Collaborateurs, entrepreneurs, dirigeants, nous pouvons chacun nous reconnaître dans ce mécanisme implacable d’hyper-investissement, lorsque la quête de performance vient nous aveugler. Dans un monde professionnel qui valorise l’engagement comme un indicateur d’accomplissement professionnel, il est temps d’interroger les ressorts d’une motivation saine pour construire des équilibres durables entre productivité et bien-être au travail.
En France, plus de 60 % des cadres avouent ne plus parvenir à déconnecter, même durant leurs congés. Les réunions tardives, les e-mails de dernière minute et la pression de la performance sont devenus une norme communément acceptée. Si, en apparence, cet engagement de tous les instants peut sembler bénéfique pour l’entreprise, n’en sous-estimons pas les dommages collatéraux. La surcharge cognitive et émotionnelle alimente une fatigue chronique qui ne favorise ni le recul ni le discernement. Sentiment d’urgence à répondre aux sollicitations, impuissance à écluser une to-do list qui s’alimente en permanence, tentation du repli sur soi, autant de facteurs qui conduisent à des relations dégradées et aggravent le risque d’épuisement professionnel. Un modèle non seulement néfaste pour la santé des salariés, mais finalement coûteux pour l’entreprise, qui perd en productivité réelle lorsque ses équipes s’épuisent.
Un conditionnement personnel activé par des éléments de contexte professionnels
L’hyper-investissement trouve sa source dans l’expérience désagréable d’une situation que l’on ne souhaite plus rencontrer : comparaison défavorable à l’école, mise en difficulté professionnelle, humiliation en réunion, nous en avons tiré les leçons : « Plus jamais ça ! ». Avec pour conséquence un mécanisme inconscient d’évitement, et la propension à tout mettre en œuvre pour démontrer plutôt notre talent à réussir, à dépasser l’adversité, et à performer coûte que coûte.
Un mécanisme motivationnel implacable qui ne demande qu’à s’activer
L’approche neurocognitive et comportementale distingue plusieurs types de motivation. La motivation primaire, centrée sur le plaisir d’accomplir sa tâche : « j’aime ce que je fais, je le fais avec talent et endurance ». La motivation secondaire, activée par une stimulation externe (telle qu’une demande managériale) : « je suis stimulé par le challenge, et fier du résultat. Cela me motive à poursuivre, tant que le résultat est là… ». Mais l’hyper-investissement brouille les cartes : quel que soit le résultat, « ça ne sera jamais assez… ! ». Au plaisir d’avoir réussi une fois, succède l’inquiétude de « ne pas réussir suffisamment » de nouveau, une sinusoïde infernale qui se transforme peu à peu en sentiment de ne pas être à la hauteur, de ne plus avoir les ressources pour faire face à des exigences croissantes. Un mécanisme implacable et délétère nourri de l’expérience individuelle de la personne, et qu’il est si facile d’activer par une posture managériale sur-sollicitante et une culture d’entreprise qui valorise cet effort …
Prévenir l’hyper-investissement grâce à l’éclairage des neurosciences
Alors comment sortir de cette boucle infernale ? L’approche neurocognitive et comportementale identifie plusieurs voies pour s’extraire de ce mécanisme : l’échec d’hyper-investissement évoque l’état transitoire d’amertume et de découragement de la personne, tentée de baisser les bras pour y échapper. Mais faute de discernement, elle réactivera très probablement le mécanisme en acceptant de relever le nouveau challenge qu’on lui propose, se jetant de nouveau dans l’hyper-investissement.
La répression d’hyper-investissement quant à elle décrit l’état de déni et de faiblesse de celui ou celle qui finalement renonce définitivement, et qu’il sera désormais difficile de remotiver : un scénario bien peu favorable à l’entreprise, et qu’il convient de prévenir avant ce point de non-retour managérial.
Un troisième scénario bien plus favorable consiste à prendre du recul sur cette situation irrationnelle en mobilisant le “mode adaptatif” de notre cerveau. Les neurosciences mettent en évidence la plasticité de ce dernier, et l’opportunité de développer nos aptitudes de discernement et de flexibilité, principalement liées à l’activité du cortex préfrontal. « Basculer » en mode adaptatif permet de sortir de la spirale infernale de l’hyper-investissement, pour aborder la situation avec un esprit clair et ouvert. Un processus disruptif qui ouvre des voies innovantes pour trouver des solutions différentes et envisager de nouveaux équilibres motivationnels.
Le rôle clé des dirigeants et de l’entreprise pour prévenir l’hyper-investissement
Le challenge pour les entreprises aujourd’hui est sûrement d’instaurer un environnement à la fois protecteur et responsabilisant, qui valorise le droit à l’erreur et renonce au perfectionnisme, invite à faire des pauses, et à s’accorder des moments de déconnexion pleinement assumés… Une hygiène professionnelle qui réhabilite par exemple le « réseau par défaut » de notre cerveau, processus nécessaire à la régénération de nos capacités cognitives et à la régulation de notre équilibre émotionnel. Un environnement où trouvent également leur place des pratiques telles que la pleine conscience, et qui valorise nos aptitudes à la créativité : envisager des chemins différents, c’est sortir de la fatalité, premier pas pour s’extraire de l’hyper-investissement…
En créant un espace de dialogue ouvert sur les questions de santé mentale, en outillant les équipes RH et le top management, le chef d’entreprise incarne lui-même un leadership conscient et responsable. Il s’engage par sa propre attitude à promouvoir une entreprise résiliente, où les talents prospèrent dans un cadre exigeant tout autant qu’humain. Un modèle durable qui allie performance et bien-être, favorise un engagement sain et valorise l’accomplissement de chacun, au bénéfice de l’entreprise.
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