Avril, ses œufs de Pâques, son marathon de Paris et sa… déclaration d’impôts ! Cette campagne 2018 servira de référence pour la mise en place de la retenue à la source : dès à présent, le contribuable peut faire des choix pour l’application du taux de prélèvement de l’impôt sur le revenu au 1er janvier 2019. Laurent Benoudiz, président de l’Ordre des experts-comptables Paris Ile-de-France, revient sur les modalités concrètes de ce « big bang fiscal ».
Pourriez-vous revenir sur les grandes lignes de la réforme de l’imposition qui, à compter de janvier 2019, évoluera vers un système de prélèvement à la source ?
Décidée par François Hollande fin 2016, la réforme consistant à basculer sur un système de prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu a été repoussée par Emmanuel Macron d’une année. La mise en œuvre est donc prévue au 1er janvier 2019, et non au 1er janvier 2018, comme prévu initialement. Ainsi, un contribuable acquittera en 2018 l’impôt sur les revenus perçus en 2017 alors qu’à compter du 1er janvier 2019, l’impôt sur le revenu sera calculé sur le revenu de l’année 2019.
2017, sera-t-elle une « année blanche » ?
Compte tenu du report d’un an, l’année blanche sera l’année 2018 et non l’année 2017. L’année est dite « blanche » car au titre de cette année, un Crédit d’Impôt de Modernisation du Recouvrement (CIMR) sera mis en place et viendra annuler l’impôt dû sur les revenus de l’année 2018 calculée sur les revenus « non-exceptionnels ». Sont notamment visés : les traitements et salaires hors primes exceptionnelles, les revenus fonciers et les rémunérations des chefs d’entreprises dans la limite de la meilleure des rémunérations perçues au titre des années 2015, 2016, 2017 ou encore 2019.
Les revenus exceptionnels seront par contre imposables (plus-values sur la vente d’immeuble ou de titres de société, primes exceptionnelles…). Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin s’est d’ailleurs récemment fendu de cette déclaration : « Une partie des contribuables bénéficieront peut-être d’un petit avantage, mais l’administration fiscale veillera à ce qu’il n’y ait pas de fraude ou d’optimisation trop profonde : si des petits malins, par exemple, ont pour idée de se verser d’énormes dividendes, ce sera rattaché à l’impôt 2019 ».
Comment sera calculé le taux d’imposition ?
Il faut bien comprendre que le calcul de l’impôt ne change pas… seul change le recouvrement de l’impôt par la mise en place sur certains revenus d’un prélèvement à la source et la suppression du décalage d’un an entre la perception du revenu et le paiement de l’impôt. L’impôt est désormais calculé sur le revenu de l’année même. Pour les revenus soumis au prélèvement à la source (traitements et salaires, pensions, indemnités chômage…), le taux de prélèvement sera calculé par rapport aux revenus de l’année précédente. Il faudra toujours déposer une déclaration d’impôt l’année suivante pour ajuster le montant prélevé et bénéficier des éventuelles réductions ou crédits d’impôt qui ne seront, pour leur part, perçus qu’avec une année de décalage.
Pour les salariés, l’entreprise jouera le rôle de percepteur, que faire si je ne veux pas que mon employeur connaisse les revenus de mon foyer ?
L’employeur aura accès uniquement au taux de prélèvement, ce qui ne lui permettra pas de connaître les revenus du foyer. Il est par ailleurs prévu la possibilité d’opter pour un taux neutre qui sera alors calculé uniquement sur les salaires versés par l’employeur. La différence, si le taux est plus faible, fera alors l’objet d’un paiement par prélèvement sur le compte bancaire : l’impôt étant alors acquitté à la fois pour partie sous forme de prélèvement sur la fiche de paie et pour partie par prélèvement sur le compte bancaire.
Quid des revenus autres que salariaux : comment seront déclarées les ressources des travailleurs indépendants, les pensions alimentaires, les revenus fonciers, etc ?
Pour cette typologie de revenus pour lesquels il n’est pas possible de mettre en place une retenue à la source, notamment les revenus des dirigeants non-salariés, les pensions alimentaires ou les revenus fonciers, un acompte égal à un douzième de l’impôt payé l’année précédente sera prélevé chaque mois sur le compte bancaire du contribuable. La régularisation sera faite l’année suivante, en même temps que l’imputation des réductions et des crédits d’impôt. Le versement de cet acompte, bien que calculé sur le revenu de l’année précédente, concernera cependant bien l’impôt sur le revenu de l’année même.
Désormais, le contribuable aura l’obligation de déclarer, dans les 60 jours, via son compte fiscal en ligne, tout changement de situation : divorce, mariage, naissance, chômage… peut-on dans ces conditions parler de « simplification » ?
Le système mis en place n’est pas vraiment une simplification… Il présente cependant un avantage important, outre le fait qu’une année d’impôt sur les revenus non-exceptionnels disparaît en 2018, qui est la « contemporanéité » de l’impôt et du revenu. Un salarié qui perd son emploi en mars, par exemple, n’aura plus d’impôt à payer en avril s’il ne perçoit plus de revenus alors qu’actuellement, il doit continuer à acquitter les impôts qui correspondent à son revenu de l’année précédente. De la même manière, un contribuable qui part à la retraite et qui voit son revenu diminuer fortement aura automatiquement un ajustement de l’impôt l’année de son passage à la retraite sans avoir à payer une année d’impôt en décalage.
Enfin, le système est également sécurisant pour les personnes qui perçoivent des revenus très différents d’une année sur l’autre. Il reste par contre toujours l’obligation de fournir une déclaration d’impôt l’année suivante pour ajuster le montant de l’impôt aux revenus, à la hausse ou à la baisse, et pour bénéficier des réductions et des crédits d’impôts.
De surcroît, comme vous l’avez relevé, il faudra se connecter sur son compte fiscal pour déclarer un changement de situation afin de moduler, l’année même, l’impact de cette évolution sur le montant de l’impôt. Ainsi, une naissance permettra de réduire immédiatement l’impôt de l’année, sans attendre l’année suivante. Nous ne pouvons donc pas parler de « simplification » sur le plan déclaratif, mais en revanche cela est mieux élaboré sur le plan financier puisque les contribuables n’ont plus à gérer ce décalage d’un an entre la perception de leur revenu ou le changement de situation, et le paiement ou l’ajustement de leur impôt.
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