Il y a près d’un quart de siècle, le milliardaire George Soros, célèbre financier américain, avait causé la première chute contemporaine de la livre sterling à cause d’une légendaire transaction effectuée le mercredi 16 septembre 1992. Le « Black Wednesday » – son nom de baptême – causé par l’homme qui a connu l’occupation nazie en Hongrie, a engendré une dévaluation brutale de la devise britannique mais a ouvert la voie à une ère de croissance pour la Grande-Bretagne.
Georges Soros avait porté l’attention sur les répercussions de ce qu’on appelle le « Brexit » après le vote de ce vendredi 24 juin sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. La livre sterling allait subir un choc sans création de valeurs et déboucherait, ce vendredi, sur un « Black Friday ».
The Brexit crash will make Britain poorer. https://t.co/NnEngSsnwP
— George Soros (@georgesoros) June 21, 2016
Dans un papier publié ce lundi 20 juin 2016 dans le journal britannique The Guardian quatre jours avant le résultat d’un scrutin historique, George Soros, qui affiche une fortune estimée à 24,9 milliards de dollars selon Forbes, affirme que le vote en faveur d’un sortie de l’UE causerait une dévaluation de 15 % du livre, mettant la devise « au pair » vis-à-vis du dollar comparé à l’euro.
Tout d’abord, George Soros relève que ce sont les différentes politiques monétaires utilisées par la banque d’Angleterre (BoE) qui permettent de contrebalancer la baisse de valeur des actifs tels que les biens fonciers ou les stocks, les pertes d’emploi; qui expliqueraient les causes d’un vote pour le « Leave ». Après tout, les taux d’intérêt sont restés proche de zéro, ce qui signifie qu’il n’existe aucun moyen pour la BoE de se retrouver avec des banques britanniques qui ne pratiquent pas des taux négatifs.
D’autre part, la Grande-Bretagne est vulnérable face aux fluctuations des capitaux étrangers causés par le déficit des comptes courants, et le Brexit engendrerait une fuite des capitaux. La dévaluation des années 1990 fut stimulée par une surtension des exportations manufacturières – mais George Soros pense que les échanges commerciaux seront impactés par une complication des procédures d’embauche, ainsi que de l’utilisation du capital d’investissement, à la suite du vote pour la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE.
Les « Brexiters » eux-mêmes reconnaissent qu’une dévaluation accentuée serait inévitable après le Brexit, mais ils mettent en avant l’argument d’un assainissement, malgré les énormes pertes en termes de pouvoir d’achat pour les consommateurs britanniques. En 1992, la dévaluation avait démontré qu’elle pouvait grandement aider l’économie britannique, et un hommage m’a été rendu pour mon rôle qui a permis de mettre un terme à tout ça.
Mais je ne pense pas que l’expérience de 1992 se répétera. Cette dévaluation a assaini l’économie britannique parce que le gouvernement avait surévalué la livre avec de forts dommages sur les taux d’intérêt après la rupture du mécanisme des taux de change. Pour ces trois raisons, une large dévaluation pourrait s’avérer plus bénigne de nos jours qu’en 1992.
George Soros
Extrait du papier publié ce lundi 20 juin 2016 dans le journal britannique The Guardian
Retour aux affaires
L’homme d’affaires âgé de 85 ans refait surface depuis quelques mois après une longue période de semi-retraite pour avertir des méfaits des spéculateurs, comme lui. Il avait remporté des milliards de dollars dans les années 1990 grâce à un pari sur les effets de levier sur la devise américaine face au livre. George Soros misait sur l’incapacité de la BoE de faire face à la surévaluation de la devise britannique. Cette compréhension du marché, dit George Soros, pourrait provoquer un impact plus important à présent.
Aujourd’hui, nous sommes en présence de forces spéculatives plus grosses et dotées davantage de puissance au sein du marché. Et ils seront désireux d’exploiter toute erreur de projection effectuée par le gouvernement britannique et les citoyens appelés aux urnes. Un vote pro-Brexit permettra à des individus de devenir très riches – mais les électeurs britanniques se retrouveraient extrêmement appauvris.
George Soros
Extrait du papier publié ce lundi 20 juin 2016 dans le journal britannique The Guardian
En un mot, George Soros espère qu’un Brexit pourra placer la livre à 1,15 dollar, soir une chute de 30 % de la valeur pré-référendum.
Adaptation par Florent Motey de l’article « George Soros Says Brace For « Black Friday » If Brexit Vote Succeeds » rédigé par Antoine Gara, journaliste pour Forbes US.
Les répercussions enregistrées en ce vendredi 24 juin 2016 se rapprochent des prédictions formulées en début de semaine par l’américano-hongrois George Soros. La devise britannique connaît un plongeon de 12 % de 1,5 à 1,32 dollar, avant de redresser la barre en fin de séance pour finir à 1,37 dollar. Cette variation est la plus forte subie par la livre sterling au cours d’une journée de séance. La livre avait subi ses plus fortes chutes au cours du crack de 1992 avec une baisse de 3,35 % le 9 janvier puis une seconde chute de 4 % le 16 septembre. Ce krash faisait suite à la sortie du système monétaire européen. La grande crise de 2008 a engendré quatre des dix plus fortes chutes quotidiennes vécues en Grande-Bretagne, avec des reculs compris entre 1,6 % et 3,4 %. La devise a perdu 13 % sur les dix-sept mois qui ont suivi les précédents grands chocs pour la Grande-Bretagne et la livre. La Deutsche Bank anticipe un recul jusqu’à 1,15 dollar de la livre d’ici la fin de l’année 2016, contre un même niveau établi en 2017 lors des prévisions réalisées avant le résultat du référendum britannique. La banque britannique HSBC estime de son côté qu’un niveau de 1,20 dollars sera atteint d’ici fin 2016. La parité dollar-livre sterling pourrait être atteint à horizon 2020-2022 si le pays continue de s’engluer dans la récession au cours des prochaines années. Plan d’urgence de 250 milliards de livres Les plus grosses places boursières connaissent non pas un « Black friday » mais un « Bloody friday ». La victoire du camp des « Leave » se précise lorsque la séance de la bourse de Tokyo touche à sa fin. L’indice Nikkei accuse une chute à 7,92 %. Une dégringolade jamais observée depuis la crise de 2008 et la chute de Lehman Brothers. Les marchés européens subiront un sort similaire à l’ouverture : à Londres pour le FTSE comme pour le DAX à Francfort, une baisse de 10 % est enregistrée, engendrée par la chute des indices bancaires. Le marché bancaire subit les plus grosses répercussions du sacre du « Leave ». Les valeurs du Royal Bank of Scotland (RBS), la Barclays et Lloyds Banking Group chutent de près de 30 % à Londres. Les banques allemandes, telles que la Deutsche Bank, dégringole de 17 % dès l’ouverture. BNP Paribas et la Société Générale, deux des « Trois Vieilles » banques historiques du système bancaire hexagonal avec LCL, s’écroulent respectivement de 16 % et… 25 %. Le choix fait par une majorité de Britanniques de sortir du club des Vingt-Huit – une première depuis la création originelle des « Six » en 1957 – entraînerait, à moyen terme, une sortie de l’Union bancaire européenne, fatale aux établissements anglo-saxons. RBS, HSBC ou consorts risquent de perdre leur « passeport européen » qui leur permet aujourd’hui de solder leurs produits financiers sur le Vieux continent. En milieu de matinée, une information avance que les responsables de la Banque d’Angleterre serait disposée à assouplir drastiquement sa politique court terme. Une « plan d’urgence » est évoquée, avec l’injection de 250 milliards de livres de liquidités supplémentaires. Au même moment, David Cameron annonce qu’il quittait son poste de Premier ministre. « Je ne pense pas qu’il soit bénéfique que je sois le capitaine qui dirige notre pays vers sa nouvelle destination », proclame l’homme fort du camp conservateur arrivé le 11 mai 2010 au 10 Downing Street. David Cameron affirme qu’il assumera la transition avant la nomination d’un nouveau leader issu de son camp politique. L’ancien maire de Londres Boris Johnson, encarté du parti conservateur et qui a mené une campagne pro-Brexit, est favori pour récupérer cette place de chef du gouvernement britannique au plus tard en octobre 2016.
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