La France adopte une ordonnance visant à intégrer la blockchain dans la réglementation régissant les titres financiers. Elle s’assure également de mettre en place un cadre réglementaire suffisamment souple quelles que seront les évolutions des technologies utilisées.
Le droit français des titres financiers vient de faire l’objet en fin d’année 2017 d’une réforme importante. Il s’agit de la reconnaissance en droit français des titres de l’utilisation la technologie blockchain. L’ordonnance n°2017-1674 adoptée le 8 décembre 2017 confère à l’inscription d’une émission ou d’une cession de titres dans une blockchain* (autrement appelée dans la terminologie juridique française Dispositif d’Enregistrement Electronique Partagé (DEEP)) les mêmes effets que l’inscription en compte de titres financiers. Il convient de noter que cette modification législative ne concerne que les titres non cotés émis par les sociétés.
Cette réforme législative constitue une illustration intéressante de la manière dont peut être envisagée la régulation des innovations technologiques qui se développent actuellement au niveau mondial et qui sont notamment utilisées par les fintechs.
Principe d’équivalence de l’enregistrement dans la blockchain par rapport à l’inscription en compte des titres financiers
Pour comprendre la portée de cette réforme qui peut paraître de prime abord technique, il convient de faire un bref retour en arrière sur la représentation juridique des titres financiers en droit français.
Les titres financiers français (actions ou titres obligataires) émis par les sociétés sont représentés sous forme dématérialisée depuis 1984, c’est-à-dire qu’ils sont inscrits dans un compte-titres tenu soit par l’émetteur, soit par un intermédiaire financier réglementé (teneur de compte-titres). Il n’est ainsi nul besoin de disposer d’un support papier (par exemple un titre au porteur sous format papier) pour conférer une existence aux titres financiers et établir un droit de propriété sur ces titres : une simple écriture en compte suffit. Les pouvoirs publics devaient donc faire évoluer ce dispositif législatif pour articuler les règles d’inscription en compte et l’usage de la technologie blockchain.
Leur choix, éclairé par les consultations des praticiens, a été de retenir un principe d’équivalence selon lequel l’inscription d’une émission ou d’une cession de titres dans un DEEP se voit conférer les mêmes effets que l’inscription en compte (par exemple les titres inscrits dans le DEEP pourront être nantis tout comme les titres inscrits en compte).
Afin de permettre l’utilisation de la blockchain par les émetteurs de titres, l’ordonnance du 8 décembre 2017 prévoit également une modification du Code de commerce pour permettre aux sociétés par actions de décider l’inscription des valeurs mobilières qu’elles émettent (actions ou obligations) dans une DEEP (au lieu d’une inscription en compte).
Un dispositif réglementaire qui doit encore être précisé
Le nouveau dispositif entrera en vigueur après l’adoption de décrets d’application au plus tard le 1er juillet 2018. Il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser certains éléments techniques d’application du dispositif et notamment les modalités d’authentification des inscriptions dans le DEEP (qui devront être au moins équivalentes à celle présentées par une inscription en compte-titres) ou les modalités de nantissement des titres enregistrés dans le DEEP.
Un dispositif neutre par rapport aux évolutions des technologies utilisées
On soulignera l’intérêt de cette réforme au plan de la technique de régulation employée face à une nouvelle technologie dont les spécialistes soulignent qu’elle n’est pas encore mature.
Les pouvoirs publics ont fait le choix d’une régulation de la blockchain sans toutefois brider trop fortement les initiatives de l’industrie : la blockchain est en effet régulée selon un principe d’adaptation progressive et sectorielle (droit des titres non cotés au cas d’espèce) et en utilisant une terminologie juridique, « dispositif d’enregistrement électronique partagé » (DEEP), qui permet de mettre en exergue les principales caractéristiques de la technologie, à savoir sa vocation de registre et son caractère partagé, tout en restant neutre par rapport aux différentes techniques utilisées et à leurs évolutions futures.
Paris pouvant se targuer d’être la première place financière internationale à réguler la blockchain en matière de titres, nul doute que cette évolution législative innovante qui devrait permettre de simplifier les modalités de tenue de registre des titres émis par les sociétés non cotées, participera également à la reconnaissance du rôle d’acteur majeur de la Place de Paris pour les activités titres et de post marché. Et ce quelque trente années après l’entrée en vigueur du régime de dématérialisation des titres pour lequel la France avait également su innover.
* L’ordonnance 2017-674 marque la seconde utilisation par le droit français de la technologie blockchain, la première étant antérieure de quelques mois : il s’agit de la réglementation des mini-bons (forme particulière de bons de titres faisant l’objet d’offres au public par l’intermédiaire d’un site internet) adoptée par l’ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 qui l’a introduit en droit français pour l’émission et le transfert des mini-bons.
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