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Long Story | Nala, la fintech africaine qui offre aux travailleurs un meilleur moyen d’envoyer de l’argent chez eux

Nala
Benjamin Fernandes, PDG et fondateur de Nala. | Source : capture d'écran vidéo

La fintech Nala vient de lever 40 millions de dollars pour construire ses propres canaux de paiement permettant aux entreprises internationales de transférer de l’argent vers et depuis le continent africain.

Article de Segun Olakoyenikan pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

Benjamin Fernandes a lancé sa start-up fintech Nala en 2018 dans le but d’accélérer les transferts d’argent au sein de sa Tanzanie natale. Au cours des deux années suivantes, l’ancien animateur de télévision et titulaire d’un MBA de Stanford, aujourd’hui âgé de 31 ans, a essuyé échec après échec.

 

Des échecs formateurs

Tout d’abord, le plus grand fournisseur de télécommunications de Tanzanie a adressé à Nala une lettre de cessation et de désistement, coupant l’accès de Benjamin Fernandes à l’un des principaux éléments d’infrastructure qu’il utilisait pour transférer de l’argent. Ensuite, son cofondateur a démissionné une semaine avant la journée de démonstration à Y Combinator, l’accélérateur de start-up auquel Nala avait accédé en 2019, après cinq tentatives infructueuses. Enfin, en 2020, la pandémie de covid-19 a frappé, réduisant la demande déjà faible pour le service de paiements domestiques de Nala.

« Nous avons dû le fermer. Cela a été très dur », déclare Benjamin Fernandes, PDG de Nala, depuis son bureau de New York, un jour après que l’entreprise a été présentée sur le panneau d’affichage emblématique du Nasdaq à Times Square. « Nous avons dû procéder à des licenciements et réorganiser l’équipe. »

Au lieu de se retirer, Benjamin Fernandes a refondu et reconstruit Nala au cours des deux années suivantes pour en faire un service de transfert de fonds transfrontalier qui permet aujourd’hui aux expatriés africains travaillant aux États-Unis et dans 20 pays européens d’envoyer de l’argent dans 11 pays africains, dont le Kenya, le Nigeria, l’Ouganda, la Tanzanie et le Rwanda. Au total, la plateforme compte aujourd’hui plus de 500 000 clients enregistrés, mais aucun ne vit en Afrique.

Si Nala n’est pas le seul service dans ce domaine, ni celui le moins cher, la plateforme ajoute des éléments supplémentaires en fonction de sa compréhension du marché cible. Au Kenya, par exemple, Nala s’intègre directement au service d’argent mobile dominant M-Pesa, ce qui permet à ceux qui travaillent à l’étranger de payer les factures des services publics de leur famille directement à partir de leur compte. « Ce que nous avons remarqué, c’est que les diasporas se soucient du contrôle de l’argent », explique Benjamin Fernandes.

Il s’agit d’une activité en pleine croissance. Les Nations Unies prévoient que la population sur le continent africain doublera presque pour atteindre 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, ce qui fera de ce continent le berceau de près d’une personne sur quatre en âge de travailler. Environ un million d’Africains partent chaque année à la recherche d’un emploi.

 

Des projets ambitieux

Cependant, Fernandes a des projets encore plus ambitieux. En juillet, malgré un marché de la fintech déprimé, sa start-up de 100 personnes a levé 40 millions de dollars (pour une valorisation estimée à plus de 200 millions de dollars). Seules cinq autres fintechs africaines ont levé 40 millions de dollars ou plus lors d’une levée de fonds de série A depuis 2015, selon PitchBook. La société de capital-risque Acrew Capital, basée à San Francisco, a mené le tour de table, et la société de capital-risque Amplo, basée au Texas, ainsi que DST Global, qui gère cinq milliards de dollars d’actifs, ont également investi.

(La plupart des employés de Nala sont basés au Kenya et au Royaume-Uni et Benjamin Fernandes passe la plupart de son temps au bureau de Londres.)

Il ne s’agit pas de fonds nécessaires pour soutenir les opérations actuelles. En 2023, le chiffre d’affaires de Nala dépassera les 15 millions de dollars et, en février dernier, l’entreprise est devenue rentable sur la base des principes comptables généralement admis (GAAP), explique Benjamin Fernandes. « Nous avons atteint la rentabilité sur la base du bénéfice net », affirme le directeur financier de Nala, Andrei Klevtsov, qui était auparavant responsable de la comptabilité chez Wise. « Au niveau de l’EBITDA, le résultat est le même : nous sommes encore une très jeune entreprise et nous n’avons pas d’ajustements significatifs provenant d’activités non opérationnelles. »

En revanche, Benjamin Fernandes entend utiliser ces nouvelles liquidités pour se développer de deux manières. Tout d’abord, Nala prévoit d’étendre ses activités de transfert de fonds aux marchés d’Asie du Sud, notamment l’Inde, le Pakistan et les Philippines, puis à l’Amérique latine.

Ensuite, une partie des nouveaux capitaux sera consacrée à l’obtention de nouvelles licences et au financement du développement de Rafiki, une infrastructure de paiement transfrontalier conçue pour les entreprises internationales. Selon Benjamin Fernandes, l’infrastructure de paiement en Afrique ne représente aujourd’hui qu’un pour cent de ce qu’elle pourrait et devrait être à terme. L’Afrique reste le continent où il est le plus coûteux d’envoyer de l’argent en raison de problèmes réglementaires, de fluctuations monétaires, d’une concurrence limitée et d’un manque d’infrastructures de paiement spécialement conçues pour les entreprises internationales.

 

Le parcours de Benjamin Fernandes

Ayant grandi à Dar es Salam, en Tanzanie, Benjamain Fernandes n’a pas eu beaucoup de fondateurs d’entreprises technologiques comme modèles à suivre. Pourtant, il n’était pas dépourvu d’inspiration. Ses parents sont tous deux des prédicateurs évangéliques renommés qui ne sont jamais allés à l’université, mais ils ont créé le World Agape Ministries et lancé une chaîne de télévision évangélique. Ainsi, à 17 ans, Benjamin Fernandes a commencé à travailler comme personnalité de la télévision, en animant des émissions de débats pour enfants. Il a ensuite attiré l’attention internationale en couvrant des événements sportifs majeurs tels que les Jeux olympiques de Londres en 2012 et la Coupe du monde de football en 2014.

En 2015, l’année suivant l’obtention de sa licence en comptabilité à l’université de Northwestern-St. Paul dans le Minnesota, Benjamin Fernandes a été accepté à l’école de commerce de Stanford grâce à une bourse d’études complète en tant que boursier du MBA africain. C’est à Stanford qu’il a commencé à explorer la possibilité de créer une entreprise de paiement. Ses camarades de classe, imprégnés de la culture des start-up de la Silicon Valley ont été une source d’encouragement pour lui.

Après avoir réinventé Nala en 2021 pour en faire un service de transfert de fonds transfrontalier, Benjamin Fernandes a utilisé l’audience importante qu’il avait acquise sur les réseaux sociaux en tant qu’ancien animateur de télévision pour développer l’entreprise. Il s’est rendu sur Clubhouse pour trouver des clients et a pu commercialiser l’entreprise auprès de ses près de 450 000 abonnés Instagram, en leur demandant de tester ses produits. En janvier 2022, il a levé un financement de dix millions de dollars mené par Amplo, une société de capital-risque basée au Texas et spécialisée dans les investissements internationaux.

 

La nouvelle infrastructure Rafiki

Nala gagne de l’argent grâce aux marges sur les opérations de change (les frais supplémentaires qu’elle prélève en plus des taux de change). La société tire également profit de sa contribution à l’approvisionnement en devises fortes sur un continent où de nombreux pays sont confrontés à des pénuries. « Les banques n’ont jamais assez de dollars », explique Benjamin Fernandes. « Parce que j’apporte des dollars en Afrique, les banques sont prêtes à me payer une prime pour les dollars. J’ai donc un effet de levier sur le prix que je peux demander pour les dollars sur le marché. »

Avec sa nouvelle infrastructure Rafiki, Nala vise à créer des canaux de paiement fiables et moins coûteux qui rationalisent les paiements et les recouvrements pour les entreprises. Cela signifie que les entreprises internationales, telles que les sociétés de paie et de transfert de fonds qui cherchent à commercer avec l’Afrique, mais qui ne disposent pas des autorisations réglementaires nécessaires, peuvent se connecter à Rafiki là où l’infrastructure est déjà autorisée. Cela leur permettrait d’effectuer des paiements à plusieurs employés et de rapatrier les sommes perçues auprès des clients.

« Par exemple, DHL doit gérer les encaissements au Nigeria et rapatrier les fonds en Allemagne, où nous avons une entité », explique Benjamin Fernandes. « Ou encore des entreprises comme Netflix qui tentent de gérer les recouvrements auprès de leurs clients. C’est le marché cible de Rafiki. »

Ces services transfrontaliers sont similaires à ceux fournis par des sociétés fintech mondiales telles que dLocal et Airwallex, qui ont révolutionné les paiements pour les entreprises d’Amérique latine et d’Asie. « Rafiki est le dLocal de l’Afrique », explique Benjamin Fernandes.

L’activité d’infrastructure de Rafiki est née du désir du fondateur de relever les défis de Nala en matière de paiement. Au début, lorsque les volumes de transactions augmentaient, Nala a rencontré des problèmes de fiabilité, car la plateforme utilisait des canaux de paiement externes, une infrastructure qui permet le transfert électronique d’argent d’une personne à une autre. « Les coûts d’exploitation et d’assistance devenaient si élevés que nous avons décidé qu’il valait mieux résoudre le problème lui-même », explique Benjamin Fernades. « Nous avons fini par construire nos propres canaux de paiement. »

 

Ce qui distingue Nala de ses concurrents

Des sociétés fintech telles que Remitly, Taptap Send, LemFi et Sendwave proposent également des services permettant aux travailleurs d’envoyer de l’argent en Afrique par voie numérique. En fait, la plus jeune de ces entreprises a été lancée un an avant que Nala n’entre sur le marché des paiements transfrontaliers. Cependant, Nala a essayé de se distinguer de plusieurs façons. En obtenant les licences et les autorisations réglementaires nécessaires pour faciliter les transferts d’argent, la start-up a établi des connexions directes avec les banques et les télécommunications de la région. Cela lui permet de contourner les multiples réseaux de paiement, qui ont l’habitude de ralentir les transactions, et de s’assurer que les fonds sont versés directement sur le compte du bénéficiaire.

Benjamin Fernandes souhaite également donner aux clients individuels plus de contrôle sur l’utilisation de l’argent qu’ils envoient dans leur pays. « Dans certains pays, comme le Kenya, nous permettons le paiement direct des factures d’électricité, d’eau et d’autres services. C’est en fait l’une de nos fonctions les plus populaires. »

Il souhaite maintenant que les activités de Nala s’étendent au-delà des envois de fonds et proposent d’autres services financiers qui renforcent l’autonomie des clients. Par exemple, la start-up introduira bientôt une fonction permettant aux personnes travaillant à l’étranger de fournir des cartes de débit à leurs bénéficiaires en Afrique, ce qui permettra à ces travailleurs de mieux contrôler la façon dont leur argent durement gagné est dépensé. Nala développe également un système permettant aux expatriés de transférer leurs données, y compris leurs antécédents de crédit, aux États-Unis.

Benjamin Fernandes a également essayé de distinguer sa start-up en donnant la priorité à la transparence des taux, une caractéristique peu courante parmi les fintechs qui facilitent les transactions vers l’Afrique. Pour chaque transaction, Nala affiche les taux de change proposés par ses concurrents, même lorsque ces taux sont plus favorables au client. « Cela permet d’instaurer automatiquement un nouveau niveau de confiance avec l’entreprise », explique-t-il. « Souvent, même si nous n’avons pas les meilleurs taux, les clients continuent à nous utiliser parce que nous sommes transparents et honnêtes avec eux. » En moyenne, Nala facture des frais plus élevés que Remitly, mais Benjamin Fernandes affirme que ses clients restent fidèles à Nala pour sa transparence.

Le service est également un argument de vente. Hamad Kasoga, 32 ans, représentant commercial chez Turkish Airlines et résidant à San Francisco, en Californie, utilisait Remitly pour envoyer de l’argent en Tanzanie, mais il a opté pour Nala en novembre dernier. Il explique qu’il pensait recevoir un meilleur service avec Nala, notamment une résolution plus efficace des problèmes dans sa langue maternelle, le swahili.

« J’ai été ravi d’apprendre que le service clientèle de Nala parlait le swahili », déclare Hamad Kasoga. « Cela me donne l’impression de travailler avec une entreprise qui me comprend et me connaît. »

Benjamin Fernandes explique qu’il s’est efforcé de maintenir les coûts à un niveau peu élevé. « Ils ont créé cette entreprise sans dépenser beaucoup d’argent », déclare Lauren Kolodny, partenaire fondateur d’Acrew Capital. « Ils ont encore une grande partie de leur dernier tour de table à la banque. L’une des façons de maintenir les coûts à un niveau peu élevé : Nala n’emploie actuellement qu’un seul salarié aux États-Unis, bien que son chiffre d’affaires et son volume de transactions y soient supérieurs à ceux de tous les autres marchés où la plateforme opère. »

 


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