La blockchain change déjà la vie de milliers de travailleurs dans les pays émergents

Technologie de stockage et de transmission d’informations sans autorité centrale, la blockchain rend possible le transfert rapide et bon marché d’actifs numériques. Assiste-t-on à l’émergence d’une nouvelle économie ?

L’essor d’Internet a donné l’impression que le monde était à porter de main. La mondialisation économique permet aux entreprises de s’approvisionner en talents dans toutes les régions du globe, offrant ainsi à des milliards de personnes la possibilité de participer pour la première fois à une économie connectée.

La blockchain fournit un réseau mondial pour le transfert rapide et bon marché d’actifs numériques, un réseau calqué sur celui d’Internet. Cette technologie crée de nouvelles façons de gagner de l’argent et permet à tout un chacun de faire partie d’un système financier mondial, sans avoir besoin d’un compte bancaire. Dès lors, est-ce l’émergence d’une nouvelle économie ?

Les paiements mondiaux sont bouleversés

Le système bancaire actuel repose sur les accords de Bretton Woods de 1944. Dans la période d’après-guerre, la rapidité et la fiabilité des paiements entre les pays du « monde occidental » étaient une priorité absolue. Suivant cette idée, le système de gestion monétaire de Bretton Woods a établi les règles des relations commerciales et financières entre les États-Unis, le Canada, les pays d’Europe occidentale, l’Australie et le Japon. Il s’agissait d’une amélioration considérable par rapport au système monétaire fondé sur l’or, qui était trop lent et inefficace pour les transferts d’argent intercontinentaux. Le système monétaire fiduciaire (ou fiat) avec le dollar américain comme monnaie de réserve mondiale offrait un moyen beaucoup plus rapide et moins cher d’envoyer de l’argent et d’échanger des biens à l’échelle mondiale.

Près de 80 ans plus tard, la situation a évolué avec une main-d’œuvre émergente qui souhaite effectuer des transactions avec non seulement l’Europe et l’Amérique du Nord, mais également avec toutes les régions du monde. Le système de Bretton Woods n’a jamais été conçu pour gérer ce type de transaction, et cela se voit.

L’envoi de paiements devrait être aussi simple que l’envoi d’un SMS

Payer un collaborateur ou sous-traitant en Inde à partir d’un compte bancaire allemand est généralement pénible et coûteux. Les banques indiennes ne proposent pas de virements IBAN et, avec le système SWIFT, il y a beaucoup de paperasses à remplir. Le règlement des paiements prend des jours et coûte 20 dollars ou plus, auxquels s’ajoutent des frais de conversion proportionnels au montant envoyé. La meilleure pratique consiste à utiliser un système de paiement tiers et à passer par la longue procédure KYC. Pour les paiements de plus de 1000 dollars, le montant est souvent gelé et un questionnaire est envoyé au destinataire de l’argent. Le bénéficiaire doit justifier la raison pour laquelle il reçoit cette somme et s’en remet, en quelque sorte, à la clémence des autorités pour recevoir son revenu durement gagné.

« En dix minutes, je reçois les fonds sur mon compte personnel »

En 2009, lorsque le bitcoin est apparu comme la première monnaie numérique mondiale adossée à la blockchain, il était difficile d’imaginer que cette technologie permettrait un jour de connecter des centaines de millions de personnes. Aujourd’hui, de nouvelles applications de cette technologie voient le jour chaque semaine, formant un réseau de valeur parallèle à Internet. Les paiements sont réglés en quelques minutes au prix de quelques centimes, selon le réseau blockchain utilisé. Désormais, les cas d’utilisation de la blockchain vont bien au-delà du bitcoin. Les stablecoins, ou cryptomonnaies stables, notamment, gagnent en popularité. Ils représentent la valeur d’une « vraie » monnaie, comme le dollar américain, et ne sont pas soumis à la forte volatilité des autres cryptomonnaies.

Joel Oshigbu, qui travaille en tant que développeur frontal pour la startup allemande de cryptocomptabilité basenode.ioet dont le salaire est versé en tether (USDT), explique : « Je choisis généralement l’USDT, car c’est le stablecoin le plus populaire, le plus simple pour trouver un acheteur et le moins susceptible d’être attaqué par une banque ». Son employeur, Oliver Schantin, cofondateur et PDG de basenode.io, indique que les employés peuvent choisir la cryptomonnaie dans laquelle ils souhaitent être payés, ou avoir la possibilité d’être payés en monnaie fiat. La société a développé un logiciel de comptabilité pour les paiements basés sur la blockchain. « Nous prévoyons que le nombre de paiements en cryptomonnaies va continuer à croître de manière exponentielle dans les années à venir. La comptabilité et la facturation des cryptomonnaies vont devenir une préoccupation plus importante pour les freelances et les entreprises », explique Oliver Schantin.

Tout le monde peut détenir des monnaies numériques sur son téléphone

Des talents du monde entier cherchent à être payés en stablecoins en dollars. L’on estime que 38 % des freelances du Web3 préfèrent recevoir leur salaire en cryptomonnaies. L’une des principales raisons de cette tendance est que les monnaies fiat affichent généralement un taux d’inflation plus élevé et perdent leur pouvoir d’achat par rapport au dollar américain. La monnaie nationale iranienne a montré un taux d’inflation officiel de plus de 36 % en 2020, faisant des cryptomonnaies un outil indispensable pour préserver le pouvoir d’achat. Un développeur iranien explique, pourquoi il perçoit son salaire en cryptomonnaies : « En raison de l’inflation et de la volatilité de la monnaie locale, je préfère généralement conserver mes paiements en stablecoins sur mon compte KuCoin, mais si nécessaire, j’utiliserai une autre adresse de portefeuille, créée sur un échange de cryptomonnaies local, de cette façon, je convertis les fonds reçus dans ma monnaie locale instantanément et les dépose sur mon compte bancaire en moins de deux minutes ».

Comment des télétravailleurs gagnent leur vie avec les NFT liés aux jeux vidéo

Aujourd’hui, de nouveaux marchés se forment dans l’écosystème des cryptomonnaies, offrant aux particuliers la possibilité de gagner leur vie d’une manière inédite. Le jeu vidéo Axie Infinity, basé sur les NFT, a connu une forte croissance de sa base d’utilisateurs au cours des dernières années, pour atteindre plus d’un million de joueurs dans le monde. Une grande partie d’entre eux font partie des marchés émergents d’Asie du Sud-Est. Jouer à Axie Infinity pour amasser de la monnaie et des objets virtuels, pour ensuite les vendre aux joueurs européens, qui sont prêts à payer un prix plus élevé pour progresser plus rapidement dans le monde virtuel, est devenu une source de revenus dans cette région du monde. Cette stratégie est bénéfique pour les deux parties et permet à tout un chacun de gagner sa vie en télétravaillant, ce qui ne nécessite qu’un ordinateur portable et une connexion internet.

L’éducation est un ingrédient clé de l’inclusion financière

Le télétravail est désormais une option pour de nombreux professionnels dans les pays émergents, ce qui évite les inconvénients liés à un déménagement et à l’adaptation à une autre culture. La première étape pour travailler dans le domaine de la blockchain est d’acquérir une formation professionnelle pertinente. La société EkoLance, une plateforme d’éducation et de recrutement Web3 basée à Francfort, a découvert que fournir une inclusion éducative était crucial pour aboutir à l’inclusion financière. Ainsi, la plateforme propose des formations à la blockchain pour des professions spécifiques telles que développeur solidité, gestionnaire de communauté blockchain ou encore créateur de contenu blockchain. Ces formations sont proposées gratuitement aux talents des économies émergentes, leur permettant d’acquérir les compétences et l’expérience nécessaires pour travailler dans le domaine de la blockchain. Pour compléter le cycle et offrir une inclusion financière, EkoLance met les talents en relation avec des employeurs aux quatre coins du monde qui proposent des offres d’emploi à distance. Modupe Ativie, cofondateur d’EkoLance, déclare : « Nous prévoyons un avenir où les services de comptabilité et de paiements alimentés par la blockchain deviendraient courants, car des milliers de télétravailleurs africains qui vivent encore dans des pays où l’adoption de la blockchain et des cryptomonnaies est lente ou carrément interdite pourront travailler où ils veulent, gagner ce qu’ils veulent et être rémunérés ».

En conclusion

Avec des sociétés comme EkoLance qui éduquent un nombre croissant de futurs employés sur les avantages des paiements basés sur la blockchain, l’on peut qu’imaginer comment les générations futures vont changer la façon dont sont réglés les paiements mondiaux. La blockchain a le potentiel de changer des vies dans le monde entier. En favorisant l’inclusion financière des travailleurs sous ou non bancarisés, cette technologie peut avoir un impact considérable sur leur vie. Des paiements mondiaux rapides, faciles et sans complications, la possibilité d’être personnellement responsable de ses actifs et les nouvelles opportunités de création de revenus sont autant d’exemples concrets de ce qui se fait déjà. Le développement continu de la blockchain et l’évolution vers de nouveaux modèles d’entreprise pourraient conduire à des effets encore plus positifs pour les travailleurs des marchés émergents.

Article traduit de Forbes US – Auteur : Philipp Sandner

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