Cela peut sonner comme une tarte à la crème et pourtant, cela pourrait devenir bien réel. D’ailleurs, depuis plusieurs semaines, les offres d’investissement en non coté se multiplient dans l’assurance vie. Après AXA (en partenariat avec NextStage AM), CNP (en partenariat avec Ardian) et BNP Paribas (en partenariat avec Idinvest), de nombreuses compagnies devraient suivre.
Avant de revenir sur les raisons de cette tendance, qui devrait être durable, rappelons quelques chiffres.
L’assurance vie en France c’est 1.620 milliards d’euros (source Source : FFSA, chiffres à fin septembre 2016) sous encours et une collecte annuelle de 135 milliards d’euros (Plus précisément 135.3 MD € en 2015 – Source FFSA). 80% est affecté à des contrats en euros (sans risques, principalement investis en obligations, avec un rendement garanti), 20% à des contrats en unités de compte (UC) (risqués car investis notamment en actions et sans rendement ou capital garanti). Les autres placements font pâle figure à côté. Les encours du livret A s’élèvent à 255Md €, ceux de l’épargne salariale à 117Md €.
L’expression « assurance-vie, placement préféré des français » ne semble donc pas encore galvaudée. Pourtant, l’assurance-vie connait des difficultés. Au mois de septembre dernier, la collecte nette (versement de cotisations – paiement de prestations) était nulle. Ce n’était pas arrivé depuis décembre 2013. Faut-il y voir une désaffection ? Et comment le non coté pourrait-il tirer son épingle du jeu ?
Les contrats en euros : des rendements inexorablement en baisse ?
C’est une tendance forte et qui devrait s’inscrire dans la durée. Les contrats en euros, qui concentrent la très grande majorité des placements, voient leur rémunération diminuée. Dans un contexte de taux bas, voire de taux négatifs, les rendements actuels des titres sont inférieurs aux taux servis par les contrats en euros.
Cette situation pèse d’abord sur les compagnies d’assurance, qui sont pressées par leurs autorités de contrôle, de réduire le taux de rendement des fonds euros servis aux assurés (2,3 % en 2015) pour anticiper cette baisse et éviter toute mise en difficulté.
Cette situation pèse ensuite sur les assurés. Ils l’ont d’ailleurs bien compris.
Les UC : des versements en nette augmentation ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2015, 27 milliards d’euros ont été versés en Unités de Comptes (UC), soit une hausse de 32 % par rapport à 2014 (source FFSA). Les chiffres de 2016 devraient confirmer (encore davantage) cette tendance.
Plusieurs mesures ont été prises pour faciliter le développement des UC. La première n’est pas récente. Elle date de 2005. La transformation d’un contrat mono-support (en euros) en contrat multi-support (avec au moins une UC) est neutre fiscalement et ce depuis l’amendement dit « Fourgous ». En d’autres termes, l’antériorité fiscale donnée par le contrat d’origine est maintenue.
Les autres sont beaucoup plus récentes et le fruit d’initiatives de certaines compagnies : obliger l’assuré à réaliser une part de ses versements sur des UC, lui offrir un taux bonifié sur la part en euro moyennant un versement minimum en UC, augmentation des droits d’entrée sur les contrats en euros, etc.
Et le non coté ?
Mais c’est aussi revoir les supports des UC. En particulier sur le non coté (private equity, private debt, infrastructures) où l’offre était pour ainsi dire quasi inexistante.
Jusqu’à présent, il était compliqué d’investir en non coté au travers de contrats d’assurance vie français. Et cela malgré différentes mesures prises (contrats DSK en 1998, contrats NSK en 2005, contrats vie génération et euro croissance plus récemment) avec à chaque fois la même recette (un avantage fiscal bonifié moyennant un investissement minimum dans des PME) et un succès très mitigé.
Les assurés qui le souhaitaient n’avaient souvent pas d’autre choix que de se tourner vers le Luxembourg. Pas pour des raisons fiscales puisque le résident français bénéficiera de la fiscalité française de l’assurance vie, mais pour des raisons de gestion. En effet, moyennant un ticket d’entrée très élevé, les contrats luxembourgeois offrent des produits plus diversifiés, notamment en non coté.
Ça ne devrait plus être vrai. Pourquoi les choses devraient-elles être différentes ?
D’abord parce qu’il y a une vraie volonté des compagnies d’assurances de le faire. La preuve en est : les annonces sur ce type de produits se multiplient. Cette volonté s’inscrit, comme on l’a vu, dans un phénomène plus large de réorientation de l’épargne des assurés vers les UC. Mais elle répond aussi à un enjeu commercial : éviter la fuite de la clientèle haut de gamme, en proposant des produits différentiant, avec un couple rendement/risque plus élevé.
Ensuite, il y avait un vrai frein : celui de la liquidité. Les compagnies ont deux mois pour honorer les demandes de rachat de leurs assurés (voire moins en cas de décès notamment). Or, comment concilier cet impératif de liquidité avec la nature non liquide des actifs non cotés ? « L’amendement Macron » (Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015) de 2015 est venu répondre à cette contrainte. Désormais, sous certaines conditions, le rachat ne se fait plus en cash (ce qui suppose d’avoir cédé l’actif non coté) mais en nature. L’assuré ou son bénéficiaire reçoit directement les titres constitutifs de l’UC.
Mais si l’on veut aller plus loin, des réformes restent à faire. En particulier, seuls quelques supports sont éligibles aux UC. C’est notamment le cas du FCPR (fonds commun de placement à risques). Ces supports sont trop limités et trop contraints. Bercy travaille actuellement sur une réforme pour élargir les structures éligibles, notamment aux FCPI (fonds professionnels de capital investissement) beaucoup plus adaptés aux contraintes de l’assurance vie. Mais les autorités de contrôle semblent freiner des quatre fers.
Or, l’enjeu est majeur pour le « financement de l’économie réelle », notamment française quand on sait que le private equity français lève en moyenne 10Md € par an. L’assurance vie constitue une source de financement considérable dans un environnement où les investisseurs traditionnels sont de plus en plus contraints sur leurs fonds propres.
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