Goodvest est une offre d’épargne qui permet un investissement en gestion pilotée, aligné avec l’accord de Paris. Alors que l’épargne représente une émission de 11 tonnes de CO2 en moyenne par épargnant, Goodvest leur propose de choisir les thèmes dans lesquels ils souhaitent investir, comme la lutte contre le réchauffement climatique ou la solidarité et l’emploi. Joseph Choueifaty, cofondateur et CEO, a accepté cet entretien pour nous en dire plus.
Est-ce que lancer Goodvest est apparu comme une évidence ?
Joseph Choueifaty : Avant de fonder Goodvest en septembre 2020, Antoine Bénéteau et moi ignorions nous-même l’impact que pouvait avoir notre épargne sur la planète. Cette opacité a par ailleurs largement été mise en évidence avec le dernier rapport de Reclaim Finance et Oxfam France. Nous avons donc lancé Goodvest afin que tous les épargnants puissent avoir la possibilité de savoir ce que finance leur argent et à destination de quels fonds d’investissement.
Sur notre plateforme, nous proposons des thèmes d’investissement compatibles avec nos valeurs en matière d’environnement, d’emploi et de solidarité. Nous avons à ce titre créé en partenariat avec Generali Vie l’assurance-vie “Goodvie” : un contrat proposant une épargne alignée sur une trajectoire de maximum 2 degrés Celsius par rapport au niveau préindustriel quel que soit le profil de l’investisseur. Ce nouveau produit d’épargne se base uniquement sur des ETF (Exchange-Traded Funds) et fonds en clean shares (sans rétrocessions) pour plus d’impartialité.
Il y a beaucoup de greenwashing autour de ces sujets et nous avons petit à petit affiné notre proposition de valeur, notamment en décortiquant les fonds d’investissement dans le détail.
Nous nous sommes associés à ce titre au fournisseur de données indépendant sur le climat Carbon4 Finance, cofondé par Jean Marc Jancovici. Goodvest offre ainsi la première solution d’épargne entièrement compatible avec l’Accord de Paris et qui exclut des secteurs néfastes comme l’extraction d’énergies fossiles, le tabac, l’armement, etc.
Si vous garantissez que les fonds d’investissement choisis ne financent pas des industries qui nuisent à la planète ou aux personnes, j’imagine qu’ils ne sont pas simplement labellisés ISR ?
Le label ISR n’a pas évolué depuis six ans et il est très simple de l’obtenir. Il faut à minima un reporting environnemental et social sur l’impact de ses fonds mais sans engagements concrets en termes de réduction de CO2. À titre d’exemple, on peut trouver des fonds labellisés ISR qui contiennent des sociétés comme Total.
Selon une étude du Carbon Disclosure Project en novembre dernier, moins de 1% des actifs sous gestion dans le monde sont alignés aux objectifs fixés par l’Accord de Paris. Malgré ce qui est dit aujourd’hui sur le verdissement de la finance, il reste beaucoup de travail à faire. Parmi ces fonds, seulement 0,6% sont compatibles aux Scopes 1 et 2 (émissions directes) tandis que 0,2% le sont pour le Scope 3, qui concerne les émissions indirectes.
Chez Goodvest, nous avons analysé près d’un millier de fonds. Le label ISR nous donne un premier indice puis nous nous basons sur d’autres critères d’exclusion liés au label Finansol ou encore Greenfin. Nous balayons par exemple tout ce qui finance les énergies fossiles et nous décidons parfois de faire des choix : c’est le cas du nucléaire, qui est notamment exclu du label Greenfin. Avec le contexte exacerbé en Ukraine et au regard de notre dépendance au gaz, nous avons la conviction qu’il sera difficile de se passer de l’énergie nucléaire.
Il faut aller dans le détail car le label Greenfin par exemple, labellise les fonds en fonction d’un pourcentage d’investissement maximal dans les énergies fossiles. Nous menons donc ensuite une approche qualitative sur ces fonds pour mesurer leur empreinte carbone sur les trois Scopes mais aussi pour identifier le poids des actionnaires dans les processus de décision interne. Certaines sociétés de gestion prennent parfois des décisions contradictoires au moment de leurs assemblées générales.
Les prestataires des services de paiement (PSP) comme OnlyOne, Helios et Green-Got sont tenus de sécuriser leurs fonds de compte courant auprès d’un établissement de crédit agréé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)… Etes-vous également soumis à ce type d’obligation ?
Generali est notre assureur mais il n’a aucune marge de manœuvre car il ne s’agit pas d’activité de crédit. En revanche, tout comme l’ISR ne veut pas dire une exclusion totale des énergies fossiles en bout de course, la transparence dans le monde des assurances n’est pas non plus suffisante, en particulier sur les assurances vie en fonds euros. De notre côté nous avons décidé de nous baser uniquement sur les unités de compte car nous pouvons avoir totalement la main dessus.
Le monde de l’assurance-vie – et en général de l’épargne en France – fait preuve d’un grand manque de transparence sur les tarifications qu’il fixe. Les assureurs traditionnels distribuant de l’assurance-vie via leurs réseaux propriétaires (comme Axa) proposent des fonds avec des frais moyens de 2% dont la moitié en rétrocession qui est reversée au distributeur. Le choix des sociétés de gestion et des fonds dépend donc de cette tarification qui varie selon le distributeur. Nous avons décidé de faire une croix sur la rétrocession et nous n’avons aucun intérêt à choisir un fonds car il serait moins cher que la concurrence.
Nous avons obtenu d’une part la certification de courtier d’assurances vie auprès de l’Orias ainsi que l’agrément Conseiller en investissement financier. Nos conseillers ont dû passer la certification AMF.
L’offre d’épargne d’OnlyOne est assurée par vos soins…
Oui nous sommes en cours de développement d’une solution directement intégrée sur l’application OnlyOne. Cela vient compléter leur offre de compte courant responsable, notamment avec la transparence de nos produits d’épargne : garantie par l’aval scientifique de Carbone 4 et le descriptif complet de notre méthodologie s’agissant de la “température de nos portefeuilles”.
Nous proposons des centaines de supports d’investissement et valeurs différents, à partir de nos études quantitatives et qualitatives. Sur notre site, l’épargnant vient ensuite partager des informations relatives à son profil de risques, ses thèmes d’investissement. Notre algorithme prend ensuite le relai pour construire un portefeuille sur-mesure,diversifié et compatible avec l’accord de Paris.
Pouvez-vous nous en dire plus sur vos efforts en matière de transparence ?
Nous menons davantage d’efforts sur la pédagogie auprès des épargnants, notamment au sein de ma série de podcasts “Monéthique” sur la recherche d’impact dans la finance. J’ai pu m’entretenir avec des représentants d’Oxfam France, Reclaim Finance, Carbone 4 ou encore Time for the Planet.
Chaque unité de compte est analysée en fonction de l’empreinte carbone des sociétés présentes en portefeuille. Grâce à Carbon4 Finance et ses 50 ingénieurs, nous pouvons délivrer une estimation de l’impact carbone des sociétés présentes dans le portefeuille de nos épargnants. Puisque la température moyenne pourrait augmenter de 4 degrés d’ici à 2100, nous proposons des produits d’épargne sur une trajectoire en dessous des 2 degrés. À titre d’exemple, mon portefeuille est aujourd’hui autour des 1,8 degrés.
Investir de manière responsable est-il synonyme de perte de rentabilité ?
Plusieurs études montrent qu’investir de manière responsable sur le long terme peut générer une amélioration de la rentabilité. Tout simplement car les entreprises financées sont prêtes pour le monde de demain. Celles qui sont émettrices vont devoir se transformer tôt ou tard et le coût induit va logiquement avoir un impact sur la rentabilité future. Nous avons pu constater cela pendant la crise sanitaire, alors que les fonds durables ont bien mieux résisté tandis que les compagnies aériennes ou pétrolières ont elles essuyé une perte.
Jean-Marc Jancovici le rappelle très bien : au regard de l’impératif de la transition écologique, une entreprise qui construit des vélos sera logiquement mieux préparée que celle qui construit des voitures thermiques. Et cela se confirme avec le durcissement de la réglementation en la matière.
Avez-vous des conseils à prodiguer aux épargnants ?
Il faut creuser tout ce qui touche à votre épargne et questionner votre conseiller pour mieux comprendre les critères pris en compte. Il faut par exemple demander si son épargne finance des industries pétrolières ou gazières car souvent c’est simplement le charbon qui est exclu des fonds d’investissement pour faire valoir leur faible impact carbone. Enfin, au-delà des Scope 1 et 2 que les fonds d’investissement ont peu de mal à respecter, il est nécessaire de s’intéresser aux émissions indirectes prévues dans le cadre du Scope 3.
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