C’est une grande première dans l’histoire du pétrole ; l’Arabie Saoudite, par le biais de son ministre des pétroles, Khalid Al-Falih, déclare directement et sans intermédiaire que son pays est décidé à stabiliser le marché mondial du brut.
En effet, dans la grande tradition saoudienne d’ambiguïté quant aux véritables intentions de Ryad, souvent des annonces ayant trait à sa politique énergétique sont faites par des tiers experts liés au pouvoir. Or, l’urgence de l’annonce a coupé court à la tradition et amené directement dans la mêlée le gouvernement des Saouds. En effet, l’enjeu est de taille car le prix du brut a connu une chute de 10% en une seule semaine frôlant les 50 USD le baril. L’index américain du brut est même descendu de 11% pour descendre en deçà du seuil psychologique des 50 USD pour finir à 47 USD le baril. La remontée des cours depuis fin 2016 n’a donc pas duré.
Cette baisse des cours est d’autant plus préoccupante que l‘Arabie Saoudite est sur le point d’offrir jusqu’à 5% de son joyau national, la compagnie pétrolière ARAMCO aux marchés dans le cadre d’une introduction en bourse, probablement sur la bourse de New York. C’est du moins ce qui laisse présager la récente rencontre à Washington entre le Vice-Prince héritier Mohammad bin Salman et le Président américain. Une baisse soutenue des cours ne présage rien de bon pour la valorisation de cette société en bourse ni d’ailleurs pour le budget saoudien, fortement tributaire des recettes pétrolières. D’où la très grande inquiétude des Saoudiens.
Cette situation est principalement due à la facturation hydraulique des gisements de gaz de schiste. Les experts considèrent que la production américaine à horizon 2020 dépasserait la capacité maximale de la production saoudienne pour atteindre 11 millions de baril/jours soit 2 millions de baril de plus que la production actuelle et 1 million de baril de plus que la capacité maximale saoudienne se situant à un peu moins de 10 millions baril/jour. Triste ironie du sort que cette situation que Ryad avait essayé d’éviter en inondant le marché de son pétrole à bas cout d’extraction afin de pousser vers la faillite les producteurs de gaz et de pétrole de de schistes par manque de rentabilité. Or cette stratégie a eu l’effet inverse en incitant ces mêmes producteurs à améliorer leurs performances technologiques. Ainsi aujourd’hui le coût d’extraction de pétrole de schiste se situe à un seuil inférieur à 50 US le baril. Non seulement les Etats-Unis ne dépendent plus des importations pétrolières mais sont devenus de surcroit des exportateurs de brut. Ils disposent aujourd’hui dans le Bassin Permien qui s’étend sur l’ouest du Texas et le sud-est du Nouveau-Mexique d’un des gisements les plus importants d’hydrocarbures au monde.
La tragédie pour les Saoudiens réside aussi dans le fait que face à cette explosion de la production énergétique américaine, il n‘y a pas une augmentation de la demande mondiale en face. En effet, la demande de la part des pays importateurs ne saurait dépasser le million de baril/jour d’ici 2020 contraignant les Saoudiens a encore baisser leur production s’ils ne veulent pas voir les cours pétroliers s’écrouler. Ceci est sans compter sur le retour de la production iranienne qui a rajouté un peu moins d’un million de baril/jour à sa production depuis la fin des sanctions internationales frappant son secteur énergétique le 16 janvier 2016. Ce pays voudra surement augmenter sa production pour rattraper le temps perdu des années d’ostracisme dont il a fait l’objet. D’ailleurs le dernier accord des pays membres de l’organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) n’a pas exigé une baisse de la production chez les Iraniens. Demain, il en ira de même pour l’Irak qui une fois Daech mis hors d’état de nuire voudra exporter encore davantage sa production afin de pouvoir mener à bien la reconstruction des infrastructures détruites du pays.
Cette situation de baisse des cours ne présage de rien de bon pur l’Arabie Saoudite qui a besoin d’un maximum de recettes pour maintenir la paix sociale sur un plan domestique et contrecarrer l’émergence inéluctable de l’Iran comme l’hyper puissance régionale au Moyen Orient. Avec la chute de ses réserves pétrolières, l’Arabie Saoudite avait déjà fait en 2015 l‘objet d’une alerte de la part du Fonds Monétaire International : faute de restriction budgétaire ce pays allait être dépourvu de réserves financières à horizon 2020 même si depuis la situation semble s’être améliorée avec la hausse des cours pétroliers.
Les Saoudiens vont vite comprendre que les jours noirs ne sont pas derrière mais devant eux.
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