Le ROI (retour sur investissement) est-il roi en design ? Lorsque l’on sait que les comex peuvent dépenser des millions de dollars en R&D sans forcément toujours en connaître les résultats, on peut facilement se mettre dans la peau d’un CEO/ CFO qui, face au design qui s’attache à résoudre des problèmes sans jamais promettre des solutions toutes faites, à explorer et comprendre sans jamais se conformer, peut légitimement se demander : « Si j’investis en design, combien est-ce que cela va me rapporter ? »..
Alors que le design thinking devient aussi innovant et usuel que le marketing à son apogée dans les années 1970, la délicate question du retour sur investissement se pose à chaque euro investi dans un projet en design. Une récente étude de McKinsey baptisée « The business value of design » apporte son lot de réponses aussi encourageantes qu’ambitieuses. Et pour cause, en s’intéressant pendant 5 ans à 300 grandes entreprises, le cabinet de stratégie a mis en avant que les entreprises ayant incorporé le design ou le « design thinking », à travers de différentes décisions organisationnelles ou commerciales, faisaient montre de résultats financiers 25% supérieurs à toute autre entreprise n’ayant initié aucun projet en design. L’étude va même jusqu’à s’intéresser au « total return to shareholder » (TRS), cette valeur captée par les actionnaires, dont la croissance serait ainsi bien plus rapide pour les entreprises « design-friendly » – un pourcentage de croissance pouvant être supérieur jusqu’à 56 points par rapport aux organisations lambda.
Ce constat s’est avéré vérifié dans des domaines d’activité aussi variés que les technologies médicales, les biens de consommation ou encore les banques de détail. Pas d’excuse, semble-t-il, pour les secteurs d’activité plus « sobres » et jugés moins créatifs. L’étude est sans appel : « que votre entreprise produise des biens physiques, des produits ou services digitaux, ou bien une combinaison des trois », le « bon design » a sa place dans tous les cas.
Mais parler de ROI, n’est-ce pas là le meilleur moyen pour affaiblir toute la superpuissance du design lui-même ? Le but initial du design est d’apporter des réponses user-centric, humaines, viables, désirables et faisables à tout enjeu qui complique notre quotidien. Si je crée un pont entre deux presqu’îles, deux aspects de ce projet tendront à opposer deux mindest bien différents : son utilité et son ergonomie me placeront en designer, alors que sa simple rentabilité ne fera de moi qu’un simple investisseur. Ne cherchons pas à incriminer quiconque, mais à s’interroger sur l’essence même du design.
CEO et CFO doivent accepter la part d’inconnu du design qui, s’il s’échine à changer le monde, peut aussi bien être une manne financière qu’un énième projet de recherche. Il leur incombe ainsi d’accepter que certains résultats ne puissent pas être mesurés en temps-réel, mais certaines fois seulement sur le long-terme après que le projet ait abouti. C’est là toute la force du design, une force qui ne se mesure que dans son utilité sur le long terme. Que l’on prenne l’exemple de fantastiques designers comme Gropius ou le Corbusier, ou des marques modernes comme IKEA et Pixar, leurs réalisations n’ont pu être classées d’emblématiques que des années après leur production.
Comex et designers doivent travailler ensemble, sans se réduire à de simples interactions financières, sans se cristalliser dans une hiérarchie de positions. McKinsey l’a montré, les entreprises affichant les meilleurs résultats financiers sont celles ayant le mieux combiné design et business dans une vision managériale ambitieuse et design-centric. Pourquoi ne pas alors mettre de côté le ROI pour faire du design le roi de votre business ?
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