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Future of Money | Super Micro : quand l’IA ne suffit pas à masquer des failles financières

Close-up Portrait of man Working on Computer. Сhart Reflecting in Glasses. Data Analytics Statistics Information Business Technology.

Super Micro Computer Inc. (SMCI), autrefois célébrée comme une étoile montante de l’ère de l’intelligence artificielle (IA), a vu sa valorisation boursière s’effondrer de manière spectaculaire en 2024. Avec une chute de 50 milliards de dollars, l’entreprise californienne, spécialisée dans la fabrication de serveurs pour le cloud computing et l’IA, a vu son cours revenir aux niveaux du début de l’année, anéantissant ainsi les gains réalisés lors de sa montée en flèche. Derrière cette débâcle se cache un mélange de scandales financiers, de doutes sur la gouvernance et de pressions internes qui rappellent aux investisseurs que l’innovation technologique ne peut pas tout compenser.

Un succès dopé par l’IA, mais des fondations instables

À la fin de 2023 et au début de 2024, Super Micro surfait sur une vague d’enthousiasme liée à l’intelligence artificielle. L’entreprise s’était rapidement imposée comme un fournisseur essentiel de solutions de serveurs haute performance, alimentés par des puces Nvidia, pour les besoins des géants de la technologie comme Tesla. Alors que l’IA s’imposait comme la prochaine grande transformation technologique, Super Micro semblait être à la bonne place au bon moment. Les attentes des marchés étaient élevées, et l’entreprise ne décevait pas : ses résultats du premier trimestre 2024 ont surpassé les prévisions grâce à une demande en plein essor pour ses serveurs optimisés pour les applications d’IA.

En mars, l’inclusion de Super Micro dans l’indice S&P 500 a encore amplifié cet engouement. Les investisseurs y voyaient une validation de la solidité de l’entreprise et de son potentiel de croissance. Le cours de l’action a grimpé en flèche, atteignant un sommet historique de 119 dollars, valorisant la société à près de 70 milliards de dollars. Cette ascension rapide a été alimentée par un optimisme généralisé autour des technologies IA et des opportunités lucratives qu’elles offraient.

Cependant, cette montée en puissance masquait des signes avant-coureurs de problèmes plus profonds. L’entreprise, bien que leader dans un secteur en pleine expansion, n’avait pas les fondations financières solides nécessaires pour soutenir une telle croissance. La gouvernance d’entreprise, souvent reléguée au second plan lorsque les profits explosent, s’est avérée être une faiblesse majeure. Ce manque de rigueur a fini par rattraper Super Micro, révélant des pratiques douteuses et des manquements inquiétants qui auraient dû alerter bien plus tôt.

Le rapport de Hindenburg Research, publié en août 2024, a exposé ces failles au grand jour. Les révélations incluaient des transactions non divulguées avec des parties liées, des irrégularités dans la gestion des contrôles à l’exportation et des suspicions de manquements aux sanctions internationales. Ces accusations ont mis en lumière la fragilité de la structure de gouvernance de Super Micro et ont gravement entamé la confiance des investisseurs, qui se sont alors retrouvés face à la réalité d’un géant aux pieds d’argile.

La chute libre : un cocktail de scandales financiers et de perte de confiance

L’annonce de la démission d’Ernst & Young (EY) en octobre 2024 a marqué le point de bascule. Cet événement est loin d’être anodin : EY, l’une des firmes comptables les plus respectées au monde, venait tout juste de remplacer Deloitte comme auditeur de Super Micro en mars 2023. Dans une déclaration qui a secoué le monde des affaires, EY a expliqué qu’elle ne voulait plus « être associée aux états financiers préparés par la direction », évoquant des préoccupations majeures concernant l’intégrité des rapports financiers. Pour les marchés, c’était un signal d’alarme qui ne pouvait être ignoré.

La panique a été amplifiée par les mouvements des analystes financiers. Plusieurs grandes institutions ont suspendu leur évaluation de l’action SMCI en raison de l’incertitude autour de sa gestion financière et de la crédibilité de ses états financiers. L’une des annonces les plus marquantes est venue de firmes qui, auparavant, voyaient en Super Micro un leader du secteur de l’IA. Leur décision de suspendre la couverture de l’action montre à quel point le marché est devenu méfiant, et cela a contribué à la chute encore plus abrupte de l’action.

La chute de 44 % du cours en une seule semaine, ramenant l’action à 29,11 dollars, n’a pas seulement détruit de la valeur actionnariale ; elle a aussi exposé Super Micro à de nouvelles menaces. L’entreprise doit rapidement trouver un nouvel auditeur pour se conformer aux exigences de cotation du Nasdaq, ou risquer la radiation. Cela met une pression immense sur une société déjà en difficulté, alors qu’elle lutte pour rassurer ses investisseurs et stabiliser ses opérations.

Cette situation critique souligne la fragilité des entreprises dont la croissance est alimentée par des technologies à fort potentiel. Les spéculations massives et les attentes démesurées ne peuvent masquer l’importance d’une gouvernance d’entreprise solide et d’une transparence financière irréprochable. Dans le cas de Super Micro, la confiance érodée des investisseurs s’accompagne d’une remise en question de la viabilité de l’entreprise dans le long terme.

Le plongeon de Super Micro est un avertissement cinglant pour tout le secteur technologique : même les entreprises les plus prometteuses ne sont pas à l’abri des conséquences d’une mauvaise gestion. L’innovation et le potentiel de croissance rapide ne suffisent pas à compenser des faiblesses structurelles et des pratiques financières douteuses. Alors que Super Micro se démène pour trouver un nouvel auditeur et restaurer sa crédibilité, l’avenir reste incertain.

Ce cas soulève des questions fondamentales sur la manière dont les marchés valorisent les entreprises technologiques en plein essor. Les leçons à tirer sont nombreuses, mais la plus importante reste celle de la prudence : même dans l’univers effervescent de l’IA, le succès doit être construit sur des bases financières et éthiques solides. Super Micro peut-elle se relever de cette crise, ou son parcours servira-t-il d’exemple pour d’autres entreprises du secteur ? Le temps nous le dira, mais les investisseurs sont désormais en état d’alerte.


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