Après avoir atteint leur plus haut niveau depuis plus de 30 ans en décembre 2016, les ventes de véhicules neufs aux Etats-Unis se sont repliées renouant en juin dernier avec un plus bas depuis octobre 2014. Bien que certains économistes et analystes perçoivent ce mouvement comme un phénomène transitoire et anticipent un rebond imminent, nous pensons au contraire que les déterminants de l’offre et de la demande (tant cycliques que structurels) plaident pour une faiblesse prolongée.
I/ La demande de véhicules neufs se heurte à une saturation et à une dégradation des conditions sur le marché du crédit automobile.
1/ Selon la Réserve fédérale de New York, le montant total des prêts automobiles a atteint un nouveau plus haut historique au premier trimestre (1119 Md$). Sur la même période, 107 millions d’américains détenaient un prêt automobile, soit près de 48% de la population en âge de conduire. Ce chiffre est en très nette augmentation depuis 2012 où il atteignait seulement 37%. Le potentiel de nouveaux acquéreurs via le canal du crédit semble donc limité à court terme d’autant que les taux d’intérêt sont susceptibles de remonter dans le sillage de la normalisation de la politique monétaire américaine.
2/ Selon les données publiées par Edmunds pour le mois de juin 2017, les modalités des prêts automobiles à destination des véhicules neufs sont de moins en moins attractives avec une augmentation constante de la durée moyenne des prêts atteignant dernièrement 65,3 mois (plus haut historique). Par ailleurs, sur les cinq dernières années, on constate une nette hausse des mensualités (+11,3%), de l’acompte (+11,7%) et du montant total financé (+17,2%).
3/ Dans ce contexte, le nombre de défaut se multiplie si bien que, selon la Réserve fédérale de New York, le montant des nouveaux prêts automobiles en situation de défaillances sérieuses (non-paiement pendant 90 jours ou plus) a atteint 8,27 Md$ au T1 (plus haut depuis le T3 2008).
4/ Face au risque d’insolvabilité des emprunteurs, les banques ont logiquement durci leurs conditions de crédit pour les prêts automobiles au T1. A contrario, les conditions pour les cartes de crédit ont été assouplies tandis qu’elles sont globalement restées inchangées pour tous les autres types de prêts.
En résumé, la saturation et la dégradation des conditions sur le marché du crédit automobile risque de limiter la demande dans les prochains mois dans un contexte où le cycle économique apparait comme nettement moins favorable.
II/ Les ventes de véhicules neufs et particulièrement le secteur du « leasing » sont pénalisées par un arbitrage en faveur des véhicules d’occasion dont les prix s’écroulent.
1/ En raison de la faiblesse des taux d’intérêt et du rebond du prix des voitures d’occasion ces dernières années, le « leasing » est devenu un moyen populaire d’acquérir un véhicule neuf. Suite à la récession de 2008, la demande de nouveaux véhicules a chuté, pesant négativement sur l’offre de véhicules d’occasion les années suivantes. Ce phénomène a eu un effet favorable sur les prix de l’occasion dopant le « leasing ». En effet, en excluant le niveau des taux d’emprunt, le coût d’un « leasing » est déterminé par la différence entre le prix d’achat du véhicule et sa valeur résiduelle (estimée) à la fin du contrat. Par conséquent, les concessionnaires appliquent une valeur résiduelle du véhicule plus importante lorsque les prix de l’occasion sont soutenus (en d’autres termes lorsque la perte de valeur escomptée du véhicule est limitée). Ainsi, de 2009 à 2014, le cycle haussier du prix des véhicules d’occasion a réduit l’écart entre la valeur résiduelle et le prix d’achat, rendant le « leasing » plus abordable (mensualités historiquement basses). Sans surprise, selon Edmunds, le volume de « leasing » a grimpé pour la septième année consécutive en 2016 atteignant un niveau record de 4,3 millions d’unités. Toutefois, le contrecoup commence à se faire ressentir. Selon Manheim Consulting, entre 2015 et 2017, plus d’un million de véhicules supplémentaires issus du « leasing » reviendront sur le marché (soit un total de près de 3,6 millions pour 2017) ce qui a pour conséquence d’accroître significativement l’offre de voitures d’occasion.
2/ Dans le même temps, la hausse des défauts de paiement et les saisies qui s’en suivent contribuent également à alourdir le stock de véhicules d’occasion dans un contexte où la demande est contenue.
3/ Par ailleurs, un changement de réglementation aura pour conséquence d’accentuer l’obsolescence des véhicules d’occasion. En effet, le discount pratiqué pour les véhicules d’occasion est censé s’accroître au cours du temps en raison de l’évolution des normes de sécurité. Aux États-Unis, un accord avec la NHTSA « National Highway Traffic Safety Administration » et vingt constructeurs va permettre à leurs véhicules (99% de la flotte aux États-Unis) d’être équipés des systèmes AEB « Automatic Emergency Braking » d’ici le 1er septembre 2022.
L’excès d’offre va continuer de peser significativement sur la valeur des véhicules d’occasion creusant un peu plus l’écart avec le prix des véhicules neufs. Ce phénomène va rendre les conditions de « leasing » moins attractives et favoriser l’achat des véhicules d’occasion au détriment des véhicules neufs.
III/ Des facteurs structurels vont également peser négativement sur la demande de véhicules neufs.
1/ L’explosion de l’économie collaborative notamment le covoiturage et la multiplication des comparateurs de prix ont impacté très négativement le secteur de la location de véhicules, réduisant les volumes et les marges. De même, comme observé précédemment, le repli significatif du prix des véhicules d’occasion a conduit à une détérioration plus rapide de la valorisation de la flotte de véhicules, si bien que la capitalisation boursière de certains grands groupes comme Hertz s’est littéralement effondrée ces dernières années. En conséquence, ces derniers ont été contraints de réduire drastiquement la croissance de leurs achats de véhicules neufs.
2/ Par ailleurs, même s’il ne représente que 5% du secteur, l’émergence du « leasing » de véhicules d’occasion, « Certified Pre-Owned (CPO) », vient peu à peu concurrencer le segment du neuf.
En conclusion, aux Etats-Unis, les déterminants de la demande et de l’offre de véhicules neufs, qu’ils soient cycliques ou structurels, plaident en faveur d’une faiblesse des volumes de ventes d’ici la fin de l’année. Même si les constructeurs automobiles devraient réagir avec une nouvelle baisse de leurs tarifs, les ventes de véhicules neufs devraient peser négativement sur la consommation réelle des ménages en 2017.
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