L’usine à innover Finleap arrive France avec une forte volonté de transformer et bousculer le secteur des services financiers. Nicolas Montes-Edwards, le dirigeant de la structure en France nous présente sa vision et ses ambitions.
Quelle est votre vision de l’innovation dans le secteur financier en Europe ?
Le secteur financier est globalement parti en retard. Netflix, Uber, Tesla ou Amazon ont révolutionné leurs secteurs mais nous tardons à voir émerger des géants du digital dans le secteur financier. Une des principales raisons est la barrière à l’entrée que représente l’environnement réglementaire dans les services financiers. Mais les principales fintechs européennes sont en train de surmonter ce challenge et l’Europe de devenir une zone fertile en termes d’innovations financières. La taille des récentes levées de fonds des champions européens de la fintech en sont une bonne illustration et témoigne d’ambitions mondiales. Mais il ne faut pas croire que les gagnants de la révolution digitale du secteur financier ne seront que des fintechs. Des acteurs plus traditionnels vont réussir leur transformation. Par exemple, Goldman Sachs se considère de plus en plus comme un acteur technologique plutôt que comme une banque traditionnelle. Leur banque digitale Marcus est un vrai succès. Au cours des 5 à 10 prochaines années, il va donc y avoir des gagnants et des perdants des 2 côtés, acteurs traditionnels comme fintechs.
Beaucoup d’acteurs traditionnels bancaires et assurantiels ont encore un business model « universel » : ils sont producteurs, distributeurs, infrastructures, etc. Cela va devenir de plus en plus difficile de maintenir ce modèle. Il est indispensable de se poser la question « sur quelle activité ai-je un avantage différenciant ? ». Cela est très différent de la traditionnelle question « quelles sont mes activités rentables ? ». Si on décide de rester distributeur de produits financiers, est-on armé pour faire face à Amazon demain ? Cela va donc bien au-delà du simple sujet du « legacy IT » (l’infrastructure dépassée des banques qui freine leur innovation), souvent évoqué comme principal problème des banques dans leur quête de digitalisation.
De même, avoir une approche coopérative avec le secteur de la fintech, souvent appelée « Open Banking », sera déterminant pour être un champion de demain. Les banques et assurances françaises sont en bonne santé et équipées de beaucoup de matière grise. Elles ont cru pendant longtemps qu’elles pouvaient générer de l’innovation seules. Or l’innovation, c’est bien plus qu’avoir de bons ingénieurs à disposition. Elles en font aujourd’hui le constat et modifient leurs approches, poussant de multiples initiatives : intrapreunariat, corporate VC, acquisitions de start-ups, start-up studio, etc. Finleap et son écosystème s’inscrivent exactement dans ce constat : avoir des idées innovantes est un bon début mais l’exécution de ces idées est clé. En 5 ans d’existence, Finleap a su créer de nombreuses fintechs à succès et ainsi démontrer son savoir-faire en termes d’exécution de l’innovation. Nous sommes d’ailleurs de plus en plus sollicités par des grands groupes pour co-créer ou les accompagner dans leurs démarches d’innovation.
Quel est le rôle d’une usine à Fintech comme Finleap ?
Nous avons créé 17 fintechs à ce jour, avec un rythme d’environ 3 nouvelles sociétés par an. Nous ne sommes ni un incubateur, ni vraiment un start-up studio. Nous avons, en général, les idées. Nous allons faire une analyse approfondie de ces idées et, pour celles retenues, rechercher un fondateur qui prendra la tête de la société portant l’idée retenue. La société s’insérera généralement dans notre écosystème et nous allons lui fournir beaucoup de moyens : du capital (en quantité bien supérieure à celui généralement fourni par les start-up studios), des talents (nous avons plus de 20 recruteurs), un savoir-faire, de la technologie, etc. Autre élément différenciant, nous pouvons faire du M&A. Nous avons commencé à Berlin et nous nous internationalisons avec Milan, Paris et Madrid.
Mails il ne faut pas limiter Finleap à son rôle de constructeur de fintechs. Nous avons d’ailleurs récemment organisé la société en 3 divisions pour bien illustrer cette large proposition, celle du plus important écosystème de fintech en Europe. La division A, ou « Finleap Assets », gère notre portefeuille de sociétés. La division B, ou « Finleap Build », créée des sociétés. La division C, ou « Finleap Connect », est l’interface de connexion entre les acteurs économiques et l’écosystème Finleap.
C’est une proposition assez unique. D’abord parce qu’elle dispose de 4 licences : banque, assurance, gestion d’actifs et DSP2. Ensuite, car le champ de compétence est extrêmement vaste et modulaire : néo-banque, assurance contextuelle, cyber-sécurité pour les PME, recouvrement de créances aidé par des outils d’intelligence artificielle, digitalisation du private banking, etc. Enfin, car nous travaillons aussi bien avec des banques, des assureurs, qu’avec des industriels ou des start-ups.
Cette proposition a tout de suite trouvé de l’écho en Asie, qui est plus familière avec ce concept d’écosystème d’innovation financière. Nous avons ainsi de nombreux actionnaires asiatiques, comme par exemple Ping An, le numéro 1 mondial de l’assurance mais surtout un champion technologique.
Pouvez-vous me donner quelques exemples de success stories ?
J’en citerai deux. SolarisBank, d’abord, créée il y a 3 ans, a obtenu une licence bancaire en moins d’un an et a levé près de EUR 100m de fonds propres auprès de Finleap mais aussi de BBVA, Visa ou ABN Amro. Il s’agit du leader d’un secteur ayant un énorme potentiel, celui de la banque contextuelle. SolarisBank peut, grâce à une approche modulaire, construire une néo-banque disposant des dernières nouveautés technologiques en quelques mois. Mais le consommateur n’entendra que rarement parler de SolarisBank car elle opère en marque blanche.
Elinvar est également un très beau succès, Goldman Sachs vient d’ailleurs de rentrer au capital. Les acteurs du private banking travaillent souvent avec des outils technologiques désuets et sont, à bien des égards, encore plus en retard que la banque de détail. Il s’agit donc de leur offrir une plateforme digitale complète. Cela est indispensable pour le private banking qui voit sa clientèle évoluer, avec de plus en plus d’entrepreneurs.
Vous venez d’ouvrir l’entité de Paris, quelles sont vos ambitions ?
Elles sont nombreuses. Tout d’abord, aider les fintechs les plus matures de notre écosystème à pénétrer le marché français. Je vais donc les accompagner dans l’analyse du marché, l’établissement de potentiels partenariats mais aussi à saisir des opportunités commerciales. Ensuite, Finleap souhaite coopérer avec les acteurs économiques français sur les sujets d’innovation financière. Cela peut se traduire par la fourniture d’un service financier très spécifique (software-as-a-service) mais aussi être un projet plus vaste (company-as-a-service). Enfin, nous envisageons de créer des fintechs en France dès l’année prochaine. Il s’agit d’un grand marché, disposant de beaucoup d’atouts. Nous allons d’ailleurs effectuer nos premiers recrutements dans les semaines à venir.
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