Ils travaillent pour les grandes fortunes françaises, offrant des conseils en gestion de patrimoine, investissements et philanthropie. Forbes vous dévoile l’univers discret de ces experts de la finance des élites.
Ils agissent dans l’ombre, au service des grandes fortunes françaises. Conseiller en gestion de patrimoine, family officer, ingénieur patrimonial… si les appellations changent, les missions se ressemblent : apporter leur expertise sur des domaines clés tels que la stratégie juridique et fiscale patrimoniale, les investissements, la gouvernance familiale, l’éducation financière des héritiers, les projets philanthropiques, conseils en art… Une responsabilité énorme pour ces spécialistes qui accompagnent des particuliers dont le patrimoine oscille entre 1 million et des dizaines voire des centaines de millions d’euros. Patrons du CAC 40, start-uppeurs à succès, sportifs de haut niveau… La crème de ce qui représente la réussite à la française s’arrache leur service. Mais comment ces agents secrets de la gestion de fortune opèrent- ils ? Forbes a recueilli les témoignages de plusieurs d’entre eux, et vous fait découvrir cet univers.
Différents acteurs au service de la gestion de fortune
Pour mieux appréhender cet écosystème, il faut savoir que plusieurs structures peuvent accompagner les grandes fortunes. Les banques généralistes ont développé des départements de gestion de fortune pour les entrepreneurs et les particuliers disposant d’un actif d’au moins 250 000 euros. Ces clients sont dirigés vers des services dédiés de banque privée, avec des institutions comme Axa Wealth Management, Société Générale Private Banking ou Natixis Wealth Management, qui contrôlent une grande part du marché. À côté, les banques indépendantes comme Lazard ou Edmond de Rothschild se spécialisent dans la gestion de fortune familiale et professionnelle, offrant des services sur mesure. Par exemple, le groupe Edmond de Rothschild propose l’offre « One stop shop ». Cela peut être particulièrement intéressant pour les entrepreneurs car celle-ci « donne accès aux différents métiers du groupe : banque d’affaires, conseil en financement, ouverture du capital », souligne Renzo Evangelista, président du directoire d’Edmond de Rothschild France.
Les family offices, structure externe souvent rattachée à une banque privée, s’occupent exclusivement de la gestion patrimoniale de familles très fortunées, en général à partir de 10 millions d’euros d’actifs, bien qu’un single family office, dédié à une seule famille, nécessite environ 100 millions d’euros. Enfin, les conseillers en gestion de patrimoine (CGP), qu’ils soient rattachés à une banque ou indépendants, offrent des services spécialisés à partir d’un seuil de 250 000 euros et doivent généralement disposer du statut de conseiller en investissement financier (CIF), qui réglemente la commercialisation des produits financiers.
L’importance du premier rendez-vous
Comme dit l’adage, « vous n’avez pas deux fois l’occasion de faire bonne impression ». Pour un family officer ou autre conseiller en gestion de patrimoine, le premier rendez-vous est primordial. Il permet d’appréhender au mieux les attentes du client afin de planifier une palette de services sur mesure. Surtout, le conseiller doit instaurer un lien de confiance avec son client, un atout majeur car celui-ci va se voir confier des sommes très importantes. « C’est le point de départ d’une relation pérenne et de confiance, expose Cédric Maheu, directeur commercial de Gresham Banque privée. Le conseiller patrimonial organise une rencontre au domicile du client ou en agence pour faire le point sur sa situation personnelle et ses objectifs. Le conseiller patrimonial réalise un bilan patrimonial complet. Ce dernier sera réactualisé de manière régulière afin de prendre en compte les évolutions des marchés ainsi que les éventuels changements de situation personnelle. »
Confidentialité
Dans ce milieu, la confidentialité est érigée au rang de principe absolu. « C’est une demande qui revient à chaque premier rendez-vous, remarque Isabelle Chayia Bonnin, directrice de la gestion de fortune chez AXA Wealth Management. Notre engagement de discrétion sur les opérations et les informations que nous partageons avec les familles et leurs conseils est le socle de notre relation de confiance. » Pour répondre à cette requête, les grandes fortunes sont suivies par une équipe resserrée, qui change le moins possible. Les plus fortunés ont la possibilité de s’attacher les services d’un single family officer, soit une personne qui ne s’occupe que d’une seule famille.
Qualité de l’information
Pour apporter une expertise pointue sur des sujets variés comme les placements, la fiscalité, la transmission du patrimoine, l’information joue un rôle prépondérant dans la qualité du service rendu. « Nous accompagnons des familles qui sont souvent entourées de conseils de grande qualité. Nous devons être complémentaires à la fois sur l’expertise et sur la capacité de les informer au plus tôt pour qu’elles puissent prendre les bonnes décisions au bon moment, rapporte Isabelle Chayia Bonnin d’AXA Wealth Management. Dans un environnement comme celui que nous vivons actuellement, la réactivité est parfois clé pour anticiper certaines opérations. » Les gestionnaires sont en relation continue avec une large panoplie d’experts tels que des notaires, fiscalistes, spécialistes de l’immobilier, de l’art ou de l’expatriation, ainsi que des experts- comptables.
Services sur mesure
Pour faire fructifier le capital de ses grandes fortunes, le conseiller, qui opère en gestion sous mandat, répartit entre les différentes classes d’actifs comme les actions, obligations, immobilier et private equity, ETF, OPC ou encore produits structurés « en tenant compte de la sensibilité du client à la prise de risque, de la durée envisagée du placement et de son profil d’investisseur », remarque
Cédric Maheu, directeur commercial de Gresham Banque privée. La gestion sous mandat intervient également dans le cadre de portefeuilles de titres ou de PEA, de contrats d’assurance-vie ou de capitalisation. « Définir une allocation d’actifs et la faire évoluer au fil du temps est une tâche complexe qui constitue l’élément clé de la performance sur le long terme, rappelle Sylvain Fondeur, directeur général de Banque Richelieu. Nos stratégies d’investissement s’articulent autour de trois offres, déclinées selon différents profils de risque : défensif, équilibré et dynamique. »
Autre exemple, chez Lazard Frère Gestion (LFG), deux bornes d’investissements en actions sont proposées aux clients. La première, où 50 à 100 % des montants confiés sont investis, vise à « doubler le capital en dix ans », signale Karine Lecocq, ingénieure patrimoniale de LFG. Mais pour ceux qui « viennent chercher de la performance à plus court terme », la société propose des bornes d’investissements entre 30 et 80 %. « Notre objectif n’est pas de vendre un maximum de produits différents car ce n’est pas notre cœur de métier, mais d’investir en fonction des attentes de notre client », ajoute-t-elle.
Le client se voit également proposer des produits structurés sur mesure conçus en interne afin de diversifier son portefeuille. Chez Gresham Banque privée, c’est une filiale du groupe,
Equity, qui s’en occupe. « Contrairement à des placements plus classiques, ces fonds présentent souvent davantage de risques pour l’investisseur en contrepartie de meilleurs rendements, signale-t-on du côté de la banque. La durée de blocage est souvent plus longue, et la période de commercialisation limitée dans le temps. » Pour répondre à une forte demande d’engagement, la Banque Edmond de Rothschild propose des produits solidaires. « Nous voulons soutenir concrètement, et avec eux, des causes qui nous tiennent à cœur, déclare Vincent Aubuchou, directeur adjoint de la Banque privée France Edmond de Rothschild. Nos clients et nos banquiers ont adhéré à cette démarche avec beaucoup d’enthousiasme. Grâce à ces produits, nous avons distribué des dons significatifs à plusieurs associations caritatives ; notre démarche s’inscrit dans la durée, pour une finance plus responsable et plus solidaire. »
Mobilité internationale
Les conseillers en gestion doivent répondre aux attentes d’une clientèle avec un prisme international. Les grandes fortunes ne sont
pas que connues pour leur goût du voyage, elles possèdent également des biens ou des avoirs placés sur l’ensemble du globe. Elles peuvent également avoir une partie de leur activité professionnelle à l’étranger.
Enfin, les enfants de ces personnalités sont souvent amenés à quitter la France durant leur cursus scolaire ainsi que pour le travail. « Notre approche doit nécessairement tenir compte des éléments d’extranéité des familles, que ce soit la localisation de leurs biens ou leur lieu de résidence, signale Isabelle Chayia Bonnin d’AXA Wealth Management. En présence de biens ou de membres à l’étranger, nous ferons toujours appel au réseau d’experts locaux que nous avons constitué au fil des années dans les différents pays pour appréhender de façon globale l’impact des opérations envisagées. »
« Les situations dans lesquelles les personnes ont des liens avec plusieurs pays nécessitent une grande vigilance et une veille juridique et fiscale active. Il faut donc avoir des échanges dynamiques et très réguliers avec les clients et les conseils, renchérit Sylvain Fondeur, directeur général de Banque Richelieu. Il faut privilégier les structurations patrimoniales qui vont pouvoir être le plus flexible en fonction des évolutions des clients. Par exemple, proposer un contrat d’assurance vie souscrit auprès d’une compagnie luxembourgeoise, à un résident fiscal de France qui souhaite investir des liquidités, alors qu’il envisage un éventuel changement de résidence, sera plus adapté qu’un contrat souscrit auprès d’une compagnie française. »
Accompagner la famille dans le temps
Alors qu’il a pu, par le passé, se perpétuer une certaine forme de réserve au sein même de la famille dans le milieu des grandes fortunes, il y a désormais une volonté partagée d’avoir une vision intergénérationnelle. « Elles recherchent chez leurs conseils des solutions qui intègrent les nouvelles générations et les préparent à reprendre le flambeau lorsqu’elles sont éloignées des domaines financiers et patrimoniaux, note Isabelle Chayia Bonnin. Intégrer et partager au plus tôt avec ses enfants et ses petits-enfants sur l’objet et l’ambition d’un projet familial contribue souvent à la cohésion des générations et permet de renforcer la pérennité du projet. » Afin de répondre à cette problématique, le conseiller joue un rôle dans l’éducation financière des nouvelles générations. Des cycles de conférences dédiés sont aussi mis en place pour inculquer ces notions. Mais ce n’est pas tout. Il doit également centraliser l’information afin que la descendance ne se retrouve pas dans une situation où elle ne sait plus où donner de la tête, une fois la passation de pouvoirs effectuée.
Un vrai besoin de donner du sens
Un changement important de paradigme s’est installé dans le monde des grandes fortunes ces dernières années : besoin d’investir avec du sens, notamment à travers des actions solidaires, philanthropiques, artistiques ou culturelles. Pour la nouvelle génération, mais pas que, plus question de chercher à accumuler les richesses pour son seul bénéfice personnel. « Il est primordial de bien comprendre le projet et d’identifier les motivations et les moyens que le futur philanthrope souhaite y consacrer (financiers, mais également humains, notamment en termes de disponibilité, voire si le projet va associer d’autres membres de la famille ou de l’entourage) », observe Sylvain Fondeur. Durant cette phase d’analyse, la Banque Richelieu France propose des rencontres avec d’autres clients qui ont déjà réalisé « un projet proche ou bien des professionnels du milieu caritatif ». Et d’ajouter : « Après cette phase d’échanges, nous aidons le client dans le choix de la structure la plus adaptée (fondation, fondation abritée, fonds de dotation…) en collaboration avec ses conseils. » Karine Lecocq de chez Lazard Frère Gestion a remarqué que les œuvres dédiées « sont souvent liées à l’éducation ». L’ingénieure patrimoniale ajoute également que des fondations et des associations reconnues d’utilité publique lui « confient la gestion des dotations reçues en attente d’être redistribuées vers les œuvres philanthropiques soutenues ».
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