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Long Story | Aven, la nouvelle licorne de la fintech, propose une carte de crédit garantie par votre maison

AvenAven, la nouvelle licorne de la Fintech, propose une carte de crédit garantie par votre maison. | Source : Pixabay

La licorne Aven a atteint une valorisation d’un milliard de dollars et bénéficie du soutien d’investisseurs de renom. Cependant, sa carte de crédit est-elle réellement une bonne idée ?

Article de Jeff Kauflin pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

En 2019, alors âgé d’une trentaine d’années, Sadi Khan avait gravi les échelons chez Facebook depuis six ans et se sentait prêt à créer sa propre entreprise. Il s’est mis à la recherche des lacunes du marché de la fintech qu’il pourrait exploiter de manière rentable. L’une d’entre elles a attiré son attention : l’emprunt à la consommation. Pendant des années, les taux d’intérêt annuels sur les cartes de crédit ont été constamment élevés et n’ont cessé d’augmenter, la moyenne atteignant aujourd’hui près de 23 %, soit 14 % de plus que le taux préférentiel actuel de 8,5 %. Dans le même temps, le taux d’intérêt sur les marges de crédit hypothécaire (home equity lines of credit, HELOC), qui utilisent la maison de l’emprunteur comme une garantie, dépassait en moyenne de moins de 1 % le taux préférentiel, selon les données de l’Intercontinental Exchange.

 

Pourquoi avoir recours à une carte de crédit pour contracter un prêt ?

Pourquoi les consommateurs n’ont-ils pas été plus nombreux à utiliser les HELOC à faible taux d’intérêt au lieu de s’endetter avec des cartes de crédit à taux élevé ? L’une des principales raisons, a conclu Sadi Khan, est la commodité : il faut une quantité « ridicule » de paperasse et de temps (souvent quatre semaines ou plus) pour mettre en place une HELOC. Et si on pouvait utiliser la technologie pour accélérer le processus d’approbation d’une HELOC, puis injecter ce pouvoir d’emprunt dans une carte de crédit, rendant ainsi les HELOC plus faciles à obtenir et à utiliser ?

Cinq ans plus tard, après un développement minutieux du produit, Aven, la création de Sadi Khan, compte 33 000 clients pour sa carte de crédit HELOC et a émis des marges de crédit d’une valeur de 1,5 milliard de dollars. Le chiffre d’affaires a plus que triplé au cours de l’année écoulée pour cette start-up de 53 employés et dépasse désormais les 100 millions de dollars sur une base annuelle. La Home Card d’Aven est déjà disponible dans 32 États américains, et Sadi Khan prévoit d’atteindre les 50 États d’ici la fin de l’année.

Tout aussi remarquable, dans un marché actuellement en crise en ce qui concerne le financement de la fintech, la start-up (basée à Campbell, en Californie) vient de lever 142 millions de dollars d’investissement en capital-risque lors d’un financement de série D, pour une valorisation totale de l’entreprise à un milliard de dollars. Parmi les bailleurs de fonds de ce tour de table figurent de grands noms : Khosla Ventures, General Catalyst, Caffeinated Capital, Electric Capital, Founders Fund et The General Partnership.

En plus de l’argent, Aven attire l’attention de la Silicon Valley. « J’ai été l’un des premiers investisseurs dans Square, Stripe et Affirm », déclare le milliardaire Vinod Khosla, spécialiste du capital-risque, qui a soutenu Aven pour la première fois lors de son deuxième tour de table en novembre 2020. « Dans cinq ans, je dirai Square, Stripe, Affirm et Aven. »

 

Comment fonctionne la carte de crédit Aven

Bien que sa start-up ne soit pas encore rentable, Sadi Khan affirme qu’Aven dépense moins de cinq millions de dollars par mois en liquidités et qu’il prévoit d’atteindre un flux de trésorerie positif dans environ six mois.

Jusqu’à présent, Sadi Khan lui-même n’a jamais accordé d’interview à la presse au sujet d’Aven. « Franchement, nous étions très concentrés sur la construction du produit », dit-il. « Nous avons essayé de rester discrets. » Cependant, lors de conversations avec Forbes, il s’est confié sur l’histoire et les perspectives de son entreprise et a défendu avec fougue les raisons pour lesquelles son nouveau produit est bon pour les emprunteurs, malgré les doutes de certains défenseurs des droits des consommateurs qui craignent que les gens soient tentés d’emprunter et de dépenser inconsidérément leur capital immobilier, mettant ainsi leur maison en péril.

La principale réponse de Sadi Khan aux défenseurs des droits des consommateurs : Aven s’adresse à des emprunteurs responsables aux revenus élevés, le client type ayant des revenus supérieurs à 100 000 dollars et une notation FICO « super-prime » supérieure à 720. En échange de la mise en jeu de leur capital et de leur maison, ces clients bénéficient de taux d’intérêt plus bas et d’une plus grande commodité. Le taux actuel d’Aven, qui fluctue en fonction du taux d’intérêt au jour le jour des fonds fédéraux, va de 7,99 % à 15,49 %, soit l’un des taux les plus bas pour les HELOC aux États-Unis, si l’on compare des emprunteurs ayant des notations FICO similaires, affirme Sadi Khan.

Les marges vont de 5 000 dollars à 250 000 dollars et, comme pour les crédits hypothécaires classiques, l’emprunteur est libre de choisir le montant de la marge qu’il souhaite utiliser. Cependant, contrairement aux HELOC traditionnelles, les clients ne paient pas de frais d’évaluation ou d’ouverture de dossier lorsque la marge est accordée. Au lieu de cela, ils ne paient qu’une commission de 2,5 % sur les liquidités qu’ils prélèvent sur leur marge de crédit et sur les transferts de solde. De plus, ils reçoivent une récompense de 2 % en cash-back sur tous les achats effectués avec la carte.

Sadi Khan insiste sur le fait que ses clients n’utilisent généralement pas la carte pour payer « l’essence et les courses », mais pour des projets d’amélioration de la maison, la consolidation de dettes ou des dépenses importantes comme le camp d’été des enfants : en d’autres termes, le type de dépenses importantes pour lesquelles les HELOC traditionnelles sont utilisées. La carte Aven ne peut pas être utilisée dans plusieurs commerces : les casinos, les loteries, les sites de jeux d’argent et les sociétés de courtage en cryptomonnaies, mais ces restrictions peuvent être contournées si les clients effectuent des retraits en espèces.

Jouer avec le capital de votre maison ? « Si vous êtes irresponsable, ce produit n’est pas fait pour vous », déclare le PDG de 39 ans, qui arbore le même style vestimentaire tous les jours : un t-shirt noir à manches longues et un gilet Patagonia, « pour réduire les décisions quotidiennes ».

 

Le parcours de Sadi Khan

Sadi Khan est né au Bangladesh et a grandi à Toronto puis en Floride. Il est l’enfant de deux ingénieurs civils immigrés. Citoyen canadien, il est revenu au Canada et a étudié l’informatique quantique et la physique à l’université de Waterloo, dans l’Ontario, mais il a changé de spécialité pour devenir ingénieur électricien et informaticien après avoir conclu que c’était plus pratique. L’université de Waterloo est réputée pour ses recherches en physique et pour la formation d’entrepreneurs dans le domaine de la technologie.

Après avoir obtenu son diplôme en 2008, Sadi Khan a passé quelques années chez Microsoft avant de rejoindre Facebook en 2013. Il y a travaillé sur des projets tels que la fonction de recherche et les fonctions cartographiques de Facebook et est devenu le principal chef de produit d’Internet.org, le projet de Mark Zuckerberg pour s’associer à des entreprises de télécommunications dans les marchés émergents comme le Kenya et l’Inde pour fournir un accès gratuit à internet. Le projet Internet.org a été fortement critiqué parce qu’il ne permettait d’accéder qu’à Facebook et à un nombre limité d’autres sites approuvés et a été interdit par l’Inde en 2016. « Il y a eu des controverses, comme dans presque tous les autres projets de Facebook », explique Sadi Khan. « Mais nous avons aidé à connecter un très grand nombre de personnes dans le monde à internet pour la première fois, et j’ai été très honoré d’y avoir travaillé. »

Il a quitté Facebook en 2019 pour lancer Aven avec l’ingénieur logiciel et entrepreneur Murtada Shah (également canadien) et le graphiste Collin Wikman, qui travaillait auparavant chez Square. Avichal Garg, un investisseur en capital-risque spécialisé dans les cryptomonnaies chez Electric Capital, qui avait supervisé Sadi Khan chez Facebook et l’avait fortement encouragé à créer sa propre entreprise, est devenu l’un des premiers investisseurs d’Aven.

Après avoir eu l’idée d’une carte de crédit HELOC, Sadi Khan a commencé par se poser une question fondamentale : est-ce légal ? Il a lu l’intégralité du Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act de 2010, le principal volet législatif de la réforme du marché financier engagé durant la présidence de Barack Obama après la crise des subprimes et la crise financière et économique qui s’en est suivie. Sadi Khan a passé des semaines à étudier les éléments pertinents de ce document de 850 pages. Il a commencé à parler à des avocats et s’est finalement tourné vers Arnold & Porter, le grand cabinet d’avocats de Washington D.C., où l’ancien sénateur américain Chris Dodd (célèbre pour sa participation à la loi Dodd-Frank) était et est toujours avocat principal. Le cabinet a produit une note non officielle (Sadi Khan reconnaît qu’il ne s’agissait pas d’un avis juridique formel) indiquant qu’il n’y avait pas d’interdiction légale concernant une carte de crédit adossée à un prêt à la consommation garanti par une hypothèque.

Khan a étudié les prêts à la consommation garantis par une hypothèque pendant environ cinq mois avant de lancer Aven en 2019. « Il nous incombe de nous assurer que nous comprenons parfaitement un domaine », explique-t-il. Après avoir conclu que son produit serait légal, il a passé près de deux ans à mettre en place l’infrastructure technique et à trouver le capital nécessaire, pour finalement lancer la carte de crédit Aven en 2022. « Il faut vraiment travailler, centimètre par centimètre, sur chaque élément du projet de départ », déclare-t-il.

 

Pourquoi miser sur les HELOC

Selon Sadi Khan, ce qui a fait des HELOC une cible parfaite pour révolutionner le marché de la fintech, c’est leur manque de commodité d’utilisation d’ordinaire. L’obtention d’une HELOC auprès d’une banque traditionnelle peut encore prendre un mois et, comme pour une hypothèque, elle s’accompagne de nombreux formulaires à remplir, ainsi que de frais d’origination et de clôture. Pour obtenir un prêt, il faut souvent expliquer comment on veut utiliser l’argent, et il faut parfois appeler la banque chaque fois que l’on veut en retirer une partie. Selon la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), les Américains disposent actuellement de 458 milliards de dollars de marges de crédit hypothécaire non utilisées, en plus des 270 milliards de dollars de prêts HELOC en cours.

Sadi Khan affirme qu’Aven réduit le temps nécessaire à la demande d’une HELOC à 15 minutes seulement. Son logiciel passe par une série d’étapes vertigineuses. Il recueille les informations de base des clients, évalue la valeur de leur maison sur la base de modèles d’évaluation automatisés provenant de fournisseurs de données tels que CoreLogic, effectue une recherche de titres et de privilèges en recherchant des millions de permutations et en tirant des informations d’autres fournisseurs de données. Par ailleurs, le logiciel évalue le risque de défaillance des emprunteurs en vérifiant leurs revenus, planifie une réunion pour la signature avec un notaire numérique, effectue une clôture par l’intermédiaire de ce notaire après que l’identité des clients a été vérifiée et, enfin, dépose et garantit le privilège ou la créance légale sur leur propriété. Aven a refusé de divulguer la durée du processus de clôture.

Après approbation, il y a une période d’attente obligatoire de trois jours, exigée par la réglementation fédérale pour tous les HELOC, pendant laquelle un client peut annuler le prêt, puis la plupart des gens peuvent immédiatement retirer des fonds à partir de l’application Aven. La carte arrive généralement quelques jours après la fin de la période d’annulation de trois jours.

« Il y a une forte demande pour une méthode rapide, simple et facile », déclare Hans Tung, investisseur d’Aven et associé gérant de Notable Capital. « Je ne pense pas que l’on puisse trouver une autre entreprise dans le pays capable d’émettre une HELOC en 30 minutes ou moins », ajoute Jeremy Solomon, un investisseur d’Aven qui a aidé à lancer la start-up, mais l’a quittée après moins d’un an pour devenir un investisseur en capital-risque chez NYCA Partners.

Aujourd’hui, avec ses systèmes de souscription en place, Sadi Khan a déjà commencé à proposer des prêts auto-garantis dans deux États américains, et d’ici la fin de l’année, il prévoit de les déployer plus largement et de lancer un produit de refinancement hypothécaire. Il a également créé une application gratuite, Aven Advisor, qui aide les gens à suivre leur bilan personnel, y compris toutes leurs dettes, et qui a attiré 160 000 utilisateurs enregistrés. Un jour, cette application pourrait être utilisée pour commercialiser les produits d’Aven, tout comme l’application gratuite de suivi du patrimoine d’Empower (anciennement Personal Capital) a été utilisée comme source de clients potentiels pour son activité de gestion de patrimoine.

 

Une idée qui n’est pas nouvelle

L’idée de greffer une carte de crédit sur une HELOC n’est pas entièrement nouvelle. Le géant de la carte de crédit Capital One a tenté l’expérience il y a une vingtaine d’années. Cependant, la société a estimé qu’il était trop coûteux d’accorder les prêts et a abandonné l’idée, selon Sadi Khan, qui affirme avoir parlé à l’équipe qui a travaillé sur ce projet.

Aven n’est pas non plus la seule fintech à accélérer le processus HELOC. Figure, la start-up de San Francisco créée par Mike Cagney, cofondateur de SoFi, et désormais dirigée par Michael Tannenbaum, ancien directeur des opérations de Brex, a lancé un produit HELOC en ligne en 2018 et s’est depuis rapidement développée. Elle a émis dix milliards de dollars de prêts via son application et son site internet, mais ne propose pas de carte de crédit. Michael Tannenbaum affirme qu’il faut en moyenne neuf jours aux clients pour recevoir leurs prêts Figure.

Comme tout bon PDG de fintech, Sadi Khan parle beaucoup de la façon dont il utilise la technologie pour réduire les prix pour les consommateurs, en disant qu’Aven a réduit les coûts d’origination des prêts « par des ordres de grandeur », contrairement aux HELOC traditionnelles. Il va même plus loin dans un communiqué de presse d’Aven en déclarant : « Nous pensons qu’il n’y a aucune raison pour qu’une personne possédant un bien et un bon historique de crédit ait recours à un crédit non garanti. Point final. Le crédit non garanti est coûteux et malsain. » Sadi Khan se dit tellement convaincu que ses taux d’intérêt sont parmi les plus bas des États-Unis qu’Aven offre 100 dollars à toute personne qui peut trouver une HELOC avec un taux d’intérêt permanent inférieur (à l’exclusion des taux d’intérêt temporaires). Il affirme que seulement 0,02 % des clients d’Aven ont réussi à en trouver une.

Les taux d’intérêt variables d’Aven, de 7,99 % à 15,49 %, sont similaires à ceux de Figure (7,4 % à 15,4 %), et les taux d’intérêt moyens des deux sociétés sont proches. Cependant, les deux produits sont très différents. Figure exige que vous utilisiez la totalité de la marge de crédit après avoir été approuvé, et son prêt est assorti d’un taux d’intérêt fixe, et non variable. Une fois que vous avez remboursé le prêt, vous pouvez retirer des fonds supplémentaires de Figure, qui peuvent être assortis d’un taux d’intérêt différent. Figure prélève également des frais d’ouverture de dossier importants, de 1,5 % à 4,99 % (en fonction de votre État, de votre profil de crédit et de votre volonté de réduire votre taux d’intérêt), en plus de frais ponctuels plus modestes, parfois nécessaires pour évaluer la valeur de votre logement ou pour obtenir une signature notariée.

Outre le taux d’intérêt, les seuls frais d’Aven sont les retards de paiement (29 dollars) et les 2,5 % prélevés pour les retraits d’espèces et pour les soldes transférés d’autres cartes de crédit (une étape nécessaire si un client utilise Aven pour consolider ses dettes). Les personnes qui utilisent la carte pour des travaux d’aménagement importants devront probablement retirer de l’argent liquide, car le constructeur ne voudra peut-être pas accepter de carte de crédit. La start-up fixe également des limites de dépenses quotidiennes et hebdomadaires pour la carte « comme mesure de sécurité, comme pour n’importe quelle autre carte ». L’argent liquide, qui est retiré par l’intermédiaire de l’application, n’a pas de limite quotidienne.

Notez que si les intérêts payés sur une carte de crédit normale ne sont jamais déductibles, les intérêts sur une HELOC traditionnelle ou Aven peuvent l’être dans la mesure où vous utilisez l’argent emprunté pour « acheter, construire ou améliorer de manière substantielle » votre logement.

Aven n’étant pas une banque, la start-up s’associe à la Coastal Community Bank, basée à Everett, dans l’État de Washington, pour émettre ses cartes et octroyer ses prêts. Le modèle de parrainage fintech-banque a été critiqué par les régulateurs qui ont allégué, dans des mesures d’exécution, que certaines petites banques ne surveillent pas correctement le risque dans ces relations ou si leurs partenaires fintech se conforment à certaines règles bancaires, telles que celles conçues pour freiner le blanchiment d’argent. Ces préoccupations ont été renforcées par la récente faillite de Synapse, un intermédiaire entre les fintechs et les banques.

La Coastal Community Bank n’a pas été publiquement dans le collimateur des régulateurs récemment, bien qu’elle ait mis fin à une relation avec au moins un client fintech accusé d’avoir des comptes avec une activité frauduleuse. « Nous avons eu la chance de travailler avec la Coastal Community Bank, et ce fut un excellent partenariat parce que nous sommes très proches de nos valeurs », explique Sadi Khan. « Nous prenons très au sérieux nos exigences en matière de conformité et de réglementation en tant qu’entreprise, et Coastal fait de même. »

Si vous n’effectuez pas un paiement sur votre carte Aven, vous suivez la même procédure que pour une hypothèque traditionnelle ou une HELOC, explique Sadi Khan. Il s’agit d’une période de six mois au cours de laquelle Aven « tente d’aider le consommateur à se rétablir et à retrouver une situation raisonnable ». Aven a dû contraindre ses clients à la saisie « un certain nombre de fois », et ses taux de défaillance et d’impayés sont « alignés » avec ceux des HELOC traditionnelles lorsque l’on compare des consommateurs ayant des notations FICO similaires, précise Sadi Khan.

Au premier trimestre 2024, 0,52 % des détenteurs de HELOC étaient en retard de plus de 90 jours sur leurs prêts, selon la Réserve fédérale, contre 0,92 % pour les détenteurs de prêts hypothécaires et 6,86 % pour les utilisateurs de cartes de crédit. Sadi Khan a refusé de communiquer les taux d’impayés ou de défaillance spécifiques à Aven.

 

Cibler un secteur bien précis

Dans le secteur surpeuplé et « moi aussi » de la fintech, il est judicieux de se concentrer sur un objectif précis. Par exemple, Chime, la banque numérique la plus importante et la plus prospère des États-Unis, s’est développée en ciblant les personnes à revenus faibles et modérés qui n’étaient pas bien servies par les banques traditionnelles.

Aven, pour sa part, exploite un créneau inexploité parmi les Américains à hauts revenus, disposant de scores de crédit très élevés et de nombreuses possibilités d’emprunt et de cartes de crédit, dont beaucoup ont une quarantaine d’années. Selon la dernière enquête de la Réserve fédérale, près des deux tiers des ménages américains dont les revenus sont supérieurs à 100 000 dollars remboursent chaque mois le solde de leur carte de crédit. Ils utilisent leurs cartes pour leur commodité et les avantages qu’elles leur procurent, ce qui les rend moins rentables que les clients qui paient des intérêts. Cependant, la majorité des utilisateurs d’Aven conservent un solde chaque mois, même si le taux d’intérêt est inférieur à celui qui s’applique habituellement aux cartes de crédit.

Aven gagne donc de l’argent sur les intérêts que les clients paient sur leurs prêts, et partage ce revenu avec sa banque partenaire. La start-up gagne également de l’argent grâce à l’interchange, les frais de plus de 2 % que les commerçants paient lorsque les consommateurs paient avec leur carte Aven, ainsi que les frais de 2,5 % que la start-up prélève lorsque les gens effectuent des retraits d’argent et des transferts de solde. N’ayant pas de charte bancaire et ne détenant pas de dépôts de clients, Aven finance ses prêts par le biais de marge de crédit d’entrepôt fournie par les banques. Ce type de financement coûte généralement 2 % à 3 % de plus que le Secured Overnight Financing Rate (SOFR, taux de financement garanti au jour le jour), soit environ 7 % à 8 % aujourd’hui, selon un expert du secteur. Sadi Khan a refusé de divulguer le coût du capital d’Aven.

Compte tenu du chiffre d’affaires de plus de 100 millions de dollars d’Aven et de sa valorisation à un milliard de dollars, Forbes que son multiple de valorisation se situe entre sept et dix fois le chiffre d’affaires. C’est beaucoup moins que pendant la période faste de la fintech en 2021, lorsque certaines entreprises atteignaient 50 fois leur chiffre d’affaires, mais plus que les prêteurs fintech cotés en bourse comme SoFi et Upstart, qui se négocient entre deux et quatre fois leur chiffre d’affaires, d’après FactSet.

Bien entendu, il existe un risque sous-jacent important, si les régulateurs ou le public se retournent contre l’idée d’emprunter des montants importants sur la valeur nette d’un logement au moyen d’une carte de crédit. Andrew Pizor, avocat principal au National Consumer Law Center, une organisation à but non lucratif de protection des consommateurs, craint qu’Aven n’encourage les gens à utiliser leur carte de crédit Aven pour des achats quotidiens ordinaires. « Il semble qu’ils la commercialisent comme une carte de crédit avec un taux d’intérêt plus bas, et je ne pense pas qu’elle doive être comparée à d’autres cartes de crédit. Elle devrait être comparée à d’autres HELOC parce qu’elle est garantie par votre maison », ajoute-t-il. « Une maison est un bien important. Vous ne voulez pas la mettre en danger à la légère. » Matthew Pillmore, un influenceur en matière de finances personnelles, a dit d’Aven dans une critique datant de septembre 2023 : « Je déteste cette HELOC parce qu’elle est conçue pour être utilisée de façon imprudente. »

Bien que Sadi Khan affirme que les taux de défaillance d’Aven sont similaires à ceux des HELOC traditionnelles lorsque l’on compare des emprunteurs ayant des notations FICO similaires, si Aven commence à prêter à des consommateurs ayant un profil de crédit moins élevé pour stimuler la croissance, les défaillances et les saisies pourraient grimper en flèche. « Il s’agit d’une activité de prêt technique, et donner de l’argent est la partie la plus facile », déclare un investisseur en fintech et ancien cadre du secteur du crédit qui n’a pas de participation dans Aven.

Sadi Khan s’est accommodé des risques : il pense pouvoir les maîtriser grâce aux données et à la technologie et pense que ses clients peuvent en assumer la responsabilité. « Notre carte de crédit ne convient pas à tout le monde », explique-t-il. « Nous prenons énormément de précautions pour déterminer qui peut bénéficier de notre produit, jusqu’à la vérification des revenus pour s’assurer que la personne a la capacité de payer. Si l’on parvient à limiter les défauts de paiement, ce qui n’est pas rien, alors nous avons découvert un nouveau moyen de réduire les coûts d’emprunt pour les consommateurs à revenus élevés. »

 


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