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Facturation électronique obligatoire en Pologne, en Allemagne, en Belgique et en France

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Facturation électronique. | Source : Getty Images

L’Union européenne (UE) est en train de changer radicalement sa façon d’aborder la conformité fiscale, plusieurs États membres ayant introduit la facturation électronique obligatoire. Si l’objectif commun est de réduire la fraude, les approches de la mise en œuvre diffèrent grandement, reflétant le système fiscal, l’infrastructure et les priorités politiques propres à chaque pays.

Cet article examine les obligations de facturation électronique à venir en Pologne, en Allemagne, en Belgique et en France. Il présente les calendriers, souligne les aspects clés de l’approche de chaque pays et fournit des conseils pratiques pour aider les entreprises à se préparer à ces changements.

Une contribution d’Aleksandra Bal pour Forbes US

Pologne


Le parcours de la Pologne vers la facturation électronique obligatoire a connu de nombreux obstacles, reflétant la complexité de la mise en œuvre d’un changement aussi important dans l’infrastructure fiscale. Le pays a choisi un modèle de facturation électronique centralisé, exigeant que les factures électroniques soient traitées par le système national de facturation électronique, connu sous le nom de KSeF (Krajowy System e-Faktur). Cette plateforme gérée par le gouvernement sert de plaque tournante pour l’émission, la réception et le stockage des factures électroniques.

Le KSeF est disponible depuis le 1er janvier 2022, ce qui a donné aux entreprises le temps de se familiariser avec ses fonctionnalités. Cependant, la mise en œuvre obligatoire du système a été reportée à plusieurs reprises en raison de difficultés techniques et de préoccupations concernant son impact sur les entreprises. Initialement prévu pour la mi-2024, le déploiement a été retardé après qu’un audit externe a révélé des irrégularités dans l’infrastructure du KSeF.

La Pologne a révisé le calendrier de mise en œuvre en mai 2024, établissant une approche progressive. Selon le calendrier mis à jour, le KSeF deviendra obligatoire à partir du 1er février 2026 pour les entreprises ayant un siège social ou un établissement fixe en Pologne qui ont déclaré un chiffre d’affaires supérieur à 200 millions de złoty en 2025. Pour toutes les autres entreprises, l’obligation prendra effet le 1er avril 2026. Cette mise en œuvre progressive vise à faciliter la transition et à permettre aux entreprises de différentes tailles de s’adapter à leur propre rythme.

Dans le cadre du système KSeF, les contribuables créeront des factures structurées au format XML conformément aux spécifications e-Faktura FA(2), en utilisant leurs propres systèmes ERP. Ces factures seront ensuite transmises à KSeF via une API. Dès réception, chaque facture se verra attribuer un numéro d’identification et un horodatage uniques, garantissant ainsi son authenticité et sa traçabilité. Une facture électronique structurée non transmise au KSeF sera considérée comme non émise. L’utilisation obligatoire de KSeF s’appliquera exclusivement aux transactions entre entreprises (B2B). Pour les transactions avec les consommateurs, l’utilisation de KSeF restera facultative, ce qui permettra aux entreprises de choisir l’approche de facturation qui convient le mieux à leurs besoins opérationnels.

Afin de soutenir davantage les contribuables pendant la transition vers la facturation électronique obligatoire, le ministère a proposé plusieurs mesures de simplification en novembre 2024. Une mise à jour importante permettra aux factures d’inclure des pièces jointes, reflétant les commentaires des principales parties prenantes, en particulier les fournisseurs d’énergie, de gaz et de télécommunications. Les micro-entrepreneurs (ceux qui émettent des factures dont le montant total ne dépasse pas 450 złoty par facture et dont les ventes totales sont inférieures à 10 000 złoty au cours d’un mois civil) seront autorisés à émettre des factures en dehors du système KSeF jusqu’au 30 septembre 2026. En outre, certaines exigences spécifiques, telles que l’inclusion du numéro KSeF dans les paiements pour les factures émises via KSeF ou via des systèmes de caisse enregistreuse, ont été reportées au 31 juillet 2026. Les contribuables auront la possibilité d’émettre des factures hors ligne jusqu’à la fin de l’année 2026, ce qui permettra aux entreprises de créer des factures électroniques même lorsque des problèmes techniques les empêchent de les soumettre immédiatement au KSeF. Toutefois, ces factures hors ligne doivent respecter le format structuré de la facture électronique et être soumises au KSeF avant le jour ouvrable suivant pour garantir la conformité. En outre, une période de grâce a été établie : aucune pénalité pour non-respect des obligations du KSeF ne sera imposée jusqu’à la fin du mois de juillet 2026, ce qui rassure davantage les contribuables pendant la phase d’ajustement.

Une question importante non résolue est le décalage potentiel entre le système KSeF de la Pologne et le cadre de la TVA à l’ère numérique (ViDA) de l’UE. À partir de 2030, ViDA exigera des entreprises qu’elles émettent des factures transfrontalières dans un format européen normalisé. D’ici 2035, cette obligation s’étendra aux transactions nationales dans les pays qui choisissent d’imposer la facturation électronique pour les ventes nationales. Le système polonais KSeF utilise un format de facturation électronique plus complexe que la norme européenne, ce qui fait craindre que les entreprises polonaises ne doivent investir du temps et des ressources supplémentaires pour adapter leurs systèmes afin de se conformer à l’initiative ViDA à l’avenir.

 

Allemagne

En mars 2024, l’Allemagne a promulgué une loi imposant l’utilisation de factures électroniques pour les transactions interentreprises nationales. Le 15 octobre 2024, le ministère fédéral des Finances a publié des lignes directrices détaillées pour la mise en œuvre de cette obligation de facturation électronique, qui sera déployée progressivement entre 2025 et 2028.

À partir du 1er janvier 2025, les entreprises impliquées dans des transactions interentreprises nationales devront être en mesure de recevoir des factures électroniques. L’Allemagne définit une facture électronique comme une facture émise dans un format électronique structuré conforme à la norme EN 16931 ou dans un format convenu par l’émetteur et le destinataire, à condition qu’il permette l’extraction correcte et complète des informations requises conformément à la norme EN 16931 ou qu’il soit interopérable avec elle. Les formats de facturation largement utilisés en Allemagne, ZUGFeRD et XRechnung, sont conformes aux critères applicables aux factures électroniques. L’obligation de recevoir des factures électroniques s’étend également aux formats de facturation électronique étrangers, tels que les formats français Factur-X et Peppol-BIS Billing, qui sont compatibles avec la norme EN 16931. Le ministère des Finances souligne que le choix du format est une question de droit civil qui doit être convenue par les parties contractantes. Le ministère a également précisé que l’obligation de recevoir des factures électroniques peut être satisfaite par la mise à disposition d’une boîte de réception de courrier électronique. Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’une boîte de réception dédiée uniquement à la réception de factures électroniques. Toutefois, les parties contractantes peuvent convenir d’autres méthodes de transmission autorisées.

Le déploiement des obligations de facturation électronique en Allemagne se fera par étapes. En 2025 et 2026, les entreprises pourront continuer à émettre des factures papier ou des formats électroniques non conformes à la norme EN 16931, à condition d’obtenir le consentement du destinataire. À partir de 2027, les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 800 000 euros au cours de l’année précédente seront tenues d’émettre des factures électroniques. Ces entreprises peuvent encore utiliser des systèmes d’échange de données informatisées (EDI) au lieu d’adhérer pleinement aux normes EN 16931, à condition que le destinataire soit d’accord. À partir de 2028, toutes les entreprises allemandes seront tenues d’émettre des factures électroniques, ce qui marquera une transition complète vers la facturation numérique à l’échelle nationale.

L’obligation de facturation électronique s’appliquera exclusivement aux transactions nationales entre entreprises. Les entreprises établies en Allemagne devront émettre des factures électroniques pour les livraisons imposables en Allemagne si le destinataire est également établi dans le pays. L’obligation ne s’appliquera pas aux transactions entre entreprises et consommateurs (B2C), à certaines transactions B2B exonérées, aux factures d’un montant inférieur à 250 euros, ni aux billets.

Les lignes directrices n’imposent pas de méthode spécifique pour la transmission des factures électroniques, laissant la décision aux parties contractantes. Les méthodes de transmission acceptables sont le courrier électronique, les interfaces électroniques ou les portails de téléchargement. Bien que des informations supplémentaires puissent être incluses dans une pièce jointe PDF non structurée, tous les détails obligatoires doivent être contenus dans les données structurées de la facture. Les contrats peuvent également être joints et, pour les obligations récurrentes, une nouvelle facture électronique n’est nécessaire qu’en cas de modification des données obligatoires de la facture.

Le mandat allemand en matière de facturation électronique s’aligne sur l’initiative ViDA de l’UE, en particulier sur l’adoption de la norme EN 16931. Toutefois, contrairement à d’autres pays européens, l’Allemagne n’exigera pas que les données relatives à la facturation électronique soient communiquées directement aux autorités fiscales. Une telle obligation de déclaration devrait être mise en œuvre ultérieurement.

 

Belgique

La Belgique se prépare à mettre en place un système de facturation électronique obligatoire pour les transactions B2B, à partir du 1er janvier 2026. Cette obligation s’appliquera à toutes les entreprises assujetties à la TVA qui sont établies ou ont un établissement fixe en Belgique. Contrairement à d’autres pays qui adoptent une approche progressive basée sur la taille de l’entreprise ou des conditions spécifiques, le mandat de la Belgique s’appliquera universellement dès le départ. Des factures électroniques doivent être émises pour toutes les opérations imposables qui ne sont pas exonérées et qui sont réputées avoir lieu en Belgique.

La Belgique fait la distinction entre les factures électroniques structurées et les factures électroniques ordinaires. Une facture ordinaire comprend toutes les données obligatoires et est émise et reçue sous forme électronique, comme un PDF. À partir du 1er janvier 2026, la facturation électronique ordinaire ne sera plus autorisée pour les transactions entre entreprises belges assujetties à la TVA. À la place, les entreprises devront émettre des factures électroniques structurées conformes à la norme EN 16931. Ces factures doivent utiliser le format PEPPOL BIS ou un autre format conforme à la norme EN 16931 convenu par les parties.

La Belgique a adopté le réseau PEPPOL comme norme pour l’échange de factures électroniques structurées. Pour se connecter au réseau PEPPOL, les entreprises doivent s’inscrire auprès d’un fournisseur de points d’accès certifié. Les factures électroniques structurées doivent toujours être envoyées et reçues via le réseau PEPPOL, sauf si les deux parties conviennent explicitement d’utiliser une autre méthode.

Pour aider les entreprises à passer à la facturation électronique obligatoire, le gouvernement a introduit plusieurs mesures destinées en particulier aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux indépendants. À partir du 1er janvier 2025, la prime à l’investissement pour l’amélioration de l’infrastructure numérique passera à 20 %, ce qui encouragera les entreprises à moderniser leurs systèmes de facturation. En outre, pour les périodes imposables de 2024 à 2027, les PME et les indépendants qui utilisent des logiciels de facturation par abonnement peuvent bénéficier d’une déduction de frais accrue de 120 %.

Le mandat de facturation électronique de la Belgique s’aligne sur l’initiative ViDA de l’UE, en particulier sur l’adoption de la norme EN 16931. La Belgique n’a pas encore proposé d’obligation de déclaration numérique. Une telle obligation devrait être mise en œuvre à un stade ultérieur.

 

France

La France se prépare à introduire des obligations de facturation et de déclaration électroniques, avec une mise en œuvre progressive à partir de 2026. La réforme se fonde sur la loi n° 2022-1157, qui définit la facture électronique comme une facture émise, transmise et reçue dans un format entièrement numérique contenant un ensemble minimal de données structurées.

L’obligation de facturation électronique s’appliquera aux transactions nationales entre entreprises établies et immatriculées à la TVA en France. Certaines transactions, telles que celles liées à l’éducation, aux soins de santé et aux services financiers, qui sont exonérées de TVA et ne nécessitent pas de factures, sont exclues. Bien que les entreprises étrangères sans établissement en France ne soient pas soumises à l’obligation de facturation électronique, elles peuvent être amenées à se conformer aux obligations de déclaration électronique si elles effectuent des opérations imposables en France.

Initialement prévu pour le 1er juillet 2024, le déploiement de la facturation électronique obligatoire a été reporté. Selon le calendrier révisé confirmé dans la loi n° 2023-1322, toutes les entreprises doivent être en mesure de recevoir des factures électroniques d’ici le 1er septembre 2026. À cette date, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) devront également émettre des factures électroniques. Les petites et moyennes entreprises suivront le mouvement, l’obligation d’émettre des factures électroniques entrant en vigueur le 1er septembre 2027.

Le gouvernement français avait initialement prévu de mettre en place un portail public de facturation (PPF) pour gérer l’échange de factures électroniques. Cependant, en octobre 2024, il a été annoncé que le PPF ne fonctionnerait pas comme un outil gratuit pour émettre ou recevoir des factures. Son rôle se limitera à la tenue d’un répertoire des destinataires et à la mise en place d’un centre de données fiscales. Les entreprises devront donc faire appel à des plateformes de dématérialisation partenaires privées certifiées (PDP) pour gérer leurs processus de facturation.

Les PDP sont des prestataires de services certifiés et autorisés par l’administration fiscale française à faciliter l’émission, la transmission et la réception des factures électroniques. Les entreprises peuvent choisir un PDP parmi une liste officielle de prestataires agréés. Ces plateformes valident les factures pour s’assurer qu’elles sont conformes aux normes réglementaires et techniques, et vérifient qu’il n’y a pas d’erreurs ou d’informations manquantes. Après validation, le PDP transmet la facture électronique à la plateforme du destinataire et soumet les données requises au centre public de données fiscales. La France autorise l’émission de factures électroniques dans trois formats approuvés : Cross Industry Invoice (CII), Universal Business Language (UBL) et Factur-X. Les PDP améliorent la communication et l’interopérabilité en convertissant les factures dans un format compatible avec le système du destinataire.

En plus de la facturation électronique, la France introduit des obligations de déclaration électronique pour les transactions qui ne sont pas couvertes par le mandat de facturation électronique. Il s’agit notamment des ventes B2C et des opérations transfrontalières, telles que les importations, les exportations et les livraisons et acquisitions intracommunautaires. Les entreprises étrangères qui effectuent des opérations imposables en France et sont tenues de facturer la TVA française devront également se conformer aux obligations de déclaration électronique. Ces obligations suivront le même calendrier que celui de la facturation électronique.

Les obligations de facturation et de déclaration électroniques s’étendent également aux entreprises situées dans les départements français d’outre-mer, tels que la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, où la TVA est applicable. En revanche, les entreprises situées dans les collectivités françaises d’outre-mer, dont la Guyane, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, où la TVA ne s’applique pas, sont exemptées de l’obligation de facturation électronique. Ces entreprises peuvent néanmoins être tenues de se conformer aux obligations de déclaration électronique pour les opérations imposables réalisées en France.

 

Remarques finales

La Pologne, l’Allemagne, la Belgique et la France ont adopté des approches différentes pour mettre en œuvre la facturation électronique obligatoire. La différence la plus notable réside dans le choix des modèles de transmission des données. La Pologne a adopté un système centralisé, exigeant des entreprises qu’elles échangent leurs factures par l’intermédiaire de son système national de facturation électronique. En revanche, la France prévoit d’utiliser des plateformes privées pour gérer à la fois la déclaration et l’échange des données relatives aux factures. La Belgique a désigné le réseau PEPPOL comme norme par défaut pour l’échange de factures électroniques, tandis que l’Allemagne accordera aux entreprises une liberté totale dans le choix de leurs méthodes de transmission des factures. Ni la Belgique ni l’Allemagne n’ont encore introduit d’exigences en matière de déclaration des factures.

Les calendriers de mise en œuvre varient également de manière significative. La Belgique a opté pour une mise en œuvre universelle, obligeant toutes les entreprises assujetties à la TVA à émettre des factures électroniques structurées dès le départ, sans approche progressive. Les autres pays ont opté pour une mise en œuvre progressive, l’Allemagne se distinguant par la complexité de ses règles de transition.

Il existe d’autres différences concernant l’impact de ces mesures sur les entreprises non-résidentes. Les entreprises titulaires d’un enregistrement local à la TVA, mais ne disposant pas d’un établissement physique en Pologne, en Belgique ou en Allemagne ne seront pas affectées par ces mandats à venir. Toutefois, ces entreprises peuvent être soumises aux exigences de la France en matière de déclaration électronique.

 

Une traduction de Flora Lucas

 


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