Le dérapage des finances publiques a été acté par l’audit cinglant de la Cour des comptes. Tout ceci est hélas une situation déjà expérimentée depuis 1995. A ce stade, deux questions : que décider ? Avec quelle ampleur ?
La France est un grand pays qui ne se résume pas à quelques chiffres budgétaires. Et pourtant, ce pays est bien dans une forme d’impasse. Plusieurs compartiments de l’action publique sont en manque de crédits tandis que la saturation fiscale est à son maximum avec un score de 57% de dépenses publiques (rapportées au PIB).
Quelques chiffres, pour mémoire :
Concrètement, nous avons à affronter près de 2.200 milliards d’euros de dette (98,6% du PIB) et surtout un déficit budgétaire voté de 72 mds qui s’établit désormais après vérifications de la Cour des comptes à 81 mds. Soit plus 9 milliards qui ont reçu une légitime médiatisation à valeur de réprimande citoyenne.
Dès lors, un chiffre-clef doit être présent : quand l’Etat dépense 120, il n’encaisse que 100 de recettes fiscales (dont le montant est, rappelons-le, de 410 mds).
En clair, nous sommes au-dessus de la barre fatidique des 3% de déficit (rapporté au PIB) avec un 3,2% affiché pour 2017 (contre 2,7% promis par l’équipe sortante) et un nouveau dérapage prévu pour 2018 du fait des manipulations comptables de la Hollandie » crépusculaire » pour reprendre un titre du journal Le Monde.
Oui, la barre des 3% est une exigence démocratique car nous devons enfin tenir notre parole face à nos partenaires européens et particulièrement vis-à-vis de l’Allemagne. Il est crucial que le tandem Merkel – Macron puisse devenir un duo opérationnel au service de la relance politique et juridique de l’Europe.
Oui, des sous-budgétisations coupables et des exagérations de recettes ont eu lieu (la Cour parle ici et là d' » insincérités « ) ce qui devrait entraîner un régime de responsabilité juridique pour le grand timonier de ce passe-passe en la personne de Michel Sapin. Quand irons-nous insérer dans notre droit le délit de parjure pour un ministre qui s’exprime devant les commissions des finances du Parlement ?
Dans notre configuration juridique, tant François Hollande que ses anciens ministres de Bercy sont en vacances y compris le dynamique Christian Eckert. Chacun appréciera en comparaison avec les droits allemand, britannique ou suédois. La France est décidément bonne fille avec ses propres apprentis sorciers.
Que décider ?
Le président de la République a arbitré. Le gouvernement Philippe va engager des gels de crédits et passer les comptes des différents départements ministériels à la paille de fer. Cela va être pire que le traditionnel rabot (ou la RGPP : revue générale des politiques publiques chère à Jean-François Copé) et j’affirme ici que c’est un risque contra-cyclique. Rien ne sera pire qu’une austérité budgétaire qui va altérer la croissance naissante qu’une récente note de l’Insee a qualifiée, sous conditions, de solide. (https://www.insee.fr/fr/statistiques/2872027).
La France est en état d’addiction face à la dépense publique et il faut la désintoxiquer avec parcimonie et doigté. En 1995, en novembre, chacun se souvient du discours du tournant de la rigueur de Jacques Chirac qui avait trop hâtivement écouté son premier ministre Alain Juppé.
La rigueur n’est pas une solution technique et elle est un grand risque politique pour le nouveau président qu’elle éloigne de sa capacité à générer un » choc de confiance » dont nous avons tant besoin.
Quelle ampleur ?
Raymond Barre et Edmond Malinvaud furent mes professeurs. Autant dire que je suis attaché à la rectitude et à la rigueur des comptes publics. Mais cette louable position de principe doit être impérativement croisée avec l’état sociologique du pays. Quand 75% du corps électoral n’a pas apporté son soutien à l’actuel président lors du premier tour des élections présidentielles, il y a lieu de doser l’effort budgétaire avec un tastevin davantage qu’avec un sceau d’abreuvoir à chevaux.
Ainsi, après réflexion posée, je considère que la France a intérêt à emprunter une tranche exceptionnelle de 15 milliards afin de solder le dérapage et les « sapinades » diverses et variées. Les taux sont encore bas et 15 mds représentent 0,68% des 2.200 mds que nous aurons à juguler tôt ou tard.
Je rappelle que la France emprunte chaque année 180 mds (hors quote-part de remboursements) et que le quinquennat Hollande a vu notre dette s’aggraver de 341 milliards d’euros.
Emprunter pour éviter une dislocation de l’embellie conjoncturelle, telle est ma conviction à rebours des fondamentaux de ma formation.
Au demeurant, je souligne que la disette budgétaire est une pratique qui est bien souvent contournée. Un exemple à 2,5 milliards ? On nous parle du gel du point d’indice des fonctionnaires alors même que le gel de 2010 à 2016 a été biaisé, avec » brio » et constance par une politique inflationniste de promotions. En clair, les primes exceptionnelles et le GVT (glissement vieillissement technicité) ont largement permis de maintenir, a minima, le pouvoir d’achat.
Il y a donc l’affichage depuis un pupitre de Matignon et les réalités du terrain.
Si l’ampleur du serrage de vis que veut conduire Edouard Philippe est sec, il y aura des stratégies de contournement dans les divers replis de notre Etat obèse mais soucieux de son périmètre de » survie « .
Je ne peux que suggérer de s’attaquer aux 112 milliards de fiscalité affectée que nul ministre n’attaque depuis des années. (Une piste crédible pour réduire la dépense publique).
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