Alors que la crise économique touche de plein fouet les Français et plombe leur moral – et par la même occasion leur portefeuille – une problématique de santé publique fait surface : le mal-être financier. Trouvant racine dans une culture financière peu répandue, ce mal impacte considérablement la qualité de vie des citoyens, convoyant avec lui son lot de stress, honte, dépression. Des solutions palliatives existent mais ne traitent pas le mal à la racine.
La valse des sondages est en marche : “1 français sur 2 n’a pas le budget pour partir en vacances”[1], “51 % des Français sont persuadés qu’une nouvelle crise financière est inévitable”, “65 % des Français ne changeront rien à leurs habitudes de gestion”[2], “38 % des ménages se sentent fragilisés”[3], et bien d’autres. Dans ce contexte anxiogène, selon un sondage récent, seuls 13 % des Français ont fait la démarche d’investir ou de placer leurs économies dans des actifs sûrs.
Une consommation financière plus responsable est-elle la clé du bonheur ?
Pourtant, en ces temps difficiles, certains réussissent à tirer leur épingle du jeu : les investisseurs avertis gestionnaires. Conscients que notre système de retraite est à bout de souffle, ils prennent leur avenir financier en main en investissant activement. Une minorité, certes, mais la tendance est là, et cette catégorie représente peut-être un exemple pour tous les autres. Et pourtant ce n’est pas une question d’argent : ils ne gagnent pas forcément plus que les autres. Alors pourquoi s’en sortent-ils mieux ?
La recherche d’information semble être une piste à envisager. Poussée par une curiosité naturelle elle peut être un début de réponse car à la portée de tous : en 2021 en France 93 % des ménages avaient accès à Internet et toute la richesse de contenu que cela implique[4]. Parmi toutes les informations mises à disposition, encore faut-il savoir quoi chercher, où et comment sélectionner les informations pertinentes !
Sortir des sentiers battus côté investissement : moins de stress, plus de bien-être ? La plupart des Français privilégient des investissements classiques et rassurants, comme le Livret A. Ce dernier affiche un rendement famélique de 1%. Avec une inflation anticipée de 5,8% pour 2022, ce support affiche un rendement réel de -4,8%. Ce n’est pas la revalorisation à 2% ne changera pas la donne. Les investisseurs aguerris ont compris qu’il fallait investir maintenant afin de préparer son avenir. Ils ont aussi compris qu’il n’y avait pas de rendement sans risques, et que la bourse n’était pas un casino. Pour se faire, ils sortent des sentiers battus, se documentent, sont curieux. Leurs connaissances financières ont été acquises gratuitement sur Youtube et des forums plutôt que sur les bancs de l’école. C’est là qu’est tout le paradoxe. Leur stratégie repose souvent sur un mélange d’ETF actions logés dans un PEA ou une assurance vie, de l’immobilier (locatif ou de jouissance) ainsi que des crypto-monnaies.
Mais à l’heure en France où nous vivons encore sous l’égide de la gestion “en bon père de famille”, le chemin à parcourir semble long et semé d’embûches !
Alors les Français sont-ils par nature de mauvais investisseurs? Historiquement, ce sujet était simplement tabou et complètement occulté. Investir était même assimilé à de la spéculation. Ce message était (et est toujours) porté par une classe politique en décalage complet avec la réalité de nos compatriotes. Souvenez-vous qu’un ancien président parlait même de la finance comme de son ennemi. Facile à dire lorsqu’on a passé l’ensemble de sa carrière à vivre généreusement des deniers publics.
Sans une éducation financière solide, les Français sont livrés à eux-mêmes. Comment changer ce paradigme ? L’éducation ! Et si c’était l’éducation nationale qui devait jouer ce rôle ? Malgré le fait qu’elle se veuille égalitaire nous ne sommes pas dupes : l’école est bien souvent considérée comme le lieu de reproduction des inégalités. Toutefois, son rôle est de fournir une culture commune à tous les individus, pour qu’elle puisse les servir tout au long de leur vie.
L’investissement doit s’apprendre à l’école !
A l’heure où le débat sur le retour des mathématiques dans le tronc commun fait rage, le programme semble de plus en plus éloigné des besoins des élèves., Enseigner les équations différentielles ; la géométrie vectorielle, droites et plans de l’espace ; les compléments sur la dérivation et la convexité ou encore la fonction logarithme népérien est important, est-ce indispensable ? Ce n’est pas à nous d’y répondre. En revanche, instruire nos jeunes générations et intégrer un programme d’enseignement de la finance personnelle qui aidera les Français à mieux préparer leur avenir est de l’ordre du devoir ! Cela permettra de traiter le sujet du mal-être financier à la racine.
La Banque de France a mis en place des sessions de sensibilisation sur les questions de budget et de finances personnelles dans les collèges, un excellent premier pas. Mais c’est encore trop peu ! On passe en moyenne 15 ans dans le système scolaire, consacrer plus que quelques heures à un sujet aussi fondamental que l’argent semble être une nécessité !
Chez nos voisins anglo-saxons, la finance personnelle fait désormais partie intégrante du programme scolaire : 45 États d’Amérique du Nord l’y enseigne de la maternelle jusqu’au lycée. Au Royaume-Uni c’est l’agence publique du Money and Pensions Service qui met à la disposition des enseignants des supports et des livres visant à aider les petits britanniques à mieux comprendre et piloter leur budget. Au Canada, l’éducation financière est enseignée dans les écoles depuis 2017. Enfin, en Belgique, si des notions de finance personnelle sont déjà enseignées en Flandre comme en Wallonie, il existe également des initiatives comme le Fonds pour l’Éducation Financière qui oeuvrent à faciliter l’enseignement de ces sujets par des méthodes pédagogiques créatives et originales comme la création d’un manga ou d’un logiciel scolaire.
Nous l’avons vu en préambule : nous subissons de plein fouet une crise financière qui impacte le pouvoir d’achat et ronge l’épargne des Français. C’est un constat : 77 % estiment avoir un niveau de connaissance moyen ou faible en économie[5]. Les Français n’osent pas investir car ils ont l’impression de prendre des risques inconsidérés.
Une meilleure éducation financière aidera nos jeunes générations à voir l’investissement comme un moyen de financer leurs rêves. Donnons leurs une chance que les précédentes n’ont pas eu, éclairons-les ! Donnons-leur les clés pour comprendre les rouages qui leur permettront in fine d’avoir cette culture financière qui nous manque tant aujourd’hui en France et qui pourtant pourrait être le remède à de nombreux maux.
Oui, accompagné d’une éducation appropriée, l’argent peut faire le bonheur des Français.
[1] Etude OpinionWay réalisée les 1er et 2 juin 2022
[2] Sondage MIS Groupe pour Patrimonia, administré en ligne en mai 2022
[3] Sondage de NielsenIQ auprès du panel consommateurs HomeScan soit 6 909 foyers interrogés entre le 29 avril et le 8 mai 2022
[4] INSEE, 11 février 2022
[5] Sondage réalisée en 2019 pour la Banque de France
Tribune rédigée par Mounir Laggoune, CEO de Finary
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