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Les prévisions d’Adam Back, cofondateur et PDG de Blockstream, pour la blockchain

Adam Back
Adam Back. | Source : capture d'écran vidéo

Adam Back est un expert en cryptomonnaies et un informaticien britannique de renom, célèbre pour avoir inventé le Hashcash en 1997, le système de preuve de travail qui est à la base du minage du bitcoin.

Article de Steven Ehrlich pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

En tant que PDG de Blockstream, Adam Back joue un rôle central dans le développement de l’infrastructure et des solutions de mise à l’échelle qui façonnent l’avenir de la finance avec le bitcoin. Les principales innovations de Blockstream comprennent le Liquid Network, la première et principale sidechain de bitcoin, conçue pour permettre des transactions plus rapides et plus confidentielles, ainsi que l’émission transparente d’actifs numériques, y compris des stablecoins et des jetons se référant à des actifs réels (tokenized real-world assets, RWAs). Adam Back est largement connu dans la communauté des cryptomonnaies, car il a échangé avec Satoshi Nakamoto avant que le créateur du bitcoin ne présente son projet en 2008.

Dans cette interview accordée à Forbes, Adam Back se livre brièvement sur certains de ses premiers travaux sur le bitcoin. Néanmoins, la majeure partie de l’interview concerne son travail chez Blockstream, qui vient de conclure une offre de titres d’emprunt convertible pour un montant de 210 millions de dollars afin de créer davantage de fonctionnalités avec le bitcoin.

 

Forbes : Comment avez-vous commencé à travailler avec Satoshi Nakamoto ?

Adam Back : J’ai été la première personne à recevoir un courriel de Satoshi avant le lancement du bitcoin. Nos échanges n’étaient pas très détaillés. Je pense qu’il avait déjà développé le logiciel et qu’il avait ensuite rédigé un « livre blanc » décrivant son fonctionnement. Il citait des travaux connexes et m’a demandé comment citer Hashcash. Ensuite, il m’a dit qu’il avait publié le livre blanc et qu’il voulait savoir si je pouvais télécharger le code source du bitcoin. C’était aux alentours de janvier 2009.

 

Forbes : Pensez-vous qu’à ce stade, il est important de savoir qui est Satoshi Nakamoto ?

Adam Back : Je pense que cela a de moins en moins d’importance parce que nous avons maintenant beaucoup d’années d’expérience avec le bitcoin en tant que système décentralisé. Je pense que le bitcoin est davantage perçu comme une découverte parce qu’il est décentralisé et qu’il n’y a pas de PDG ou de fondateur, contrairement à d’autres projets. L’humanité a découvert que l’or physique pouvait faire office de bonne monnaie. Aujourd’hui, nous en avons découvert un meilleur : l’or numérique. Nous avons connu suffisamment de changements spectaculaires, comme la guerre des blocs qui a vu la victoire du marché, pour que le retour de Satoshi n’ait pas beaucoup d’importance. C’est un résultat plutôt positif si l’on y réfléchit bien, car le marché représente les souhaits de l’utilisateur en matière de monnaie électronique.

 

Forbes : Parlons de Blockstream. À l’heure actuelle, le bitcoin est surtout utilisé comme réserve de valeur. Comment conciliez-vous cela avec votre objectif de faire du bitcoin un système de paiement généralisé ?

Adam Back : Nous sommes un peu tiraillés entre deux situations, car nous avons l’une des principales implémentations de Lightning, qui est axée sur l’évolutivité et les paiements de détail. Ensuite, nous avons Liquid, qui est plus axé sur les échanges sans confiance, les contrats intelligents, les actifs, les stablecoins et les titres. Bien que j’aie une formation en informatique, au milieu des années 1990, j’étais un spéculateur à très court terme et un investisseur assez avide avec mes économies. J’étais intéressé de voir ce que le bitcoin, comme la blockchain, pouvait faire pour améliorer l’infrastructure commerciale.

Cela remonte à des événements tels que la faillite de Mt. Gox, parce que vous constatez que vous devriez disposer d’un élément de technologie qui vous permet de faire des atomic swaps (échanges atomiques) sans renoncer à une certaine sécurité. Dans la pratique, tout le monde confiait cette sécurité à une bourse, ce qui signifie qu’il fallait faire confiance à quelqu’un d’autre. C’était la même chose avec FTX. Liquid a également été utilisé pour les stablecoins et les paiements de détail. Il y a un nouveau phénomène : un portefeuille Lightning croisé. Il en existe trois ou quatre aujourd’hui. Ils ressemblent à un portefeuille Lightning, mais en réalité, il s’agit d’un portefeuille Liquid, et lorsque vous voulez effectuer un paiement, ils utilisent un swap sans confiance pour échanger des bitcoins Liquid contre des Lightning ou vice versa. Tout votre stockage se fait donc sur Liquid.

Nous avons créé un explorateur de blocs pour Liquid, et il existe maintenant un écosystème d’entreprises autour de Liquid, un peu comme ce qui existe autour de Lightning. Une start-up baptisée SideSwap propose un carnet d’ordres central sans confiance, mais vous pouvez placer des ordres limités en cours de route. Nous avons également créé notre propre portefeuille matériel afin d’innover un peu plus rapidement. Vous approuvez la transaction directement sur votre hardware wallet. C’est assez innovant et passionnant, car vous n’avez pas renoncé à la garde des titres.

En ce qui concerne la question de la réserve de valeur, les gens pensent à l’inflation depuis le covid et, d’une manière générale, nos monnaies ne semblent pas très stables à court terme. Mais je pense que ce que vous avez vu, c’est la croissance des marchés émergents. N’oubliez pas qu’environ 50 % de la population active mondiale travaille dans l’économie informelle. Ils sont payés en espèces, sans paperasserie, et n’ont pas de carte d’identité. Ces personnes n’ont pas d’accès direct à l’économie mondiale. C’est assez intéressant et cela soutient le cas d’utilisation transactionnelle, car même si le bitcoin est volatile, il ne l’est pas autant que certaines monnaies des marchés émergents. En fin de compte, on obtient donc un peu des deux. Bien sûr, certains marchés gris utilisent également le bitcoin en Occident, où les industries peuvent être légales, mais où les banques les désapprouvent, comme les ventes de marijuana dans certains États et pays et d’autres choses de ce genre. Il y a donc ce type d’utilisations.

 

Forbes : Je sais que l’utilisation des plateformes Lightning et Liquid augmente, mais elle reste relativement faible en termes de volume d’échange de bitcoins. Qu’en pensez-vous ? Que peut-on faire pour accélérer l’adoption de ces réseaux ? Je constate également que les stablecoins suscitent beaucoup d’intérêt pour les mêmes raisons que celles que vous avez évoquées à propos des marchés émergents. Quel est l’intérêt du bitcoin par rapport aux stablecoins lorsqu’il s’agit de réduire les risques liés aux monnaies inflationnistes ?

Adam Back : D’une certaine manière, un stablecoin est très pratique, alors que le bitcoin est un peu volatil, ce qui est un effet secondaire de son adoption rapide. Cela peut être problématique pour quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’économies et qui doit faire face semaine après semaine. Les stablecoins sont très populaires, et nous en avons quelques-uns sur Liquid. Les principaux sont l’USDT, un peso mexicain en cours de développement par un nouvel émetteur, un stablecoin euro et un stablecoin indexé sur le yen japonais. Le yen japonais est un peu spécifique, il est limité aux échanges de gré à gré avec le bitcoin. Jusqu’à présent, les capitalisations boursières ne sont pas très importantes, de l’ordre de 35 millions de dollars ou quelque chose comme ça. Mais ce type de portefeuille n’en est qu’à ses débuts. Nous travaillons sur quelques projets susceptibles d’être adoptés en masse et de tirer vers le haut les utilisations de paiements de détail.

Nous avons vu d’autres types d’émissions sur Liquid. L’une d’entre elles est une promesse d’émission d’effets de 1,5 milliard de dollars par une société baptisée Mifiel. Deux grandes banques américaines cotées en bourse, que je ne peux pas nommer, fournissent le capital. Ces promesses sont des prêts aux petites entreprises qui sont envoyés au Mexique. Il y a des centaines et des centaines de prêts, d’un montant de 25 000 dollars à 100 000 dollars par entreprise ou par personne, qu’il s’agisse d’immobilier ou d’autre chose. Toutes ces activités étaient auparavant suivies sur papier, ce qui était source d’erreurs. Avec cette nouvelle source de capitaux, ils ont utilisé Liquid pour suivre les instruments de dette et ces instruments de dette sont revendables. Lorsque le prêteur accorde le prêt, il reçoit un DocuSign, à l’instar de l’emprunteur, et l’émetteur reçoit un certificat transférable pour le prêt afin qu’il puisse le revendre à d’autres prêteurs.

 

Forbes : Parlons de votre récente levée de fonds. Quelle est la différence entre lever des fonds auprès d’investisseurs pour une entreprise centrée sur le bitcoin par rapport à une entreprise construite sur l’une des nouvelles blockchains avec de nombreuses émissions de jetons différentes ?

Adam Back : Je pense qu’il y a eu un changement. Une société de capital-risque baptisée Trammell Venture Partners publie un rapport annuel qui examine les investissements sur le marché des cryptomonnaies et la répartition des fonds entre le bitcoin et les autres blockchains. Auparavant, les autres réseaux étaient largement favorisés en raison du phénomène de tokenisation et les sociétés de capital-risque n’avaient pas besoin de créer un produit réussi qui s’adapte au marché. Ils pouvaient vendre des jetons dès qu’il y avait de la liquidité. Mais je pense que cette situation s’est quelque peu transformée l’année dernière. Je pense qu’il y a une corrélation avec le marché, peut-être parce que le bitcoin est bien perçu grâce aux ETF.

Je pense également que le marché des altcoins est devenu saturé. Il y avait autrefois 20 000 jetons, mais il y en a maintenant plus de 3 millions, y compris les memecoins. Mais je pense que l’autre phénomène que vous avez observé est un grand intérêt pour le Bitcoin Layer 2s. Nous sommes la plus ancienne et la plus grande entreprise de ce secteur. Nous sommes également un peu hybrides. Nous servons les consommateurs avec des portefeuilles matériels et logiciels, ainsi qu’avec notre travail de R&D sur les technologies de protection de la vie privée, entre autres. Du côté institutionnel, nous avons le cas d’utilisation du commerce.

Pour nous, c’est le bon moment pour développer cette activité. Il existe également un moyen de gérer des titres sous licence sur Liquid. Quelques entreprises différentes s’y emploient. L’une d’entre elles est Stockr, un gestionnaire de fonds de titrisation basé au Luxembourg. Si vous êtes une entreprise technologique, vous pouvez travailler avec eux pour obtenir une licence correcte pour vos actions ou vos instruments financiers. Nous en avons fait quelques-uns en 2021. L’un d’entre eux était un billet de minage du bitcoin. Nous avons également une ferme de minage. À l’époque, nous hébergions de nombreux mineurs de grandes entreprises, comme ceux de Fidelity, et nous avons suscité beaucoup d’intérêt chez les particuliers. Il y a même des actions MicroStrategy (MSTR) sur Liquid maintenant pour que vous puissiez les négocier et cela présente des avantages intéressants par rapport à Interactive Brokers. Par exemple, elles peuvent être négociées 24/7.

L’autre nouveauté de notre levée de fonds est qu’une part importante du capital de l’investisseur principal était en fait en bitcoins et nous l’avons gardé en bitcoins. C’est ce que nous avons fait depuis notre premier tour de table en 2021, lorsque nous avons levé 21 millions de dollars. D’une certaine manière, nous sommes la MicroStrategy originale en ce sens que nous avions des bitcoins dans notre bilan. Bien entendu, de nombreuses start-up spécialisées dans le bitcoin font de même, mais nous existons depuis plus longtemps que la plupart d’entre elles, c’est-à-dire depuis 2014.

 

Forbes : Quels sont les plus grands risques pour le bitcoin et Blockstream ?

Adam Back : Je pense que de nombreux risques initiaux autour du bitcoin ont diminué parce que la perception initiale était qu’il était très incertain qu’un grand pays ou une zone économique comme l’Europe, la Chine ou les États-Unis interdise le bitcoin. Cela a créé un risque réglementaire important. Mais je pense qu’à ce stade, le bitcoin est suffisamment développé. Maintenant, les ETF signifient que les institutions financières émettrices sont intéressées par l’expansion de ces produits et par leur maintien sur le marché. Je pense donc que le lobby des banques et des institutions financières souhaite maintenant que ces produits existent. Il y a aussi d’autres alliés. Les fonds souverains et les pays commencent à acheter des bitcoins ou des produits et instruments liés aux bitcoins. Je pense donc qu’une grande partie des risques se sont atténués. Bien sûr, il est toujours difficile de faire évoluer les blockchains. Il s’agit de mécanismes de diffusion et je pense qu’il y a encore de la place pour l’innovation et l’amélioration des processus. Lightning est assez fiable et adapté pour les terminaux de point de vente et les virements entre particuliers, mais il y a encore de la place pour l’amélioration.

Forbes : Merci pour cet entretien !

 


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