En supprimant l’ISF (impôt sur la fortune) pour le recentrer exclusivement sur l’immobilier avec l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), le gouvernement a décidé de traquer la « rente immobilière ». Voilà comment il compte s’y prendre.
En 2018, L’IFI a rapporté 1,25 milliard d’euros, c’est 400 millions d’euros de plus que prévu. Il faut dire que beaucoup de contribuables ont été pris de court en 2018.
Cette année, la déclaration de l’IFI se fait en même temps que la déclaration annuelle de revenus. Il vous reste donc quelques mois pour évaluer et optimiser votre patrimoine immobilier.
Pour mémoire, l’IFI concerne tous les détenteurs d’un patrimoine immobilier supérieur à 1,3 million d’euros, qu’il soit en dur ou sous forme de droits. Parts de SCI (Société civile immobilière), actions, fonds, SCPI (société civile de placement immobilier), OPCI (Organisme de placement collectif immobilier) entrent donc dans le calcul. Les biens sont taxables même lorsqu’ils sont détenus dans un contrat d’assurance-vie.
Pour la résidence principale, un abattement de 30 % est appliqué sur sa valeur vénale réelle, souvent défini comme « le prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel ».
Reste à bien évaluer cette valeur. Car si les contribuables sont libres de leur évaluation, ils sont soumis à un contrôle attentif du fisc qui dispose pour cela de puissants outils de traque.
D’abord, il faut savoir que l’administration et les tribunaux considèrent que la seule méthode fiable est l’évaluation par comparaison. Elle consiste pour vous à procéder à des comparaisons « tirées de la cession de biens intrinsèquement similaires en fait et en droit ».
Cette méthode consiste à rechercher des ventes de biens identiques et d’évaluer le sien en comparaison. Si dans votre immeuble, un bien situé au 1er étage s’est vendu autour de 10 000 euros du m2, un appartement identique, mais au 4e, sera évalué 15 % de plus. Toute décote ou surcote par rapport à des biens équivalents doit être justifiée.
Vous pouvez, bien sûr, consulter un professionnel de l’immobilier (agents, notaires, ou une plate-forme numérique type MeilleursAgent ou Seloger). Si vous appliquez une décote à ces estimations souvent un peu hautes, sachez qu’une marge d’erreur d’environ 10 % est tolérée.
Une base de données, officielle, Patrim, recense toutes les transactions effectuées à proximité de votre bien. Elle sert de base au fisc pour évaluer votre bien. Vous pouvez également y accéder très simplement par internet, mais pas de façon anonyme. Ce qui veut dire que le fisc est informé de votre recherche. En cas de rectification pour mauvaise évaluation du patrimoine, il pourra donc vous l’opposer.
Une fois cette valeur vénale fixée, vous pouvez y appliquer l’abattement de 30 % sur la résidence principale, accordé de droit, et procéder à quelques déductions, notamment des dettes souscrites pour acheter le bien. Mais attention, seuls les prêts relatifs à l’acquisition ou aux travaux et la seule taxe foncière sont déductibles. Ce n’est pas le cas de taxe d’habitation, ni de l’impôt sur le revenu. La mise en place de l’IFI s’est accompagnée de la mise en œuvre de plusieurs clauses anti-abus, comme la prise en compte des prêts in fine, c’est-à-dire remboursables en totalité à la fin du prêt, comme s’ils étaient des prêts classiques amortissables.
En cas de sous-évaluation ou d’absence de déclaration d’un patrimoine supérieur à 1,3 million, gare aux sanctions. Un logiciel conçu par une cellule de data mining de Bercy, baptisée Mission requêtes et valorisation (MRV) et composée de 22 informaticiens de haut vol, veille au grain. Depuis 2017, les infos des 37 millions de foyers contribuables y ont été agrégées (fiscales, bancaires, épargne, immobilier, données Urssaf, CAF, Sécurité sociale…). Et, depuis un an, les algorithmes tournent à plein régime pour détecter les « anomalies ». La cellule MRV envoie chaque trimestre des milliers de dossiers dans les services locaux, en pointant ce qui a fait tiquer la machine.
Et pour affiner encore sa « connaissance » des dossiers, le fisc démarre aussi l’espionnage automatisé des réseaux sociaux. Les contrôleurs consultent donc en permanence les comptes publics Facebook, Instagram ou Twitter des contribuables « étourdis », à l’affût d’infos sur leur train de vie ou leur domiciliation réelle, dans le cas d’un doute sur la réalité d’une résidence principale, par exemple. Les plates-formes collaboratives, comme Airbnb ou Le bon coin, sont également dans le prisme du fisc pour identifier vos résidences secondaires et les revenus fiscaux y afférant.
Mais le fisc utilise également un outil bien plus redoutable pour évaluer votre patrimoine immobilier. Google Maps, le système de localisation de Google. À Marmande, une ville du Lot-et-Garonne, il a ainsi pu traquer 300 contribuables de la commune qui n’avaient pas déclaré l’existence de leur piscine. Et ce, tout simplement grâce aux vues aériennes de Google Maps, outil de cartographie gratuit sur internet.
Pour éviter ce genre de déconvenues, vous pouvez faire flouter votre photo sur Google Maps.
En revanche, le fisc ne peut pas, pour l’instant, vous débusquer à l’aide d’un drone. « Filmer le jardin d’un contribuable au moyen d’un drone peut être considéré « comme une ingérence dans la vie privée », assure le gouvernement.
La réponse est catégorique mais elle n’écarte pas l’utilisation de drone à fins fiscales dans d’autres circonstances qui ne seraient pas attentatoires aux libertés. L’Espagne et la Suisse les utilisent depuis plusieurs années. Le ministère des Finances espagnol met en avant que pour un euro investi dans la surveillance par drones, 16 euros sont récupérés via l’impôt sur les biens immobiliers.
Voilà un chiffre qui ne devrait pas laisser insensible notre gouvernement en quête d’efficacité fiscale.
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