À seulement quelques pas de la place olympique de PyeonchChang, un magasin de location de skis ne paye pas de mine. Il s’agit pourtant du premier et unique endroit de la ville olympique (pour le moment) à accepter cette cryptomonnaie comme moyen de paiement.
Le personnel de Yongpyong Ski Zone ne parle que coréen, mais il espère que la langue universelle de la cryptomonnaie l’aidera à attirer des clients du monde entier durant cet événement sportif international. La petite boutique de ski, proposant du matériel haut de gamme et des souvenirs des JO, accepte les Ethereums, l’une des cryptomonnaies les plus populaires en Corée du Sud. Jaewon Choi, la responsable du magasin pense qu’il sera plus facile pour les clients étrangers de payer à l’aide du token numérique que d’échanger leurs euros, dollars, roubles, ou autres, en Won dans la station de ski coréenne.
Le débat sur la réglementation
Ce serait assez anodin de voir ce moyen de paiement dans cette ville de montagne si la capitale du pays, Séoul, n’était pas le théâtre d’un long débat sur la réglementation des cryptomonnaies. Le gouvernement, les régulateurs et législateurs essayent de se mettre d’accord sur le niveau de contrôle à appliquer aux monnaies virtuelles. Les remous du marché ont engendré des rumeurs d’imposition et d’interdiction des cryptomonnaies dans le pays. Nous ne sommes qu’en février et les débats sont déjà violents. Le gouvernement a d’ores et déjà interdit les transactions anonymes et les échanges effectués par les étrangers et les mineurs. Bien qu’il ne souhaite pas interdire purement et simplement les échanges dans ce pays (l’un des plus grands marchés au monde), il doit encore décider du sort des ICO.
Depuis sa boutique de ski, Jaewon Choi ne se soucie guère des débats. Elle échange des cryptomonnaies à titre personnel et elle n’a pas eu de mal à convaincre le gérant du magasin d’adopter ce moyen de paiement, d’autant plus que les frais de transaction de l’Ethereum sont inférieurs à ceux du paiement par carte bancaire. Elle peut être rassurée de ne pas avoir à effectuer la transaction elle-même. Le client transfère la quantité de cryptomonnaie équivalente au Won coréen via une nouvelle plateforme locale, Coinduck. Par la suite, cette plateforme transfère le montant au magasin avec des frais de transaction peu élevés. « Coinduck a déclaré pourvoir nous aider en matière de marketing, car il y aura beaucoup d’étrangers présents pendant les JO. De plus, nous pensons que cela ne peut pas faire de mal de proposer un moyen de paiement supplémentaire », explique Jaewon Choi. Le magasin accepte déjà toutes les cartes bancaires et va également mettre en place Alipay pour les touristes chinois. Coinduck et Alipay fonctionnent sur le même principe. Les clients se servent de liens ou de codes QR pour transférer l’argent.
Les boutiques officielles des Jeux Olympiques n’acceptent que les paiements en Won ou Visa, le sponsor officiel de l’événement. Cependant, de nombreuses chaînes de magasins comme GS25 acceptent les Yens et les Dollars américains. Il est certain que les prises de position du gouvernement concernant les cryptomonnaies ralentissent leur adoption en tant que moyen de paiement.
Une démocratisation lente
Coinduck, la plateforme lancée le mois dernier, pourrait être la seule en Corée du Sud. Chain Partners, l’entreprise âgée de sept mois ayant créé la plateforme, a fait du porte-à-porte pour trouver des magasins partenaires. Yonghyun Cho, le responsable marketing de Chain Partners, précise que cinq autres magasins, restaurants, cafés ou hôtels autour du site olympique pourront utiliser la plateforme dès la semaine prochaine.
Coinduck n’est pas la première plateforme de paiement en cryptomonnaie de Corée du Sud. En réalité, ses concurrentes se sont toutes retirées du marché car ce moyen de paiement peine à se développer. Chain Partners pense pouvoir se faire une place là où les autres n’ont pas réussi car sa technologie d’intelligence artificielle qui aide à vérifier les transactions est beaucoup plus performante que la blockchain de l’Ethereum. Yonghyun Cho explique que sur une blockchain, toutes les transactions sont très difficiles à pirater, mais le processus de vérification peut être très long. Par exemple, il peut prendre jusqu’à une heure pour le Bitcoin. Voilà pourquoi l’entreprise a choisi l’Ethereum plutôt que son célèbre concurrent. La technologie déposée de Chain Partners analyse les tendances des transactions afin de les traiter plus rapidement.
« Un jour, l’engouement pour les cryptomonnaies va s’essouffler et elles pourront enfin être considérées comme des monnaies à part entière », ajoute Yonghyun Cho. Coinduck se prépare à cette éventualité. Bien que ce service soit encore très jeune, les demandes de la part d’entreprises ne cessent d’augmenter. La plateforme dispose déjà de 50 partenaires à Séoul et de plus de 150 à travers le pays. À long terme, la plateforme souhaite accepter autant de cryptomonnaies que possible. Les clients auront, quant à eux, certainement besoin de plus de temps pour être conquis. Personne n’a encore payé à l’aide de la plateforme dans la boutique de ski de PyeongChang. Mais Yonghyun Cho précise que certains magasins de Séoul dont la clientèle est adepte du Bitcoin ont donné un certaine élan à la plateforme. Parce que l’entreprise n’échange qu’avec le Won coréen, elle assume les risques en cas de chute de l’Ethereum après la transation. Yonghyun Cho précise que la plateforme contourne la volatilité du marché en achetant et vendant les Ethereums quasi instantanément après les transactions des clients, tout en maintenant les frais de transaction et une réserve d’urgence en Won. Quant aux inquiétudes concernant les réglementations, Coinduck semble reconnaître sa responsabilité au cas où les choses tourneraient mal.
« Ce n’est pas tout à fait légal, mais ce n’est pas illégal », précis Yonghyun Cho. Il n’existe pas encore de loi interdisant notre activité, mais si cela devait être le cas, nous adapterons la plateforme pour qu’elle obéisse à la loi. »
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