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Les nouveaux lobbyistes positifs

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Happy Asian woman gleefully examines a promising stock graph. Her confident gaze reflects the satisfaction of making informed financial decisions, embodying the spirit of astute investment and financial empowerment

Longtemps perçu comme le bras armé des grandes entreprises, le métier de lobbyiste connaît une transformation profonde. En se mettant au service de l’intérêt général, en particulier dans les domaines écologiques, Valérie Gramond, cofondatrice de Greenlobby, et Flora Ghebali, fondatrice de Coalitions, incarnent une nouvelle génération de lobbyistes engagés pour lesquels l’éthique et l’efficacité sont des obligations.

Un article issu du numéro 28 – automne 2024, de Forbes France

Lorsqu’elle évoque son métier, Valérie Gramond, 53 ans, parle d’un jeu d’équilibriste, entre l’opinion publique et les couloirs feutrés du pouvoir. « Mon atout, c’est que je peux utiliser l’opinion publique, je peux construire des alliances », explique cette économiste et juriste de formation plongée il y a vingt-cinq ans dans les méandres des institutions politiques comme attachée parlementaire. Un parcours, de l’Assemblée nationale à la Commission européenne en passant par la Ville de Paris et le WWF, qui va forger son engagement écologique. Ré-autorisation du glyphosate, détricotage de la PAC, rétropédalage sur l’ambition du devoir de vigilance des entreprises ? Elle fait très vite le constat que « les lois respectueuses de l’environnement sont très difficiles à faire adopter à cause de la toute- puissance des lobbyistes industriels qui ont les moyens financiers de faire remonter les intérêts privés jusqu’à l’oreille des décideurs politiques ».

Valerie Grammond

En 2019, elle fonde Greenlobby, un cabinet consacré à la défense de l’intérêt général et la transition écologique avec pour principal objectif de contrer l’influence des grandes entreprises sur la fabrication des lois. « J’ai eu envie d’inverser ce rapport de force en donnant une voix à celles et ceux qui militent pour la transition écologique. Il ne suffit plus de s’acheter une brosse à dents en bambou. Sans changement de loi, il ne peut y avoir de changement de pratiques et, in fine, d’impact systémique », souligne-t-elle. Tout en précisant l’importance d’une mobilisation à l’échelle européenne « parce qu’une grande partie de notre droit découle de directives ou de règlements communautaires. En réalité, 80 % du droit français est issu du droit européen ».

 

Écologie transpartisane

Un constat que partage Flora Ghebali, 30 ans, entrepreneure et essayiste (Ma génération va changer le monde, Syndrome de la fourmi), fondatrice de l’agence de conseil en RSE, Coalitions. « Il n’y a pas de politique climatique ambitieuse sans l’Europe » rappelle celle qui s’est engagée au côté des écologistes aux élections européennes de 2024. Cette ex-lauréate des « 30 under 30 » de Forbes incarne la nouvelle génération de leaders écologiques, défendant une approche qui transcende les clivages politiques traditionnels.

« L’écologie n’est ni de droite ni de gauche, elle est consensuelle. » Avant d’ajouter : « Je milite pour que l’écologie soit universelle, c’est-à-dire un vrai sujet politique au même titre que l’école ou l’hôpital. On peut discuter sur la manière de voir l’école mais on ne remet pas en question son existence. C’est pareil pour l’écologie. »

 

 

Flora Ghebali

 

« Lorsque la société civile s’organise, elle peut déplacer des montagnes », rappelle Valérie Gramond. La loi Climat et Résilience de 2021, issue des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, témoigne de la force croissante des organisations environnementales dans l’arène politique. Pour Greenlobby, la clé du succès repose sur la capacité à tisser des alliances stratégiques pour équilibrer les rapports de force entre les grands groupes et les PME à impact. Concentrée sur les aspects écologiques, l’agence intègre également les solutions sociales. « Nous partons parfois d’un message écologique pour finalement nous orienter vers une proposition sociale et globale qui va souvent de pair avec la réalité du terrain. »

 

Lobbyistes commis d’office

De son côté, Flora Ghebali mise sur la mobilisation citoyenne pour transformer la société avec des initiatives comme La Fourmilière*, un lieu physique à Paris « qui permettra de faire des expérimentations sur de multiples projets », explique-t-elle, insistant sur l’importance de créer des écosystèmes dédiés à l’action écologique. Une nouvelle forme de lobbying que Valérie Gramond pousse encore plus loin avec son projet de « lobby commis d’office ». Inspirée par le système des avocats, « les lobbies seraient là pour nous défendre devant ceux qui font la loi. Ils rééquilibreraient le rapport de force, en faisant connaître à nos décideurs les bonnes pratiques qui ne demandent qu’à être généralisées, dit-elle. Cela permettrait aux associations et aux entreprises engagées de participer à la construction de la loi. Si 50 000 organisations, soit 1 % des associations et entreprises françaises, s’unissent pour soutenir des lois ambitieuses, cela pourrait provoquer l’effet de bascule. Aujourd’hui, le principal lobby industriel, l’Association française des entreprises privées, influence les lois avec moins de 120 entreprises. »

Transpartisanes, Valérie Gramond et Flora Ghebali ne sont pas simplement des militantes ou des conseillères, elles sont les architectes d’un futur où l’économie et la durabilité vont de pair. Pour elles, le lobbying n’est pas qu’une question de pouvoir ou d’argent, mais de valeurs et de vision à long terme. « Comment expliquer que 82 % des investissements de l’Union européenne soient encore dirigés vers les énergies fossiles ? Réduire cette proportion, ne serait-ce que de 50 %, transformerait la vie de millions d’Européens », assure Flora Ghebali. Valérie Gramond, quant à elle, soutient fermement le principe de l’éco- conditionnalité dans lequel les subventions publiques ne devraient pas être accordées sans un engagement clair et mesurable vers des pratiques durables. « On ne donne pas de subvention sans montrer le chemin. »

Avec le développement des nouvelles technologies, le lobbying peut entraîner plus d’ouverture encore, d’accessibilité et de décentralisation des processus de décision. « Un plus grand nombre de personnes peuvent être mieux informées en matière d’analyse politique et de thèmes à développer afin de peser sur le politique » explique Flora Ghebali, qui n’hésite pas à faire un lien entre la montée du populisme et la défiance grandissante du citoyen à l’égard des lobbys. « Il faut rétablir la confiance entre le citoyen et l’État. » Si les deux dirigeantes savent que les défis restent nombreux, elles prouvent par leur combat l’existence d’une dimension plus éthique à travers un lobbying positif, plus transparent et résolument tourné vers le bien commun.


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