Réforme fiscale emblématique du quinquennat Hollande et censée entrer en vigueur au 1er janvier 2018, le prélèvement de l’impôt à la source ne devrait finalement pas voir le jour sous la mandature Macron en raison de la « complexité de sa mise en œuvre ».
« Aux antipodes de la simplification avancée par le gouvernement, le prélèvement à la source va constituer une charge supplémentaire pour l’entreprise » soulignait Eric Woerth, député Les Républicains de l’Oise et ancien ministre du Budget, dans nos colonnes au moment du vote à l’Assemblée, en novembre dernier. Un postulat repris, depuis, par le ministre de l’Action et des Comptes Publics… et ancien membre des Républicains, Gérald Darmanin. « Si c’est une source de complexité pour les entreprises, nous ne le ferons pas, c’est ce qu’a dit le Président de la République », a souligné le ministre au lendemain de sa nomination à Bercy. Et d’ajouter : « une pause sera de toute façon mise en œuvre sur ce sujet afin d’étudier le process et d’écouter les organisations syndicales, le patronat, les entreprises, les particuliers, pour ne pas alourdir les procédures ». La pause susnommée correspond, en effet, à l’audit promis par le candidat Macron durant la campagne présidentielle. L’ancien locataire de Bercy préconisait une période de « test » avant mise en place effective. « Je souhaite que l’on expérimente l’impôt à la source au 1er janvier prochain mais je ne souhaite pas qu’il soit généralisé tout de suite », soulignait-il fin mars. Une « période d’essai » afin de se prémunir contre les contraintes techniques.
Mais dans les colonnes du JDD, Edouard Philippe mettait un coup de canif supplémentaire à une réforme – pourtant qualifiée de salutaire par l’ancien ministre du Budget Christian Eckert – qui a de moins en moins de chance de voir le jour. « Tout le monde sait que cette réforme, telle qu’elle a été envisagée, est une source de complexités supplémentaires pour les entreprises ». Prenant tout de même soin d’ajouter : « j’ai demandé au ministre en charge du Budget, Gérald Darmanin, d’examiner les conditions de sa mise en œuvre. Ensuite nous discuterons au sein du gouvernement et une décision sera prise très rapidement ». Une façon diplomatique de signer l’acte de décès d’une mesure en sursis depuis l’élection d’Emmanuel Macron à l’Elysée, ce dernier n’ayant, comme évoqué en préambule, jamais caché ses réserves et sa circonspection quant à la mise en place de cette « arlésienne » du débat fiscal.
Les syndicats vent debout contre l’impôt à la source
Et il n’est pas le seul. Les syndicats Solidaires Finances Publiques, CGT et FO n’ont pas hésité à tirer à boulets rouges sur le prélèvement à la source à trois jours du premier tour, fustigeant l’impréparation et l’improvisation totale de Bercy concernant les conditions d’entrée en vigueur du prélèvement à la source. Les organisations syndicales n’y vont pas de main morte, dans un communiqué commun, tirant la sonnette d’alarme contre les « risques d’accident industriel susceptibles de se produire tant sur le niveau des recettes fiscales de l’État que sur le consentement à l’impôt, les conditions d’accueil des contribuables ou encore les conditions de travail des personnels de la Direction Générale des Finances publiques (DGFiP).
Alors que la campagne de déclarations de revenus bat son plein, les syndicats jugent en effet que la mise en place du prélèvement à la source va littéralement désarçonner les contribuables et les exhorter à se tourner en masse « vers les services de la DGFiP de nombreux contribuables déboussolés et en recherche de réponses précises ». Or, c’est justement ce que le nouveau gouvernement souhaite éviter, à savoir un « couac fiscal » concernant une réforme « appartenant au passé », au quinquennat Hollande duquel Emmanuel Macron a mis tant d’ardeur à prendre ses distances. Gérald Darmanin, de son côté, affirmait carrément ce dimanche vouloir être le « ministre de la suspension de l’impôt à la source ».
« La réforme ne sera pas jetée à la poubelle »
Toutes les conditions de l’arrêt du processus semblent réunies, bien que Benjamin Griveaux, porte-parole de La République en Marche!, s’évertue à ménager la chèvre et le chou, évoquant de nouveau le fameux audit défendu pendant la campagne du candidat Macron. « On va regarder cet audit et, si l’expérimentation peut être lancée dans de bonnes conditions, elle sera lancée, et si ce n’est pas le cas, il y aura un report ». Volonté de sauver la face de la part du porte-parole, lui qui promettait que la réforme ne serait pas « jetée à la poubelle » ? Toujours est-il que le prélèvement de l’impôt à la source n’a jamais été aussi proche de rendre son dernier souffle.
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