En détruisant méthodiquement chaque samedi des agences bancaires et des distributeurs de billets, les gilets jaunes jouent contre leur camp. D’abord parce que, loin d’entamer les marges des banques, ces coûts sont répercutés directement sur les clients, notamment les plus modestes. Surtout parce qu’ils accélèrent le mouvement de fermetures massif des distributeurs de billets en France.
Les saccages de banque et de distributeurs font, chaque samedi, partie des vidéos les plus virales sur les réseaux sociaux. Et cette semaine, c’est une agence du CIC de Bordeaux qui a eu les honneurs des gilets jaunes.
Au total, depuis le début du mouvement des « gilets jaunes » le 17 novembre dernier, 760 agences bancaires ont été dégradées partout en France. Vitres défoncées à coups de bélier, bureaux détériorés et même incendiés, comme pour la banque Tarneaud à Paris, 500 cas sont jugés « importants » par les professionnels du secteur, et 40 cas sont même qualifiés de « graves ».
Dans une belle unanimité les banques appellent donc à ce que cessent les violences. « Il est temps, pour tous, de condamner les actes commis à l’encontre des banques. Il est urgent de mettre un terme à ce déchaînement de violence injustifié. Nous demandons que les conditions soient réunies pour que nos collègues comme les commerçants puissent exercer leur métier en toute sécurité et en toute sérénité au bénéfice de leurs clients », plaident les six membres du comité exécutif de la Fédération bancaire française (BPCE, BNP Paribas, Crédit Mutuel, Banque Postale, Crédit Agricole, Société Générale), l’organisation professionnelle qui représente toutes les banques installées en France.
En s’acharnant sur les banques, les gilets jaunes font fausse route. Car ils accélèrent un mouvement de fermeture des petites agences et des distributeurs engagé par tous les établissements financiers depuis une dizaine d’années.
Entre 2009 et 2016, 14,9 % des agences bancaires ont disparu en France selon la Fédération bancaire française. Et d’ici 2020, le nombre d’agences pourrait passer de 37 261 à 32 500, selon une étude du cabinet Sia Partners.
Toutes les banques sont touchées, même si certaines accélèrent plus vite que d’autres. C’est le cas du LCL qui a annoncé le 7 mars la suppression supplémentaire d’une centaine de ses agences en France d’ici à 2021. Et ce après avoir allégé son réseau de 20 % des agences.
Et le mouvement devrait s’amplifier sur le modèle de l’Allemagne ou environ un quart des guichets ont fermé en dix ans. La France reste, derrière l’Espagne, le deuxième pays européen comptant le plus d’agences bancaires par habitant, à savoir 549 pour un million d’habitants en 2017, la moyenne européenne étant à 255.
« Si on laisse se faire les stratégies individuelles de tous les acteurs, nous arriverons à des points de rupture importants notamment dans les territoires les plus difficiles à desservir », a averti lors d’une audition devant le Sénat, Erick Lacourrège, directeur général du réseau à la Banque de France.
Côtés distributeurs de billets, le mouvement est encore plus rapide. Le nombre de DAB (distributeur automatique de billets) fond comme neige au soleil sur le territoire : 54 786 à fin 2018, contre 55 810 un an plus tôt.
Il faut dire que les DAB coûtent cher. L’implantation d’un distributeur de billets revient à environ 90 000 euros et son entretien annuel autour de 14 000 euros. Le transfert sécurisé des fonds, onéreux dans tout les cas de figure, pèse encore plus lourd, notamment pour les communes isolées.
Des coûts injustifiés pour les appareils qui fonctionnent peu. Le seuil de rentabilité des automates est passé d’environ 3 500 à 3 000 retraits par mois à 4 000 voire 4 500 retraits par mois ces dernières années.
Car dans le même temps, le système de commission interbancaire de retrait est devenu beaucoup moins favorable. Quand vous retirez de l’argent dans le DAB d’une banque autre que la vôtre, elle reçoit une commission qui est passée de 0,72 euro à 0,57 euro par retrait. Trop faible pour justifier de nouveaux investissements.
Signe que le sujet est pris très au sérieux, la Banque de France va publier prochainement une cartographie de l’accès aux « DAB », pour mieux se rendre compte de leur inégale répartition sur le territoire français. L’institution a ainsi proposé, en relation avec l’État et la Fédération bancaire française, « de rentrer dans l’élaboration d’une politique nationale des espèces cette année ».
Elle va passer par l’adoption d’alternatives comme le développement du « cashback », le retrait d’argent liquide directement chez les commerçants qui est autorisé en France depuis le début de l’année. Un système très favorable aux banques puisqu’elles vont déléguer les coûts relatifs à la sécurité des transferts de fonds. Et s’éviter quelques vidéos sur les réseaux sociaux.
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