Donner une seconde chance à ceux que la vie a malmenés. En l’espace de quelques jours, deux initiatives ont été annoncées par le gouvernement. Un « French Impact » d’un côté, censé donner des relais de croissance à toutes les innovations sociales, y compris celles des start-up. Un « parcours emploi compétence » de l’autre, appelé à remplacer les contrats aidés, jugés trop coûteux au regard de leur efficacité. Ce dernier dispositif est à l’initiative de Jean-Marc Borello, le président du Groupe SOS, déjà à l’origine de « Reconnect », un cloud à disposition des personnes sans domicile qui souhaiteraient stocker leurs documents.
Les cyniques diront que c’est le rôle de l’État de garantir à ses citoyens des dispositifs d’insertion sociale. Qu’un tel contrat social est au fondement même de notre démocratie. Manière, sans doute, de balayer d’un revers de manche le concours possible – je dirais souhaitable, nécessaire – des acteurs économiques privés. Et de s’acheter une bonne conscience à peu de frais.
En matière d’économie sociale et solidaire, la question du rôle de la sphère privée importe : réinsérer les citoyens les plus en difficulté est d’intérêt général. La cohésion sociale en dépend. Ne soyons pas naïf pour autant. En économie capitaliste, réinsérer signifie redonner du pouvoir d’achat. Pour consommer ? Oui, aussi pour avoir un toit au-dessus de sa tête, se sentir plus en sécurité. Des besoins essentiels, condition sine qua non d’un retour à la dignité sociale.
La dignité sociale, c’est avoir accès à sa citoyenneté bancaire
Seulement, en économie de marché, la citoyenneté passe aussi par les attributs financiers. Celui qui n’a ni compte en banque, ni carte de crédit, ni chéquier ne peut aspirer à mener une vie décente. Un compte est nécessaire pour percevoir son salaire ou ses allocations. Et le paiement électronique devient la norme au fur et à mesure que le liquide disparaît. Le sujet n’est pas anodin : en France, ils sont entre 5 et 6 millions à rencontrer des difficultés bancaires.
Dans ce schéma, les fintechs, ces start-up qui réinventent la finance sous l’impulsion de la technologie, ont un rôle à jouer. Aussi parce que les relais traditionnels de la citoyenneté bancaire que sont, historiquement, les banques et la Poste, se désengagent. D’ici 2020, la Société Générale devrait fermer 300 agences, BNP Paribas 200, le Groupe BCPE 400, et LCL un peu plus de 250. Un plan de fermetures des caisses de la Banque de France est à l’étude, qui devrait concerner douze villes en 2018. Même le Trésor Public s’y met, qui ferme localement certaines de ses trésoreries. Certains y voient une ubérisation massive.
Les fintechs, acteurs engagés de la réinsertion sociale
Appliquée à la finance, cette technologie nous paraît au contraire porteuse d’un réaffirmation possible de la citoyenneté bancaire, comme le « Cloud Solidaire » utilise la technologie au profit des plus fragiles. Certes, le rapport entre finance, technologie et économie sociale et solidaire ne saute pas aux yeux.
Mais à y regarder de plus près, les fintechs ont au moins une vertu : celle de décloisonner. Verticalement, en fournissant à tous leurs clients une qualité de service identique. Horizontalement, en simplifiant les parcours traditionnels qui s’apparentaient parfois, et à plus forte raison pour les précarisés, à ceux du combattant.
Pour preuve, la fintech Compte Nickel a donné l’accès à un compte courant aux bannis du circuit bancaire, et a su séduire quelques 800 000 clients en trois ans, avant d’être rachetée par BNP Paribas. Le succès de Compte Nickel a au moins prouvé deux choses : qu’il y a de la place aujourd’hui pour une finance inclusive et qu’il est possible de concilier performance économique et intérêt général.
La finance gratuite n’est pas une utopie
Le digital, en soi, n’est pas discriminant.
Les frais bancaires ne sont pas une fatalité : la technologie automatise les systèmes et les rend accessibles à tous pour un coût infinitésimal. C’est pourquoi les services bancaires en ligne peuvent être accessibles à tous, gratuitement et sans condition de revenu. Y compris aux exclus du système, à tous ceux qui ne possèdent pas de smartphone dernier cri. De même l’épargne, cet attribut bancaire qui a les faveurs populaires, doit être encore plus largement accessible, dès le premier euro.
Reste la volonté. Celle d’accompagner la libéralisation des initiatives économiques par le déploiement un État protecteur et innovant semble au rendez-vous. Quitte à être complétée sur le terrain par les acteurs de l’économie sociale et solidaire.
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