Depuis quelques décennies, les pratiques financières des femmes ont évolué. La prise de conscience de l’importance de gagner en autonomie d’un point de vue économique, tout comme les avancées légales et sociétales, ont permis aux femmes de s’insérer dans les circuits d’épargne et d’investissement. Pour autant, un constat s’impose : si elles épargnent plus que par le passé, les femmes restent encore réticentes à investir et de nombreuses inégalités perdurent. Pourquoi les femmes n’investissent-elles (toujours) pas assez ?
Une contribution de Marie Janoviez, cofondatrice de Caravel
L’évolution des pratiques d’épargne et d’investissement des femmes ne peut être comprise sans replacer ce phénomène dans un contexte historique. Avant et pendant une grande partie du XXe siècle, les femmes étaient privées d’autonomie financière. Jusqu’à la loi de 1965 en France, une femme mariée ne pouvait ni travailler ni ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de son époux. Puis, c’est seulement en 1970 qu’est reconnu le partage de l’autorité parentale entre les deux parents. Grâce à ces avancées légales, les femmes ont été de plus en plus nombreuses à avoir un travail rémunéré. Cela a permis de renforcer la reconnaissance de la femme comme partenaire économique à part entière au sein du foyer.
En plus de ces avancées, de nouveaux produits d’épargne plus accessibles (PEL, assurance-vie) ont vu le jour dans les années 1980-1990 et on a pu constater, au cours de ces décennies, une démocratisation progressive de l’accès à l’épargne et à l’investissement. Toutes ces évolutions ont ainsi permis aux femmes d’intégrer progressivement les circuits financiers, même si l’accès à ces circuits reste encore marqué par une pratique prudente et que l’épargne prédomine sur l’investissement.
Des progrès indéniables, mais des limites persistantes
Aujourd’hui, les femmes épargnent de plus en plus et prennent une importance croissante dans les décisions financières du foyer. Cependant, lorsqu’il s’agit d’investir dans des produits plus risqués, mais potentiellement plus rentables (actions, immobilier locatif, épargne-retraite dynamique), les femmes sont encore sous-représentées.
Selon une étude de l’Autorité des marchés financiers (AMF) en 2022, seulement 29 % des femmes possèdent des actions, contre 41 % des hommes. Leur rapport au risque apparaît également différent dans un sondage réalisé par l’IFOP en mars 2023. Ces dernières se montrent plus craintives en déclarant ne pas vouloir prendre de risques avec leur argent (53 % vs 44 % pour les hommes). Alors, comment expliquer que les femmes restent frileuses vis-à-vis de l’investissement ?
Des freins culturels persistants et un manque de connaissance financière
Historiquement, les femmes ont été encouragées à adopter une approche prudente vis-à-vis de l’argent. Le risque financier était généralement perçu comme incompatible avec les responsabilités qu’elles devaient assumer au sein du foyer. Ce frein culturel semble persister aujourd’hui encore. De plus, de nombreuses femmes déclarent manquer de connaissances sur les produits financiers complexes, ce qui les conduit à se limiter à des produits d’épargne traditionnels.
Ne serait-ce pas également important de mentionner ici la fameuse charge mentale. Les femmes, souvent au cœur de la gestion quotidienne du foyer, n’ont pas toujours le temps de creuser le sujet de l’investissement. Selon une enquête de juin 2024 du centre démographique de Barcelone, en Europe, les hommes s’occupent deux fois moins des tâches domestiques que les femmes.
Enfin, on remarque encore aujourd’hui que les produits financiers et les conseils d’investissement sont majoritairement pensés et commercialisés dans une perspective masculine, ce qui peut dissuader certaines femmes de s’y aventurer.
Vers un avenir plus égalitaire
Pour inciter davantage les femmes à investir, de nouvelles solutions voient le jour : médias, plateformes d’investissement, formations… Il faut donc, avant tout, renforcer l’éducation financière des femmes, grâce à des programmes d’apprentissage ciblés, mettant l’accent sur la compréhension des risques et des opportunités d’investissement. Il faut également sensibiliser à l’importance de l’investissement, et ce, le plus tôt possible, pour favoriser l’autonomie financière des femmes.
Promouvoir des rôles modèles féminins dans le domaine de la finance et encourager les femmes à se percevoir comme des actrices économiques à part entière est certainement une partie de la solution. Mais cela doit aussi s’accompagner d’une lutte contre les inégalités salariales puisque, gagnant moins, les femmes ont une capacité d’épargne plus faible. En effet, selon l’Insee, à temps de travail identique, le salaire moyen des femmes est encore inférieur de 14,9 % à celui des hommes.
Enfin, impliquer davantage les hommes dans la gestion financière familiale et dans la gestion du quotidien est l’une des pistes qui permettrait aux femmes de se consacrer à des stratégies de plus long terme.
Si des progrès sont faits dans le monde de l’investissement par les femmes et pour les femmes, il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas seulement d’une question de parité, mais d’un enjeu économique majeur pour les familles, les entreprises et la société toute entière.
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