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La délicate gestion de fortune des sportifs professionnels

Malgré des salaires parfois très importants, les sportifs ne sont pas à l’abri de déboires financiers. Pour les aider à préserver et même faire fructifier leur patrimoine, des professionnels peuvent les accompagner.

Un article issu du numéro 27 – été 2024, de Forbes France

 

 

On pourrait croire que la vie financière d’un sportif de haut niveau est un long fleuve tranquille. Il est vrai que certains sont de véritables machines à cash exhibant villas, voitures, yacht, ou encore vêtements de luxe à tout-va. Pourtant, loin des idées reçues, des athlètes et anciens athlètes se retrouvent chaque année embourbés dans des difficultés économiques. 50 % des footballeurs professionnels sont ruinés quelques années après la fin de leur carrière, selon plusieurs études. Le taux monterait à 60 % chez les basketteurs NBA, 70 % en NFL.

Même si ces chiffres sont à considérer avec prudence, le phénomène existe. « Depuis le début de ma carrière, j’ai toujours essayé de bien gérer mes économies car, quand on gagne beaucoup d’argent très jeune, on peut vite sombrer », expose l’actuel joueur de Nantes, Moussa Sissoko. Une habitude que l’ancien international tricolore a prise bien avant ses premiers gros cachets, quand il ne gagnait encore que quelques centaines d’euros comme aspirant au centre de formation du Toulouse Football Club. Syndrome du « gamin qui a grandi dans une famille modeste mais sans jamais manquer de rien ». Si le solide milieu de terrain sait également « s’amuser et faire profiter ses proches », il n’est jamais devenu un flambeur. « Ce n’est pas dans ma nature », confie-t-il. La maîtrise de son train de vie, aussi évident que cela puisse paraître, apparaît comme un facteur indispensable pour préserver et faire fructifier le patrimoine des athlètes de haut niveau.

Nombre d’entre eux se tournent vers des professionnels qualifiés pour se faire accompagner. « Personne n’est préparé à gagner de telles sommes si jeune. Ni les champions, ni leur entourage », expose Frédéric Schatzlé, président d’Élite Patrimoine, une société de gestion de patrimoine qui offre ses services à des clients dont les revenus excèdent 500 000 euros par an. Parmi ceux-ci, de nombreux sportifs tels que les basketteurs internationaux français Rudy Gobert et Evan Fournier. « Notre première mission consiste à les aider dans la gestion de leur budget », pointe-t-il.

« En cas d’imprévu, c’est la catastrophe »

« Les joueurs deviennent rapidement des cibles donc nous venons faire barrière face à ceux qui se rapprochent par intérêt », poursuit Nathan Crémilleux, conseiller en investissement immobilier auprès de footballeurs. Passé par les équipes jeunes de l’AS Saint-Étienne et de l’équipe de France avant d’entamer sa reconversion, l’entrepreneur de 24 ans jouit d’une solide connaissance des aspects négatifs du milieu. Sans oublier que les salaires des athlètes professionnels font le grand écart. Quand les joueurs du Paris- Saint-Germain gagnent près d’un million brut par mois, les sportifs accompagnés par le jeune homme touchent 10 à 15 fois moins. C’est toujours mieux qu’un joueur de division 1 de handball ou de basket-ball, où l’émolument mensuel moyen tourne autour de 7 000 euros à 10 000 bruts. Un salaire supérieur à la moyenne mais qui nécessite une gestion rigoureuse, en raison d’une carrière courte.

« Un sportif qui gagne 100, on lui dit tu nous confies 80 chaque mois, tu vis avec 20 et, en fin de carrière, tu pourras disposer de 20 de revenus,explique Frédéric Schatzlé. Pour y parvenir, nous diversifions les investissements entre l’immobilier et les placements financiers. » Sans oublier qu’une carrière peut s’arrêter précipitamment, du fait des blessures ou de performances en dents de scie. « Nous mettons tout en place pour que nos clients ne se retrouvent pas en difficulté si leur carrière s’arrête à la fin de leur premier contrat », relève le gérant de patrimoine. Ainsi, Élite Patrimoine privilégie la sécurité sur le risque, quitte à en limiter le rendement. « Quand il s’agit de réaliser des emprunts, nous faisons très attention au taux de couverture de la dette qui est égal ou supérieur à 100 %, souligne-t-il. Certains embarquent les jeunes sportifs dans des univers beaucoup trop risqués, notamment au niveau des investissements immobiliers. En cas d’imprévu, c’est la catastrophe... »

Choisir sa reconversion sans pression

Les médias se sont fait l’écho des déboires financiers rencontrés par des athlètes professionnels, notamment des footballeurs. L’international français Bruno Bellone, artisan de la victoire des Bleus à l’Euro 1984, s’est retrouvé à dormir dans sa voiture, plombé par une dette colossale dans les années 90. La faute à un investissement immobilier douteux, réalisé sur le conseil d’un ami de son père. Plus récemment, les joueurs Ludovic Giuly et Yohan Mollo ont également perdu plusieurs millions d’euros en confiant la gestion de leur patrimoine à des personnes et sociétés peu scrupuleuses. Pour éviter d’en arriver là, Moussa Sissoko a toujours gardé un œil attentif sur ses finances. Et ce, même si son conseiller en investissement est une personne de confiance et son ami depuis ses 17 ans. « Même si je délègue une partie de cette activité, je fais très attention à ce qu’il se passe. Tout simplement parce que c’est mon argent, j’aime savoir ce qu’on en fait, où il est placé… », explique-t-il. Un constat que partage Nathan Crémilleux, qui estime que les « sportifs délèguent beaucoup trop » sur ce sujet. Selon lui, le contraire serait bénéfique pour la vie personnelle et sportive du joueur. « Quand ils ont une blessure, par exemple, cela leur permet de s’évader, de découvrir autre chose, soulève-t-il. Inconsciemment, ils commencent déjà à préparer leur après-carrière. »

Pour de nombreux athlètes, la fin de carrière est envisagée avec appréhension. Alors qu’ils ont toujours vécu de leur passion, les revenus s’arrêtent du jour au lendemain. « Avoir eu une bonne habitude d’épargne permet de mieux choisir sa reconversion, d’exercer une activité sans obligation de rentabilité immédiate, observe Frédéric Schatlzé. Un de nos clients souhaite devenir ostéopathe. Il faut cinq ans d’études, donc cinq ans sans salaire. D’où la nécessité d’être consciencieux dès le départ. » À 34 ans, Moussa Sissoko le sait, la porte de sortie n’est plus très loin. Le roc nantais multiplie les projets pour mieux rebondir une fois les crampons raccrochés. Depuis 2022, il est président de United Academy, une académie de recrutement de jeunes au Sénégal. Il s’investit également dans une plateforme qui propose des entraînements de football sur mesure, Playse, et dans une start-up qui apprend aux particuliers à gérer leurs finances, le Club Nec. De là à marcher dans les pas de Tony Parker, Blaise Matuidi ou Thierry Dusautoir, ces ex-sportifs devenus entrepreneurs ?

 


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