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Les Banques Sont-Elles Vraiment En Zone De Risques ?

Les récentes péripéties d’une grande banque allemande et d’autres évènements connexes ont relancé le débat anxiogène du risque bancaire. Effectivement, il y a matière à vives préoccupations.

Le poids des créances douteuses

Les clients ont, concrètement, du mal à honorer leurs échéanciers d’emprunts ce qui fait alors basculer les créances détenues par les banques dans les catégories dites douteuses.

En Italie, les 5 premières banques de ce pays important de la zone Euro ont à recenser plus de 230 milliards de créances douteuses ce qui représente plus de deux fois le total des capitaux propres d’un géant comme la BNP.

La remontée qui se préfigure des taux d’intérêt va durcir mécaniquement les conditions de crédit et risque bel et bien d’accroître les perspectives de défaillances d’entreprises régulièrement analysées par la COFACE.

Parallèlement, les normes comptables IFRS ( qui obligent à retenir les valeurs à leur prix de marché et non plus à leurs coûts historiques ) érodent le montant des portefeuilles des banques d’investissement du fait de leur politique passée agressive en matière de haut de bilan et de prises de participation parfois trop audacieuses.

La concurrence de la désintermédiation financière

La désintermédiation financière vise le seuil d’implication graduelle des banques dans le financement de l’économie. Depuis plus de 10 ans, les grandes entreprises – par exemple du CAC 40 – se tournent vers des levées de fonds ( via l’émission de titres négociables ou de valeurs mobilières complexes ) depuis les marchés et se dispensent du recours aux établissements bancaires. Des dirigeants comme Xavier Niel, Bernard Arnault, Stéphane Richard ou Vincent Bolloré déploient des  » roadshows » où ils cherchent à convaincre les fonds de pensions et autres organismes dépositaires de ressources.

Ainsi, les opérations les plus lucratives échappent parfois aux banques ce qui vient, là encore, écorner leur produit net bancaire voire leur rentabilité.

La « mobiliérisation » des bilans des banques ( donc le poids croissant de valeurs mobilières ) est un bouleversement. Les dépôts s’élevaient à 26% du passif bancaire en 2012 contre 87% en 1980. Ce qui signifie que le propre coût de financement des banques est de plus en plus fixé par les marchés eux-mêmes : leur volatilité étant alors une puissante variable de risque.

Les charges croissantes des banques

La digitalisation des banques, la rationalisation à marche forcée de leurs réseaux d’agences et les lourdes contraintes des PCA ( plan de continuité d’activités ) qui obligent les banques à prévoir comment faire face à des cyber-attaques ou à des destructions physiques d’ampleur ( incendie, terrorisme, etc ) sont des charges physiques incontestables et dotées d’une dynamique haussière.

De même, la  » compliance  » ( les règles de conformité ) engendrent des charges immatérielles en appelant à rendre de plus en plus sophistiqués des logiciels d’exploitation afin de parer les risques de fraudes en tous genres. La quête du process parfait a un véritable coût tandis que rôde le spectre des opérations illégales qui elles aussi ont un coût nommé : amendes records.

L’opacité du hors-bilan

Comme toute société commerciale, les banques présentent un hors-bilan qui recense les engagements reçus ou donnés.

A titre d’exemple, les établissements bancaires signent des  » conventions de ducroire  » par lesquelles elles endossent le rôle du commissionnaire qui se porte ducroire donc totalement garant de la solvabilité des personnes avec lesquelles elles sont en affaire. En référence à divers sinistres industriels récents, il est aisé de comprendre que ces instruments de confiance – inscrits au hors-bilan – peuvent devenir de vivaces sources de risque.

Dans le secteur immobilier, la  » garantie à première demande  » est un élément du hors-bilan. La banque souscrit une obligation envers un bénéficiaire et se doit d’exécuter les conditions de dédommagement prévues au contrat dans le cas où le client de la banque ne serait plus en état de faire face. Ce type de contrat concerne les cas souvent périlleux d’exécution d’un contrat de construction dans un secteur récemment malmené par la loi ALUR.

Enfin, le hors-bilan est une zone d’opacité non admissible car grenier à risques.

« Une activité notable du banquier est la prise ou réception d’engagements significatifs ( opérations de hors-bilan ) sans qu’il y ait transfert de fonds. Il peut en découler que ces engagements ne génèrent pas d’écritures comptables dans les systèmes généraux. La non-prise en compte de ces éléments peut être difficile à déceler.  » Jean-Luc Siruguet,  » Le contrôle comptable bancaire « . ( Revue Banque Edition : page 86 ). (http://www.lgdj.fr/le-controle-comptable-bancaire-un-dispositif-de-maitrise-des-risques-9782863254523.html ).

 

En guise de conclusion interrogative

Presque chaque économiste a son opinion sur l’exposition au risque du système bancaire et de sa régulation par les normes dites Bâle II ou Bâle III. Mais, je voudrais soumettre au présent lectorat une observation aussi simple qu’incontestable. La descente aux enfers des banques de Chypre (http://www.agefi.fr/corporate/dossiers/20160512/chypre-cas-d-ecole-dans-traitement-crises-171641 ), de l’importante banque espagnole Bankia en 2012 ( dont les besoins de liquidité sont passés de 5 à 20 milliards d’Euros en moins de 3 semaines http://www.latribune.fr/vos-finances/banques-credit/20120526trib000700498/bankia-le-plus-gros-sauvetage-bancaire-de-la-crise-espagnole.html ), de Dexia en France ( dont le renflouement est désormais autour du milliard d’Euros http://www.lesechos.fr/03/11/2014/LesEchos/21806-108-ECH_de-nouvelles-regles-pour-eviter-une-crise-a-la-dexia.htm ) et surtout de la Deutsche Bank en fin d’été 2016 (https://www.letemps.ch/opinions/2016/10/05/deutsche-bank-une-crise-bancaire-globale ) atteste de la rapidité avec laquelle des germes toxiques de sinistre se répandent et prospèrent au détriment de la clef de voûte qu’est la notion de confiance.

C’est précisément cette vitesse de propagation qui dévoile l’ébullition toujours possible du système. Système financier que les législateurs européens ont pris récemment soin de protéger en votant des dispositions qui font appel directement aux déposants ( au-dessus de 100.000 Euros ) si les actionnaires, seuls, ne parvenaient pas à endiguer une déconfiture d’une banque. Ces lois d’importance renforcent le célèbre mot  » too big to fail  » et démentent, malgré la concentration croissante du secteur bancaire, la formule :  » too big to be bailed out « . ( trop grosses pour être sauvées ). Ce qui, de facto, nous rend désormais tous solidaires du risque systémique bancaire.

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