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Frédéric Laurent, Directeur général délégué du groupe Arkéa : « Les concurrents de demain ne sont pas les fintech mais les Gafa »

Frederic Laurent CMA
Frederic Laurent CMA

FINTECH | Le Crédit Mutuel Arkéa vient d’annoncer son désengagement dans plusieurs de ses fintech (Budget Insight ou encore Leetchi et Mangopay) au profit de fonds d’investissement américains. Frédéric Laurent, Directeur Général délégué du groupe, a accepté cet entretien pour nous en dire plus sur son positionnement face au monde de la fintech et ses ambitions pour l’avenir de l’écosystème bancaire européen.

 

Quel est votre rôle au sein de Crédit Mutuel Arkéa ?

Frédéric Laurent : Je suis Directeur du pôle clientèle retail qui regroupe le Crédit Mutuel de Bretagne et le Crédit Mutuel du Sud-Ouest qui couvrent 7 départements français, les banques en ligne Fortuneo et Keytrade, les fintechs Aumax pour moi et Budget Insight,. Cette fonction intègre donc une veille sur le monde des fintech et la recherche de services porteurs.

Pour suivre la cadence de la plateformisation, nous avons en parallèle lancé nos propres fintech, à l’image de notre filiale Aumax pour moi. Nous pouvons ainsi mieux identifier les nouveaux usages bancaires à privilégier dans nos services.

En plus d’être un établissement de paiement à part entière, la fintech brestoise propose une myriade de services comme Grisbee, pour prendre les bonnes décisions financières en matière de gestion de patrimoine, Mon Petit Placement sur la gestion de portefeuille d’investissements ou encore un service de conciergerie. Dernièrement, un partenariat a été signé avec l’association Pure Ocean pour reverser des “cashback” (remises et promotions de partenaires) à la recherche sur la préservation des océans.

 


Les Gafa veulent transformer les services bancaires en simples commodités. Tout l’enjeu pour l’industrie bancaire est justement de ne pas perdre le contact avec son client


 

Estimez-vous que nous sommes toujours dans une situation de concurrence classique entre acteurs traditionnels et fintech ?

Avec l’avènement d’Internet et la crise de confiance envers l’industrie bancaire, plusieurs fintech ont décollé sur des niches et ont bouleversé certains usages. Ces entreprises nées avec la vague de l’open banking offrent une expérience fluide et qui répond aux nouvelles attentes des consommateurs.

Nous entretenons une relation de longue date avec le monde des fintech. Nous sommes plutôt précurseurs sur l’idée de considérer cette “concurrence” comme des talents à part entière qui peuvent nous faire avancer.

C’est d’ailleurs la position qui est la plus partagée par la majeure partie de la profession à ce jour et nous sommes ouverts à l’idée de collaborer avec plus de start-up pour continuer de s’enrichir mutuellement. La banque franchit une nouvelle étape pour faire en sorte d’avoir toujours un coup d’avance sur les évolutions du secteur.

Ces dernières années, nous avons aussi entendu parler de nouveaux services bancaires de la part des géants de la tech, à l’image des projets de compte courant d’Amazon et Google…

Oui, et je tiens à rappeler que, pour nous, les concurrents de demain ne sont pas les fintech mais les Gafa. En se renforçant avec les fintech, nous pouvons justement retarder l’arrivée des géants technologiques dans notre périmètre ; avec la vague de désintermédiation et de récolte de données comportementales qui s’en suivent.

Les Gafa veulent transformer les services bancaires en simples commodités. Tout l’enjeu pour l’industrie bancaire est justement de ne pas perdre le contact avec son client. Il est donc nécessaire de mieux collaborer entre nous pour imaginer la distribution bancaire de demain.

Pendant de nombreuses années, l’Espagne avait un coup d’avance en matière d’innovation sur les services bancaires numériques mais la France rattrape aujourd’hui son retard. Si l’Europe continue sur cette lancée, je ne suis pas trop inquiet pour l’avenir du secteur.

Pourquoi avoir décidé de vous désengager de certaines de vos pépites ?

Prenons l’exemple de notre acquisition en 2019 de Budget Insight, un fleuron domestique de l’agrégation de comptes. Nous sentions que ce cas d’usage allait se développer et Budget Insight nous a permis d’être plus agile et d’aller plus vite sur l’open banking.

Au niveau du marché européen, le plus gros concurrent de Budget Insight est Tink, une plateforme d’open banking qui vient tout juste d’être intégrée à Visa. Nous n’avions pas le savoir pour développer Budget Insight à l’international. C’est pourquoi nous avons cédé la majorité des parts de Budget Insight, pour en conserver plus de 40%, au fonds américain de growth equity PSG, avec lequel nous partageons la même vision du marché et de son avenir.

Nous avions besoin d’un nouvel actionnaire qui puisse porter l’ambition de Budget Insight de partir à l’international pour devenir un leader européen. C’est d’autant plus important pour une fintech concentrée sur une niche de scaler à l’échelle mondiale.

A-t-on besoin davantage de fédérer les écosystèmes européens de l’assurance ?

Je suivais l’initiative “European Payments Initiative” mais aux dernières nouvelles, elle a un peu de mal à se renforcer. Il est vrai qu’en matière de flux financiers, avoir un réseau domestique à l’échelle de l’Europe a du sens. En revanche, toutes les banques sont contentes de ce qu’elles ont et sont parfois plus frileuses sur la mise en commun. Cela changerait sûrement si l’Europe était davantage maître de ses propres flux.

Ce qui permettra aux banques françaises et européennes de se différencier pourrait se jouer sur le terrain de la finance à impact. C’est d’ailleurs en ce sens que nous devrions devenir officiellement une “société à mission” dans quelques jours.

 

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