Alors que les mesures sanitaires vont retarder l’ouverture complète des stations de ski, le marché immobilier dans les Alpes confirme son attractivité. Les perspectives de rentabilité sont toujours aussi bonnes à long terme et les investissements pertinents, comme l’explique, en exclusivité à Forbes, Benjamin Berger, directeur associé de l’agence Cimalpes.
Le report de l’ouverture des remontées mécaniques est une nouvelle épreuve pour la montagne française. Comment réagissez-vous aux annonces du gouvernement ?
Benjamin Berger : Cette décision met à l’épreuve tout un écosystème qui doit se réinventer en quelques semaines, voire quelques jours, pour proposer une nouvelle offre. Une offre recentrée sur les valeurs même de la montagne, des activités hors ski qui demandent un réaménagement des ressources et des infrastructures dans un délai très court. Toutefois, la mobilisation et la détermination des acteurs de la montagne, collectivités locales, domaines skiables, hébergeurs, socioprofessionnels est totale pour sauver la saison.
Pour les vacances de Noël, la clientèle va évoluer pour être constituée principalement de propriétaires français qui vont vouloir occuper leur bien, de télétravailleurs urbains et d’une clientèle régionale qui optera pour des destinations de proximité. En cela, elle devrait permettre de maintenir un taux d’occupation élevé sur les semaines d’ouverture et paradoxalement, renforcer le pool de néo-acheteurs, motivés.
La crise de la Covid-19 a-t-elle affecté le secteur de l’immobilier de montagne ?
Benjamin Berger : Le confinement a entraîné de nombreux reports de signature au cours du premier semestre, mais aucune transaction n’a été annulée en raison de la Covid-19 au sein du réseau Cimalpes qui compte 11 agences réparties dans 7 stations (Méribel, Courchevel, Megève, Saint-Martin de Belleville, Val Thorens, Tignes et Megève).
La crise de la Covid-19 a accéléré plusieurs évolutions. C’est vrai au niveau individuel avec des acheteurs qui ont pu, pendant la période de confinement, mûrir l’idée d’un investissement immobilier dans les Alpes françaises. C’est, semble-t-il, vrai au niveau des comportements collectifs pour ce qui est du marché de la location avec la montée en puissance de la tendance du last minute et de l’aspiration à plus de flexibilité, notamment sur les conditions d’annulation.
Et c’est vrai aussi pour le marché de la transaction, qui profite du caractère de valeur refuge de l’immobilier, de conditions avantageuses pour acheter dans le neuf (récupération de la TVA et réduction des frais de notaire) ainsi que d’un déplacement qui devient structurel de la clientèle de l’hôtel ou des résidences de tourisme vers l’offre en chalet ou appartement.
Dans votre dernier rapport, que Forbes a pu consulter en exclusivité, vous mettez en exergue les nouvelles tendances qui soutiennent le marché immobilier de montagne. Quelles sont-elles ?
Benjamin Berger : D’abord, les taux d’intérêt des prêts bancaires sont toujours très incitatifs même si le marché se tend légèrement Néanmoins, les banques, elles, sont contraintes de maîtriser leurs risques face à une situation économique incertaine et durcissent les conditions d’accès aux prêts immobiliers. Le marché est donc à la fois dynamique et tendu.
Ensuite, la fiscalité est toujours attractive grâce au régime de loueur meublé avec service de para-hôtellerie, renforçant les opportunités de diversification des portefeuilles d’actifs. L’immobilier de tourisme, et particulièrement celui de la montagne, séduit de plus en plus d’investisseurs, institutionnels comme particuliers, du fait d’une évolution des programmes proposés, en complète rupture avec le passé. Ces nouveaux programmes font la part belle aux résidences « nouvelle génération » offrant des espaces de bien-être, des surfaces plus grandes, des services para-hôteliers, autant d’évolutions indispensables pour soutenir l’effort des stations pour développer une offre « toutes saisons » et s’affranchir des risques liés au réchauffement climatique.
Cette classe d’actifs est notamment intéressante pour les particuliers investisseurs qui sont attirés par le droit d’occupation personnelle et la récupération de TVA sur l’acquisition permise par la mise en location avec services hôteliers pendant 20 ans : ils peuvent notamment bénéficier de certains avantages en cas d’acquisition via les statuts de loueur de meublé professionnel ou non professionnel (LMP/LMNP).
Pour les clients, le locatif, notamment avec services para-hôteliers, est une solution jugée plus adaptée aux nouvelles exigences sanitaires car elle permet de partir en vacances et de réunir ses proches dans un cadre plus préservé des contraintes et restrictions pesant sur les lieux mêlant les publics, tout en bénéficiant de services tels qu’un chef à domicile ou d’une gouvernante ; le personnel inhérent à la para-hôtellerie étant sujet à des protocoles sanitaires très stricts.
Vous mettez également en exergue la digitalisation et l’intermédiation ?
Benjamin Berger : Oui, parce que la digitalisation du secteur profite au marché de l’immobilier de montagne. Serrures connectées, états des lieux dématérialisés… Le contexte sanitaire accélère la digitalisation des métiers de l’immobilier qui permet aux acteurs capables d’adopter rapidement les innovations technologiques de gagner en productivité et compétitivité. La digitalisation de l’intermédiation a ainsi bouleversé depuis dix ans le marché de la location de vacances.
En effet, un acteur comme Airbnb, qui n’est pas seulement une plateforme de mise en relation entre particuliers, permet de connecter tout ou partie du parc locatif des agences immobilières et donc de générer des flux massifs de réservations instantanément.
L’avènement des proptech permettra également d’accroître la compétitivité du secteur avec des leviers marketing toujours plus prédictifs sur le marché mais également des leviers d’enrichissement de l’expérience client. À terme, le déploiement de ces nouvelles technologies rendra le marché de l’immobilier de montagne encore plus accessible auprès d’une clientèle d’investisseurs et vacanciers locataires souvent éloignée géographiquement.
On note aussi une nouvelle tendance : les locations longues en hiver. Avec la démocratisation du télétravail, cette tendance, d’abord imposée par les mesures gouvernementales, vient s’ancrer progressivement dans la culture d’entreprise et permet aux familles d’étendre leur location d’une ou deux semaines supplémentaires. Phénomène également hérité de la crise sanitaire, les locations de plusieurs mois émanent d’une clientèle de professionnels envisageant de télé travailler en station cet hiver.
La hausse de prix a-t-elle marqué le pas en montagne ?
Benjamin Berger : Pas vraiment. Dans nos stations de références, nous observons, au global, des hausses de prix qui s’échelonnent de 2 % à Courchevel et 3,4 % à Saint-Martin-de-Belleville. Dans le neuf, les prix ont grimpé de 6,5 % à Méribel et 6 % à Megève. Il faut compter entre 22 000 et 28 000 euros le m2 pour un chalet premium dans le neuf à Méribel 20 000 euros du m2 pour de l’ancien rénové. A Megève, les chalet premium neuf trouve preneur à 18 000 euros le m2. Ce qui est remarquable, c’est que cette année, la hausse est portée par les acheteurs français. La demande issue des pays proches – Suisse, Allemagne, Belgique, Pays-Bas – ne cesse également de progresser, compensant largement la relative érosion du marché britannique.
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