La construction d’Abraj Kudai – le projet à 3,5 milliards de dollars (3,13 milliards d’euros), le plus grand hôtel au monde (par le nombre de chambres) à La Mecque en Arabie Saoudite – pourrait ne pas être achevée avant l’échéance fixée à 2017. Le bas prix du pétrole durant la dernière année et ses répercussions sur l’économie saoudienne en seraient les causes selon un récent article publié sur Gulf Business.
Responsable du projet du Abraj Kudai, le ministère des Finances du Royaume d’Arabie Saoudite est aussi le premier client du Saudi Binladin Group (SBL) qui est la première compagnie nationale du secteur de la construction. Il est donc naturel que les actions du gouvernement affectent le groupe SBL : Lorsque le gouvernement a décidé « d’annuler ou suspendre tous les projets et geler les délais de paiements » dès le début de la baisse du cours du pétrole, le SBL a souffert à son tour.
Toujours selon Gulf Business, la chute de la grue disposée à la Grande Mosquée al-Haram de La Mecque et qui a tué 107 personnes, n’a rien arrangé à l’affaire : la compagnie a reçu un bannissement total « pour tous les nouveaux appels d’offres émis par l’État ». En réponse à ce potentiel effondrement financier, un conglomérat, constitué d’une centaine d’employés, a arrêté de travailler sur des projets d’importance, dont, bien sûr, Abraj Kudai.
Depuis l’année dernière, une attention croissante a été portée à ce projet pour plusieurs raisons:
Premièrement, Abraj Kudar dépasse (et de manière notable) l’actuel plus grand hôtel au monde basé en Malaisie (7 351 chambres) et le MGM Grand Hôtel de Las Vegas (5 044 chambres) et serait le plus grand hôtel au monde en termes de capacité en chambres.
Ensuite, plusieurs sources comme Time.com ou Architectural Digest évoquent le projet multifonctionnel du site, avec 70 restaurants, des aires de restauration, une station de bus, un centre commercial, un centre de conférences et une salle de bal.
Il abriterait vingt tours d’habitations dotées de chambres quatre et cinq étoiles dont cinq niveaux seraient entièrement réservés à la famille royale saoudienne. Il proposerait quatre toits dédiés à l’atterrissage des hélicoptères, les critères inclus dans le projet hôtelier d’Abraj Kudai permettaient d’atteindre « un niveau de luxe jamais atteint », selon CNN.
Face à Dar Al Handasah, – firme spécialisée dans le design en charge du projet – et pour laquelle ce développement deviendra un monument remarquable par son « incomparable dimension, taille, son emplacement et son exposition » certaines critiques se font entendre.
Irfan Al-Alawi, le directeur du Islamic Heritage Foundation basé en Grande-Bretagne, explique à The Guardian comment « tout ce qui était en cours a été abandonné dans une marche effrénée des hôtels de luxe, ce qui a engendré la destruction d’un lieu inviolable (La Mecque) et éloigné les pèlerins au faible pouvoir d’achat ». Si les prix du Abraj Kudai pour l’hôtel de quatre ou cinq étoiles demeurent inconnus avant son ouverture, il est évident que ces hôtels de luxe deviendront un «passage obligé » pour les pèlerins… « expérience similaire à Las Vegas » que la majorité des pèlerins ne pourra pas s’offrir ».
Compte tenu des effets que les actions de SBL ont sur l’économie de l’Arabie Saoudite, la question peut se poser sur l’échéance de ce projet et même s’il pourra aller à son terme.
Tarik Dogru, professeur en finance et comptabilité dans le secteur hôtelier au Boston University School of Hospitality Administration, avait estimé, bien avant le reportage de Gulf Business, que le déficit fiscal du pays atteindrait les 100 milliards de dollars en 2015, à cause des grands projets comme Abraj Kudai. Nous pouvons à présent constater – selon Tarik Dogru – que cette situation de déficit a un effet sur la restructuration de l’économie espérée par le gouvernement saoudien. Les objectifs de réduction des dépenses se caractérisent par une ouverture à grande échelle aux investissements étrangers, un changement des politiques en matière d’immigration… L’Arabie Saoudite – toujours d’après Tarik Dogru – est un pays solide et un producteur majeur de pétrole, qui a su mettre en place une batterie de stratégies qui lui permettront de braver cette tempête.
Quant au Abraj Kudai Hôtel, l’expert en finances pense que le prestige d’un tel programme est trop important pour ce pays iconique, qui achèvera les travaux dans un futur proche – tout en prédisant que cela interviendrait au mieux après 2018.
Cela entraînerait un virage stratégique qui passera par le choix d’autres sociétés de construction plus à même de finaliser les travaux ou de mettre en place une joint-venture avec un investisseur étranger, « mais en théorie, les solutions sont nombreuses » indique Tarik Dogru.
Finalement, « la réponse aux questions -Quand– et -Comment– terminer le Abraj Kudai dépendra du gouvernement qui donnera probablement une importante indication sur les choix d’économie de l’Arabie Saoudite à travers son processus de restructuration », déclare Tarik Dogru.
Le ministère des Finances du Royaume d’Arabie Saoudite et la société Dar Handasah n’ont pas souhaité répondre aux sollicitations de la presse.
Adaptation par Florent Motey de l’article « World’s Largest Hotel With 10,000 Rooms And 70 Restaurants Could Cost $3.5 Billion, But When Will It Open ? », de Eustacia Huen, contributrice pour Forbes US
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