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Le Gouvernement Des Citoyens

Le groupe de Français d’Amérique du Nord Praxis, vient de sortir un ouvrage remarqué, Le Gouvernement des Citoyens, aux PUF. A rebours des simples essais programmatiques listant les réformes nécessaires pour l’avenir du pays, ce livre collectif sous la direction de Yann Coatanlem met en exergue les questions de gouvernance et d’intelligence collective: un vademecum de l’état d’esprit qui permettrait au pays de sortir de l’ornière.

Etre expatrié ne signifie pas se désintéresser du sort de son pays, tant s’en faut: ayant vécu près de dix ans aux USA, il m’a paru logique de participer à l’aventure de ce livre collectif – même s’il doit beaucoup à Yann Coatanlem qui en fut le véritable architecte. Thucydide disait qu’une homme ne se mêlant jamais de politique méritait de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile. Or c’est oeuvre utile que fait Praxis en se livrant à un diagnostic fouillé sur notre pays et en livrant des pistes de réformes structurelles ambitieuses, comme le dit Henri de Castries en préambule de cet ouvrage. Le sous-titre révèle à lui seul l’essence même de la réflexion, en proposant un passage de l’Etat pyramidal à la décision collective. Le premier titre envisagé et que l’on retrouve dans un chapitre- Big Data contre populisme- livre la seconde clef de lecture, celle d’une gouvernance publique plus rationnelle et informée par la data et le retour d’expérience, afin de mieux lutter contre les passions tristes et les solutions simples des démagogues. Démosthène disait déjà qu’un bon citoyen « devait préférer les paroles qui sauvent aux paroles qui plaisent ».

Une célèbre citation de Crozier sur la passion de commandement qui caractérise la société française sert de leitmotiv au déroulé du programme de réformes du groupe Praxis. Il est paradoxal que les systèmes politiques évoluent vers un renforcement du pouvoir pyramidal, top-down, centralisé, alors que i) les Etats Providence sont de plus en plus affaiblis et exsangues ii) personne ne peut aujourd’hui seul identifier et mettre en oeuvre de vraies solutions sans la participation des citoyens. La passion du commandement c’est cette logique simpliste selon laquelle quelques esprits jeunes et brillants pourraient imposer de nouvelles règles émanant d’en haut et essaimant vers le bas.

Le Gouvernement des Citoyens est avant tout, pour reprendre les termes de Thomas Kuhn dans la Structure des Révolutions Scientifiques, un changement de paradigme dans la gouvernance politique: il commence par une plus grande modestie des leaders modernes qui se doivent d’être d’humbles jardiniers et d’influencer par leur exemplarité. Leur rôle est de permettre au citoyens de prospérer dans une autonomie intelligente. Pour rationaliser l’action du gouvernement, sortir le monolithe étatique de sa léthargie, mettre en branle les forces de la société civile, il faut avoir recours à l’intelligence collective. pour capitaliser sur cette dernière, l’Etat aura la mission ardue de dé-s-idéologiser le débat public et d’améliorer l’information disponible sur les politiques publiques. L’intelligence collective est à la fois la transparence des données et programmes publics (ce que l’ouvrage appelle aussi l’Open Government), mais aussi l’émergence d’une conscience commune (à ce sujet, pour diverses raisons, force est de constater que l’élection ne la permet plus…).

La participation interdisciplinaire du peuple et des experts à l’élaboration de la décision collective est l’épine dorsale de l’ouvrage, qui alimente ensuite des propositions ciblées en matière de fiscalité, éducation ou entrepreneuriat. Ce gouvernement des citoyens prône un droit à l’expérimentation et le passage d’un président empereur à un président jardinier. Il implique aussi de facto un Etat plus petit, laissant à l’acteur privé (individu, association, entreprise) une plus grande liberté d’agir, et acceptant la mise en concurrence des idées et des modèles économiques et sociaux. C’est ce rééquilibrage des pouvoirs entre l’Etat et le Citoyen qui permettra l’avènement de cette nouvelle gouvernance. L’Etat doit se limiter à un échelon de responsabilité précis en vertu d’une application stricte du principe de subsidiarité, qui renseigne les propositions en matières d’institutions et d’Europe du groupe Praxis.

L’ouvrage se distingue de la profusion des essais politiques et programmatiques par son absence de parti pris idéologique. Il oscille entre des réformes que d’aucuns qualifieraient de libérales et des audaces réelles sur la fiscalité (avec une forme de revenu universel proche de l’impot négatif) et les nouvelle solidarités: à cet égard, le chapitre sur les nouveaux amis de l’homme (l’animal et le robot) réintègre dans le champs politique des sujets d’importance trop souvent délaissés par les experts et les personnalités politiques, en les transformant en un véritable pilier programmatique.

Ainsi, si l’on retrouve dans cet essai certaines propositions avancées par d’autres think tanks (IREF, IFRAP, Thomas More), il n’en demeure pas moins que l’originalité de son approche par la gouvernance et la citoyenneté est indissolublement liée aux parcours des auteurs: l’expatriation, l’influence de sociétés moins jacobines (notamment les Etats Unis et le Canada), la sur-représentation d’entrepreneurs, ont probablement fait de ce groupe de françaises et français d’Amérique du Nord une avant-garde de la transformation citoyenne qui est la seul clef du redressement de notre pays.

 

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