Désireux d’instaurer un cadre « souple, adapté et non dissuasif » afin notamment d’encourager les levées de fonds en cryptomonnaies (ICO, Initial Coins Offering) dans l’Hexagone, le gouvernement veut faire de la France une nation pionnière en la matière à l’heure où la défiance reste encore de mise lorsqu’il s’agit d’évoquer ces questions.
A moins d’avoir passé les douze derniers mois dans une grotte ou sur une île déserte, difficile d’être passé à côté de la « hype » Bitcoin. Initialement réservées à une (infime) communauté d’initiés, les cryptomonnaies se sont démocratisées au point d’être maintenant accessibles à tous, via des plateformes pour particuliers afin que tout le monde – et parfois n’importe qui – se sente l’âme d’un investisseur. Le Bitcoin ? Chacun a son avis sur la question, y compris les personnalités les plus éloignées, de prime abord, de l’univers résolument complexe de la Blockchain et autres ICO. Même la star de la télé-réalité, Nabilla Benatia s’est prise de passion pour la reine des cryptomonnaies, en vantant, en fin d’année dernière, les mérites d’une de ces plateformes d’échanges sur son compte Snapchat. « C’est vraiment sûr, c’est vraiment cool et si ça vous intéresse vraiment vous pouvez y aller les yeux fermés », avait-elle affirmé, contrat publicitaire aidant. Elle prendra néanmoins soin de préciser : « si vous voulez essayer, faites-le avec eux parce que tout seul c’est pas pareil, on sait pas trop où on va ».
Et depuis ce « conseil avisé » ? La « fièvre » Bitcoin est largement retombée, n’en déplaise aux quelques puristes de la première heure qui continuent de soutenir mordicus que la star des cryptomonnaies va revenir sur le devant de la scène et tutoyer de nouveau les sommets. Pourtant en prenant en considération l’extrême volatilité de cette « currency » pas comme les autres, les chiffres sont implacables. Après avoir frôlé les 20 000 dollars en décembre 2017, le Bitcoin dépasse à peine aujourd’hui la barre des 6 000 dollars. Explosion de la bulle ? La réalité est légèrement plus nuancée, cette « séquence spéculative » ayant cédé la place à un nouvel épisode plus « technique » et moins grand public : la mise en place d’un « cadre juridique » pour les cryptomonnaies.
Paris, capitale des ICO
Chapitre éminemment moins « glamour » pour les « nouveaux conquérants » mentionnés en préambule. « Maintenant que cette fièvre spéculative est derrière nous, nous sommes en effet dans une séquence réglementaire qui attire moins la lumière. Le législateur a ouvert, depuis quelques mois, l’étape de la réflexion et de la régulation », abonde Tristan Colombet, CEO de DomRaider, l’une des premières start-up en France à avoir procédé à une levée de fonds en cryptomonnaie. Cette étape de réflexion et de régulation a une visée limpide : faire de la France et de Paris la capitale européenne des fameuses ICO et autres cryptomonnaies. Premier étage de la fusée : la nomination, par Bercy, de Jean-Pierre Landau, ancien sous-gouverneur de la banque de France à la tête d’une « mission de contrôle sur les cryptomonnaies ». Nous refusons les risques de spéculation et les possibles détournements financiers liés au Bitcoin », expliquait Bruno Le Maire, à l’époque.
Après six mois de travaux sur la question, Jean-Pierre Landau a remis au locataire de Bercy ses préconisations, au premier rang desquelles la volonté de ne pas « réguler à la hâte ». » Il faut sans doute accepter de vivre temporairement dans une certaine ambiguïté « , écrit l’ancien sous-gouverneur de la banque de France dans son rapport. Au-delà de son contenu, ce rapport est le signe « concret et tangible » de la volonté des pouvoirs publics d’encadrer toutes ces problématiques. Une prise de conscience « salvatrice » qui a atteint la sphère politique, avec la mise en place d’une mission d’information sur les monnaies virtuelles à l’Assemblée Nationale. Des travaux dirigés par l’ancien ministre du Budget, Eric Woerth (LR) et auxquels a justement participé Tristan Colombet, entendu devant cette commission. « J’ai ainsi pu faire part de mon retour d’expérience en la matière et soulever plusieurs points précis, concernant notamment les ICO « .
Une « Crypto-Nation »
Le jeune entrepreneur a évoqué plusieurs pistes de réflexion devant les députés. Citons pêle-mêle la « comptabilisation » des ICO comme du chiffre d’affaires, la régulation des points d’échange, indispensable lorsque l’on passe des cryptomonnaies aux euros, un travail de pédagogie auprès des établissements de crédit, ces derniers ne devant plus considérer les fonds des ICO comme à risque, ou encore l’expérimentation de crypto-actifs officiels, même si ces derniers ne sont pas (encore) légion. Diverses recommandations qui ont trouvé une oreille attentive du côté des parlementaires. « J’ai été agréablement surpris par le degré d’expertise de certains membres de la mission d’information, notamment son jeune rapporteur, Pierre Person (député La République en Marche ! ndlr) ». Toujours sur le front politique, la loi PACTE, que l’Assemblée vient de voter, va également permettre d’amplifier le mouvement. Et, ce qui semblait encore être une utopie en fin d’année dernière, de faire de la France la première « crypto-nation » du monde.
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