L’immobilier peut-il continuer à jouer son rôle de valeur refuge dans un monde secoué par la pandémie de coronavirus ? Le marché va-t-il se figer, voire s’effondrer ? Peut-on poursuivre son projet immobilier pendant le confinement ? Réponses des experts du marché immobilier.
1) Les prix de l’immobilier peuvent-ils s’effondrer ?
Pour Jean-Marc Torrollion, le président de la Fnaim (fédération nationale des agents immobiliers), cela dépendra de la rapidité d’ajustement du marché. Dans une interview à Capital, il explique que « si les retraits des offres correspondent à l’apathie de la demande des acheteurs, je ne crois pas à l’effondrement des prix. Et certainement pas à une baisse dans le sens éclatement d’une bulle. Historiquement, en période de crise comme nous avons connu en 2007, mais aussi en 2001 et au début des années 90, nous avons rarement vu une surabondance d’offres par rapport à la demande. C’est pourquoi l’effondrement des prix n’est pas le scénario que je privilégierais. »
2) Quel sera l’impact du coronavirus sur le marché immobilier ?
« On devrait connaître une crise comparable à celle de 2012-2013 avec une correction des prix de 10% à 15% », explique de son côté Jean-François Humbert, président du Conseil supérieur du notariat, dans un entretien donné au Parisien. A l’origine de cette potentielle chute : la baisse brutale des transactions à cause, d’une part, du confinement des acheteurs et des vendeurs mais aussi des professionnels du secteur. Les agences immobilières ont en effet dû fermer leurs portes et stopper les visites de logements. Terminés également les déplacements à domicile pour évaluer le prix d’un bien ou prendre des photos.
3) Comment évoluent les taux de crédit immobilier ?
D’après Ludovic Huzieux, co-fondateur d’Artémis courtage, seules quelques banques ont, pour l’heure, décidé d’augmenter leur taux de 0,2% à 0,4%. « La semaine dernière, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une série de mesures destinées à rassurer les marchés financiers. L’obligation assimilable au trésor (OAT) à 10 ans, qui représente l’indice de référence de l’évolution des taux, est ainsi passée en quelques jours de -0,32% à +0,30% pour retomber à +0,10 %. Dans ce contexte extrêmement chahuté, notre intuition est que les taux de crédit immobilier devraient néanmoins rester stables dans les prochaines semaines, même si des soubresauts sont à prévoir » explique t-il.
4) Est-il toujours possible de visiter des biens ?
Non. Les agences immobilières et études notariales sont fermées jusqu’à nouvel ordre. Même si les urgences et les dossiers en cours continuent d’être traités par mails ou par téléphone, l’activité est pour l’instant au point mort. « Lorsque le bien à vendre est vide, il peut toutefois être organisé une visite à distance par l’agent immobilier, mais cela reste très à la marge, explique Philippe Buyens, directeur général du réseau Capifrance. Grâce à la digitalisation des métiers de l’immobilier, la machine n’est pas totalement à l’arrêt. Ce 19 mars, nous avons pu signer une offre d’achat électronique. »
5) Les projets dans le neuf sont-ils à l’arrêt ?
Selon Alexandra François-Cuxac, la présidente de la fédération des promoteurs immobiliers (FPI), citée dans la Tribune, « Les entreprises ont progressivement arrêté les chantiers en raison du confinement et pour prendre la mesure et le temps de s’adapter aux contexte sanitaire et permettre la mise en œuvre des gestes barrières. En quelques jours, 80% des chantiers de logements collectifs ou de maisons groupées ont été stoppés. »
La présidente de rappeler que la signature d’actes notariés en vente état futur d’achèvement (VEFA), spécifique au logement neuf, a également considérablement ralenti depuis le confinement. « Les études notariales ne pouvant plus recevoir du public, nous nous attachons aux côtés du Conseil supérieur du notariat (CSN) à obtenir la modification du décret de 1971 afin de permettre la dématérialisation des actes. Même si les cadastres ont été numérisés, les services de publicité foncière, d’urbanisme ou encore des domaines sont fermés au public. Il reste beaucoup de chemin à parcourir pour maintenir les fonctions vitales de notre pays. Par exemple, toutes les communes devraient pouvoir, grâce au numérique, poursuivre l’instruction des permis de construire pour éviter de prendre trop de retard. »
A noter qu’une ordonnance du gouvernement concerne les permis de construire, puisqu’elle prolonge la validité des autorisations administratives qui auraient expiré pendant l’état d’urgence. Les « autorisations, permis et agréments (…) sont proro(gés) de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période », donc jusqu’à fin juillet, détaille l’ordonnance.
6) Les banques acceptent-elles encore de financer des dossiers ?
Rarement, la majorité d’entre-elles n’acceptent plus de nouvelles demandes pour traiter en priorité les dossiers de prêts en cours par ordre d’arrivée. De plus, leurs délais de réponses sont désormais rallongés puisqu’elles doivent faire face à une réduction de leurs effectifs.
Ceux qui ont un projet d’achat en cours doivent rallonger au maximum le délai de la condition suspensive pour l’obtention du prêt. Même recommandation pour la promesse de vente. Mais il faut en faire la demande à son notaire.
Enfin concernant l’assurance emprunteur, le coronavirus n’est pas une clause d’exclusion pour l’assurance emprunteur. A date, le Covid-19 est pris en charge normalement par nos contrats d’assurance emprunteur. Il n’existe pas d’exclusion liée au risque de pandémie.
7) Peut-on suspendre le paiement de son crédit immobilier ?
Une telle mesure n’est pas l’ordre du jour en France pour l’instant. Le pouvoir d’achat des ménages est déjà “préservé”, a répondu vendredi 20 mars le gouverneur de la Banque de France. “Les ménages aujourd’hui sont en situation de pouvoir d’achat préservé à travers heureusement la prise en charge de leur rémunération via notamment le chômage technique”, a déclaré François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, sur BFM Business.
« Si l’on anticipe une baisse de revenus (indépendant, micro-entrepreneur, professions libérales, chômage partiel…), il est tout à fait possible de mettre en pause le paiement de ses mensualités. Ce report est habituellement autorisé à partir de 12 ou 24 mois de remboursements et peut concerner jusqu’à douze mensualités maximum. Cette clause est prévue dans les conditions générales de vente du contrat du prêt, complète Ludovic Huzieux, co-fondateur d’Artémis courtage
Cependant, certaines banques sont aujourd’hui plus souples et proposent de suspendre le remboursement des mensualités sans aucune condition. Il suffit de contacter sa banque pour en faire la demande. Cette démarche est gratuite mais il faudra payer néanmoins des intérêts supplémentaires liés au report des mensualités. Par exemple, j’ai contracté un emprunt de 300 000 euros sur 20 ans au taux de 1% (hors assurance) et je souhaite suspendre mes échéances pendant deux mois, le surcoût s’élèvera à 568 euros.
Il est aussi possible de moduler à la baisse le montant de ses échéances. Chaque banque fixe habituellement ses propres conditions (la clause de modulation peut être utilisée seulement après 12 voire 24 mois de remboursement, la baisse ne doit pas excéder 30% de la mensualité à concurrence d’un rallongement maximum de deux années le plus souvent…). Cependant, dans ce contexte inédit, certaines banques proposent de moduler les mensualités sans la condition de départ. Cet aménagement entraîne un rallongement de la durée du prêt et des frais de dossiers peuvent être facturés.
La prime d’assurance mensuelle reste due pendant toute la période de report des échéances. Cela pour continuer à couvrir l’emprunteur en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité de travail.
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