Une contribution de Cyrille Bender, Vice-Président, Responsable de la Practice Private Equity pour la France chez EFESO Management Consultants
De nombreuses sociétés industrielles présentes dans les portefeuilles de fonds de private equity en sont à leur deuxième, voire troisième cycle de LBO. Alors que les opportunités de réduction de coûts les plus faciles ont déjà été réalisées, les investisseurs doivent désormais rechercher des gisements de compétitivité plus complexes. Les améliorations incrémentales et isolées ne suffisent plus. Il faut couvrir l’ensemble de la base de coûts et combiner de façon optimale tous les leviers couvrant les processus, les produits, et les fonctions clés telles que les achats ou la production. Les fonds de PE ne peuvent déployer leur « dry power » qu’une seule fois.
Dépasser la logique de réduction incrémentale des coûts et de gains rapides
La majorité des investisseurs dans l’industrie se concentrent sur la recherche d’économies facilement réalisables — les « low-hanging fruits » et négligent trop souvent une analyse exhaustive et approfondie des charges. Cette approche, fonctionnant en silo et de manière incrémentale, se focalise sur les opportunités les plus accessibles et rapides à concrétiser.
À l’inverse, les fonds engagés dans des durées plus longues, dépassant les trois à cinq années standards, adoptent une approche plus « sophistiquée » dans leur quête d’améliorations de la performance opérationnelle. Ces fonds ne se limitent pas à l’accélération de la croissance ou à l’expansion des marges. Ils cherchent également à obtenir une maîtrise holistique des coûts. Cependant, dans les faits, peu de fonds parviennent à rassembler les compétences nécessaires pour actionner ces trois leviers : accélération de la croissance, expansion des marges et maîtrise des coûts.
L’inflation comme révélateur de l’importance de la maîtrise des coûts
Face à la pression inflationniste et à la volatilité de la supply chain auxquels font face les sociétés industrielles, le premier réflexe est de répercuter les hausses des coûts sur les prix de vente. Cette répercussion sur le client n’est pas toujours possible, notamment pour des raisons concurrentielles. Il devient alors impératif de réduire ses coûts pour protéger ses marges.
Dans cette optique, les due diligences opérationnelles réalisées pour les fonds permettent de revoir les plans de réduction des coûts prévus par le management, typiquement 2, 3, voire 4 % pour compenser l’inflation.C’est très souvent insuffisant. Et ça ne peut pas reposer seulement SUR répercuter aux fournisseurs l’effort à produire.
Il est nécessaire de (ré)introduire dans les sociétés des compétences capables de piloter dans la durée un programme de maîtrise des coûts holistique et pérenne.
Une approche holistique à intégrer au plan de création de valeur post-closing
Un investisseur dispose généralement de cinq à sept ans pour transformer une société industrielle. Compte tenu de la multiplicité des leviers à actionner, des fonctions internes impliquées et des fournisseurs impactés, il est crucial d’engager un travail de réduction des coûts au plus tôt afin que les résultats se matérialisent pleinement lors de la cession de la société. Cette démarche doit intégrer les spécificités des stratégies Capex des industriels.
Ainsi, certaines sociétés industrielles ont tendance à favoriser une approche « greenfield » reposant sur la construction de capacités industrielles ex nihilo. Face à ces plans d’investissement optimistes, il est essentiel de vérifier leur alignement avec la stratégie et les hypothèses structurantes définies initialement.
D’autres industriels privilégient une approche combinant « greenfield » et « brownfield », soit la reconfiguration d’actifs industriels existants, ce qui complexifie davantage l’analyse pour un investisseur. Cette situation est courante chez les constructeurs automobiles et leurs sous-traitants qui doivent à la fois adapter leurs sites industriels existants et investir dans de nouveaux outils adaptés aux nouvelles motorisations et technologies. Dans de telles situations, une approche holistique de la maîtrise des coûts est impérative. Elle permet en effet de répondre aux ambitions stratégiques tout en couvrant l’ensemble des problématiques opérationnelles et fonctionnelles.
Intégrer les enjeux ESG dans la maîtrise pérenne des coûts
Il est également devenu essentiel d’intégrer les enjeux de réduction de l’empreinte carbone dans la réduction des coûts. Les industriels doivent intégrer à la fois les contraintes réglementaires et les taxes carbone subies ou évitées pour se rapprocher d’objectifs d’émissions nettes nulles. Ainsi, un acteur de l’industrie des batteries électriques qui aurait décidé de ne pas investir dans de nouvelles usines de cellules, préférant les importer de Chine, pourrait considérer sa stratégie comme gagnante. Cependant, en adoptant une approche plus holistique, il prendrait conscience que l’évolution des contraintes réglementaires, les subventions sur certains programmes et les changements liés à la taxe carbone imposent d’investir dans une unité de production locale.
Maximiser la valeur de sortie dans l’industrie
Moins vite, plus large, plus fort … c’est un fait : les sociétés qui adoptent une approche holistique pour maîtriser leurs coûts sont mieux valorisées. Cela constitue un avantage concurrentiel clé ainsi qu’une garantie de résilience face aux turbulences. Augmenter les dépenses en début de cycle sur des sujets de qualité, de maintenance et de R&D permet de maximiser la génération cash-flow et, par conséquent, la valorisation. Dans l’industrie, il est indispensable d’anticiper l’histoire sur le cycle suivant.
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