Les prix de transfert sont aujourd’hui dans le viseur de l’administration fiscale. Si les déclarations à remplir par les contribuables relatives au prix de transfert se sont développées ces dernières années, un certain nombre de décisions traitent également de cette problématique.
C’est, par exemple, le cas d’une décision rendue par le Conseil d’Etat en décembre 2017 au sujet de la refacturation de frais d’audit interne à une filiale française par sa société mère américaine[1].
Une société américaine avait supporté aux Etats-Unis des coûts d’audit concernant l’analyse des procédures de contrôle interne comptable de sa filiale française. Cette procédure visait à remplir les obligations de la loi américaine dite « Sarbanes – Oxley » pesant sur la société mère en raison de sa cotation à la bourse de New-York.
Le Conseil d’Etat a considéré que l’audit n’ayant pas été diligenté en vue d’être utilisé par la filiale établie en France, l’administration fiscale était fondée à appliquer les dispositions de l’article 57 du Code général des impôts (CGI). En effet, la filiale n’avait pu démontrer qu’elle avait retiré une contrepartie à la prise en charge de ces frais; un transfert indirect de bénéfices au profit de la société mère américaine devait être réintégré à ses résultats. Concomitamment, la taxe sur la valeur ajoutée qui grevait cette refacturation a été jugée non déductible, dans la mesure où cette charge n’était pas nécessaire à l’exploitation de la filiale française.
Cette refacturation caractérisant un transfert indirect de bénéfices, le Conseil d’Etat a confirmé l’application de la retenue à la source prévue à l’article 119 bis du CGI sur le montant de la dépense correspondante. Certaines conventions fiscales internationales peuvent le cas échéant réduire son taux lorsque le bénéficiaire des revenus est en mesure de justifier qu’il est résident de l’autre Etat contractant. En l’espèce, la société française aurait à cet effet pu évoquer l’application des dispositions de la convention franco-américaine afin de bénéficier d’un taux réduit de retenue à la source voire d’une exonération.
La triple sanction, en principe applicable à cette refacturation jugée infondée par le Conseil d’Etat, est la conséquence, désormais classique, d’une remise en question des prix de transfert pratiqués par les groupes dans le cadre international. La présomption instituée par l’article 57 du CGI devrait inciter à une grande vigilance pour les filiales françaises de groupes étrangers qui, compte-tenu du taux d’impôt sur les sociétés globalement plus élevé en France, pourraient estimer, souvent à tort, que de telles pratiques seraient une façon d’optimiser leur taux d’impôt global.
Pour combattre la présomption de transfert de bénéfices instituée par l’article 57, l’entreprise française doit justifier d’un intérêt propre car les juges ne se satisfont pas de l’intérêt du groupe auquel elle appartient, même s’il s’agit d’un groupe intégré fiscalement. Si dans la dialectique de la preuve, l’administration doit d’abord démontrer l’existence d’avantages, le présent arrêt, inédit au Recueil Lebon, est l’illustration que la présomption légale peut être lourde de conséquences en l’absence de contrepartie prouvée par l’entreprise française.
Antoine Colonna d’Istria
25 mai 2018
[1] CE 12 décembre 2017, n° 387975 et 387969, Sté Office Dépôt
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