’il n’y a pas de garantie en capital.
Romain d’Agnano, d’Aeternia Capital
Certains fonds obligataires peuvent aujourd’hui proposer des gestions en retrouvant un rendement inédit au regard des dernières années.
Les fonds actions, notamment sur des thématiques porteuses, ou sur des valorisations qu’on peut estimer injustement sanctionnées ces dernières semaines. L’investissement progressif permet de lisser les prix d’investissement et de se prémunir contre d’éventuels retournements de tendance qui pourraient encore arriver.
Le financement à crédit
Le levier du financement restant encore et toujours le meilleur moyen de réaliser des plus-values à long terme. La durée d’investissement est alors notre meilleur allié. Il est possible d’envisager une opération immobilière en direct, ou de type SCPI, pour diluer le risque et épargner régulièrement à côté de cette opération sur le nouveau plan épargne retraite, qui permet désormais une sortie en capital pour cet objectif, et/ou sur un PEA qui permettra de profiter de la croissance long terme.
L’investissement immobilier demeure la pierre angulaire de la préparation à la retraite. C’est un actif de rendement qui répond parfaitement aux besoins nés de la baisse du pouvoir d’achat inhérent à l’arrêt de l’activité professionnelle. Il requiert peu de fonds propres car peut être financé à crédit, ce qui offre également une couverture en prévoyance (assurance emprunteur). C’est donc un excellent moyen de développer son patrimoine et préparer la retraite.
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