Depuis le début de l’année, plusieurs réformes successives sont venues renforcer le contrôle des investissements étrangers dans les sociétés françaises cotées sur le marché réglementé d’Euronext Paris. Reste encore à en mesurer les conséquences.
En premier lieu, le décret et l’arrêté du 31 décembre 2019, complétant la loi Pacte, ont renforcé, à compter du 1er avril 2020, le dispositif de contrôle des investissements étrangers dans une société française, cotée ou non, opérant dans un secteur dit sensible. La liste de ces secteurs1 a ainsi été étendue à de nouveaux domaines d’activités (notamment en matière agricole, de presse et de R&D relative aux technologies quantiques et au stockage d’énergie). Par ailleurs, lorsqu’un investisseur est « non européen», le seuil déclenchant un contrôle a été abaissé du tiers à 25% des droits de vote.
En second lieu, dans le contexte de la crise économique liée au Covid-19, le Ministre de l’Economie et des Finances Bruno Lemaire a annoncé le 29 avril 2020 un renforcement du contrôle des investissements étrangers dans les sociétés cotées françaises afin de les protéger d’éventuelles opérations hostiles de prise de participation. L’arrêté du 27 avril 2020, publié le 30 avril au Journal officiel, a ainsi étendu l’application de la procédure au secteur des biotechnologies. Puis, le décret et l’arrêté du 22 juillet 2020, applicable à compter du 7 août, ont renforcé ce contrôle au travers d’un dispositif spécifique et temporaire.
Un contrôle abaissé de 25% à 10% de détention pour les sociétés cotées sur Euronext Paris
Ce contrôle s’applique aux investisseurs « non-européens » qui, du fait de leur investissement, viennent à franchir le seuil de 10% de détention des droits de vote d’une société française opérant dans l’un des secteurs sensibles, dont les actions sont admises aux négociations sur le marché règlementé Euronext Paris. Sont ainsi exclues de cette nouvelle obligation les sociétés cotées sur les marchés Euronext Growth et Euronext Access.
Cette nouvelle mesure a vocation à s’appliquer de manière temporaire jusqu’au 31 décembre 2020 – sauf à ce que le gouvernement décide de prolonger cette période.
L’objectif de cette réforme est d’éviter que des investisseurs étrangers, notamment étatiques, profitent des circonstances erratiques de marché pour prendre des participations dans certaines sociétés françaises cotées touchées par la crise et, ainsi déstabiliser leur gouvernance ou leur plan stratégique.
Une procédure de contrôle simplifiée
Afin de préserver le financement des entreprises françaises cotées ainsi que le bon fonctionnement des marchés financiers, le décret a institué une procédure simplifiée par rapport au dispositif habituel du contrôle des investissements étrangers.
- Une notification préalable allégée
D’une part, le formalisme de la notification préalable – qui doit être déposée au bureau Multicom 4 de la Direction Générale du Trésor au Ministère de l’Economie et des Finances – est très allégé. En effet, les informations requises sont les mêmes que celles devant figurer dans la déclaration d’intention et, pour partie dans la déclaration de franchissement de seuil, qui devront en tout état de cause être notifiées à l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) en cas d’acquisition d’une participation de plus de 10% du capital ou des droits de vote.
Ces informations visent à informer le marché notamment de l’identité de l’investisseur (contrôle, action de concert …), de son mode de financement et, de ses intentions pour les 6 mois à venir (évolution de sa participation, demandes en matière de gouvernance, stratégie envisagée à l’égard de la société cotée…).
Il convient de souligner que cette notification préalable doit être rédigée en français alors qu’elle vise des investisseurs étrangers « non-européens » et, que les déclarations d’intention et de franchissement de seuil à l’AMF requises une fois l’opération réalisée, peuvent l’être en anglais.
- Un délai raccourci
D’autre part, la procédure de contrôle est largement accélérée. Le décret prévoit que l’autorisation naît à l’issue d’un délai de dix jours ouvrés à compter de la notification, sauf opposition du ministre. Ainsi, contrairement à la procédure normale, dont le délai d’instruction est de trente jours ouvrés, aucune autorisation expresse n’est requise. Rien n’exclut qu’une telle autorisation puisse être obtenue plus rapidement, si nécessaire. Notons que cette autorisation est valable pendant une période de six mois.
Si cette procédure sera aisément applicable dans le cadre d’une augmentation de capital d’une société cotée, elle sera clairement un obstacle à l’acquisition opportuniste d’actions au fil de l’eau sur les marchés.
Un mois après la mise en œuvre de ce dispositif, aucune opération n’a semble-t-il été réalisée suite à une telle notification. Néanmoins, l’absence d’application pratique ne signifie pas l’absence d’efficacité du dispositif ainsi mis en place. En effet, cette mesure sera sans nul doute un frein temporaire aux prises de participation de fonds activistes « non-européens ».
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