Pour favoriser les dons en vue de la reconstruction de Notre-Dame de Paris, Édouard Philippe avait annoncé la présentation d’un projet de loi visant à instaurer un cadre fiscal favorable.
Le gouvernement entend, par ce projet de loi, permettre dans les plus brefs délais la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont l’incendie le 15 avril dernier a frappé la population française tout entière, attachée à cet édifice emblématique du patrimoine architectural et religieux de la France
C’est chose faite puisque le 23 avril dernier, le Conseil d’Etat a rendu un avis sur le projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale de Notre-Dame de Paris.
Le projet de loi prévoit de porter de 66% à 75 % le taux de réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons et versements effectués par les particuliers entre le 16 avril 2019 et le 31 décembre 2019, du Centre des monuments nationaux ou de la Fondation Notre Dame, la Fondation du Patrimoine, la Fondation de France.
Seuls ces quatre organismes sont agréés pour recevoir les dons visant à la restauration de la cathédrale et ouvrent droit à cette réduction. Le gouvernement alerte sur le risque de demandes de dons émanant d’autres organismes qui pourraient être des tentatives d’escroquerie !
Les versements sont retenus à 75% dans la limite de 1 000 euros pour 2019. Au-delà, la réduction sera de 66%. Soit 750 euros de réduction pour un don de 1 000 euros, et 660 euros pour l’excédent dans la limite de 20% du revenu imposable.
L’excédent est reporté sur les 5 années suivantes et ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions. En cas de nouveaux versements au titre des années suivantes, les excédents reportés ouvrent droit à la réduction d’impôt avant les versements de l’année. Les excédents les plus anciens sont retenus en priorité.
Le Conseil d’État a relevé que si, en vertu de ces dispositions, les contribuables qui, pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame, versent un don à une association de préservation du patrimoine autre que les fondations mentionnées, ne bénéficient pas du taux de réduction de 75 % mais celui de 66 % actuellement prévu au 1 de l’article 200 du code général des impôts, cette différence de traitement, limitée dans le temps, compte tenu de l’encadrement dans la durée dont fait l’objet la disposition examinée, n’est pas contraire au principe d’égalité devant l’impôt au regard de l’intérêt général attaché à la sécurisation des dons et à la facilité de leur gestion que confère leur transfert à l’État par le truchement des fondations ainsi désignées.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit que les dons versés seront consacrés aux travaux de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier dont l’État est propriétaire. Ni le projet de loi, ni l’exposé des motifs ne précise la signification que le gouvernement entend donner aux termes « restauration » et « conservation ».
Toutefois, le Conseil d’État a estimé que ces termes, s’agissant d’un édifice classé au titre des monuments historiques, renvoient à ceux employés par le code du patrimoine, notamment dans ses dispositions relatives aux monuments historiques, et à la portée que leur donnent, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, le ministre chargé des affaires culturelles et l’administration chargée de la protection des monuments historiques.
Le produit des dons effectués, au titre de la souscription nationale, auprès du Trésor public, du Centre des monuments nationaux, ainsi que des fondations reconnues d’utilité publique dénommées « Fondation de France », « Fondation du patrimoine » et « Fondation Notre-Dame », sera reversé à l’État ou à l’établissement public chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Le Conseil d’État a constaté qu’un tel dispositif permet tout à la fois de mobiliser les moyens nécessaires à une collecte rapide des dons tout en concourant à sa sécurisation. Il répond ainsi indiscutablement à un motif d’intérêt général et ne se heurte à aucune objection d’ordre juridique.
Le Conseil d’État relève en particulier que ces organismes sont, selon les indications données par le gouvernement, les seules structures à but non lucratif dont la mission est la protection du patrimoine ayant la capacité, par leur dimension, à gérer les montants des dons attendus sans imposer de frais de gestion et estime, par suite, que le projet de loi peut les désigner pour collecter les dons versés au titre de la souscription, sans procéder à une publicité ou à une mise en concurrence préalable.
Aucune disposition législative n’autorise expressément les collectivités territoriales, à l’instar de ce que permet l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales en matière d’action extérieure, à verser des subventions ou des dons à l’occasion de catastrophes ou de sinistres majeurs intervenus hors de leur territoire.
Le financement par une collectivité territoriale de la restauration d’un site ou d’un monument ne se trouvant pas sur son territoire, dès lors qu’il ne répond pas à un intérêt public local, est illégal (CE, 16 juin 1997, Département de l’Oise, n° 170069, au Recueil). Le projet de loi donne un fondement légal à la décision des collectivités territoriales qui souhaitent faire un don pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris. La disposition envisagée n’appelle pas d’observation de la part du Conseil d’État.
Le projet de loi transmis au Conseil d’État prévoit, sans préjudice des contrôles de la Cour des comptes, la mise en place d’un comité ad hoc,composé du Premier président de la Cour des comptes et des présidents des commissions chargées des finances et de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat, chargé de veiller au bon emploi des fonds recueillis.
Le Conseil d’État estime que l’objectif poursuivi par cette disposition, qui est d’assurer la plus grande transparence sur l’utilisation des dons reçus dans le cadre de la souscription nationale et qui est distinct du contrôle exercé par la Cour des comptes en application des dispositions du code des juridictions financières, sera mieux assuré en imposant à l’État ou à l’établissement public chargé de la restauration ou la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris d’une obligation de rendre compte publiquement, de l’emploi des fonds recueillis. Cette obligation, qui pourra être précisée par décret, n’est pas exclusive de celle de rendre compte devant les commissions parlementaires compétentes.
Enfin, afin d’une part de faciliter la réalisation des travaux de restauration de Notre-Dame de Paris dans les meilleurs délais et, comme le suggère le Conseil d’État dans des conditions de sécurité satisfaisantes et d’autre part d’adapter le droit applicable aux caractéristiques de ce chantier, le projet de loi habilite le gouvernement à définir, pour ces travaux et les opérations connexes (installations utiles au chantier ou à l’accueil du public pendant les travaux, approvisionnement du chantier, évacuation et traitement des déchets), des dispositions particulières dérogatoires au droit commun. Ces dérogations ponctuelles, limitées à ce qui sera strictement nécessaire au bon déroulement des travaux, pourront concerner de nombreux domaines.
Le Conseil d’État considère que ce projet de loi méconnaît, ni par lui-même ni par ses conséquences nécessaires, aucune règle et aucun principe de valeur constitutionnelle ou conventionnelle. L’objectif d’assurer la restauration de Notre-Dame de Paris dans les conditions ci-dessus mentionnées présente en effet un intérêt général suffisant pour justifier certaines dérogations au droit commun. C’est lors de l’examen des projets d’ordonnances prises sur le fondement de cette habilitation que sera vérifiée la conformité des dérogations effectivement prévues aux règles et principes supérieurs.
Le Conseil d’État s’attache dans la rédaction qu’il propose à préciser la finalité et le champ d’application des ordonnances prévues à cet article, afin de satisfaire aux exigences de la jurisprudence constitutionnelle et de permettre au Gouvernement d’atteindre l’ensemble de ses objectifs.
Il ne retient pas dans le champ de l’habilitation prévue dans le projet qui lui a été transmis la possibilité de déroger aux règles procédurales en matière de traitement des contentieux administratifs liés au chantier de restauration, dès lors que ces dispositions relèvent de la compétence du pouvoir réglementaire.
En définitive, reste à savoir si le montant des dons sera suffisant pour restaurer la cathédrale et quel projet sera retenu… Vaste débat !
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