Aux États-Unis, la Small Business Administration a levé le plafond de 5 millions de dollars par emprunteur dans le cadre de son célèbre programme de prêt « 7(a) loan program ». Cependant, pour profiter pleinement de cette opportunité, il est essentiel que les Américains diversifient leurs activités.
Un article de Brandon Kochkodin pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
Le 7(a) loan program de la Small Business Administration (SBA) a toujours été l’atout majeur pour acquérir une petite entreprise. Toutefois, une récente et peu connue modification des règles l’a rendu encore plus avantageux, offrant aux entrepreneurs ambitieux l’opportunité de bâtir un portefeuille diversifié de petites entreprises ; leur propre version d’un mini Berkshire Hathaway.
Ce programme a été instauré par la même loi qui a créé la Small Business Administration (SBA) en 1953. La SBA garantit ces prêts à hauteur de 75 %, réduisant ainsi le risque pour les prêteurs et les incitant à financer les petites entreprises. Les fonds peuvent être utilisés pour le fonds de roulement, l’acquisition d’équipements, l’achat d’immobilier commercial ou même l’acquisition d’une entreprise.
Les acheteurs d’entreprises plébiscitent le 7(a) loan program, non seulement parce qu’il offre un accès élargi aux prêts, mais aussi parce que les garanties demandées sont relativement souples. Dans la plupart des cas, une simple garantie personnelle de l’acheteur suffit. De plus, les emprunteurs sont souvent exemptés d’apports importants, voire n’ont pas à fournir de fonds initiaux. Avec des délais de remboursement pouvant s’étendre jusqu’à 25 ans, cette option est bien plus abordable qu’un prêt bancaire classique, dont la durée maximale est généralement de 10 ans. Le programme a rencontré un grand succès : au cours de l’exercice 2024, 70 242 prêts ont été approuvés pour un montant total de 31,1 milliards de dollars, avec un prêt moyen de 443 097 dollars.
Désormais, le volume total des prêts accordés pourrait atteindre des sommets. En effet, en mai 2023, la SBA a considérablement modifié le plafond de 5 millions de dollars sur les garanties de prêt par propriétaire d’entreprise. Jusqu’alors, les emprunteurs étaient limités à un total de 5 millions de dollars de prêts garantis par la SBA, que ce soit pour une ou plusieurs entreprises. Désormais, grâce à la révision de la « règle d’affiliation », ils peuvent emprunter jusqu’à 5 millions de dollars par entreprise, à condition que chaque société appartienne à un sous-secteur différent du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (NAICS). Avec 96 sous-secteurs possibles, ce changement ouvre des perspectives aux propriétaires d’entreprises ayant un bon crédit et une solide expérience, leur permettant de s’étendre et de diversifier leurs activités.
D’après un responsable de la SBA, cette modification a été mise en place pour « aligner la définition d’une petite entreprise sur celle du Small Business Act, qui précise notamment qu’une petite entreprise doit être détenue et exploitée de manière indépendante, sans dominer son secteur d’activité ». Avant ce changement, la SBA considérait toutes les entreprises ayant un propriétaire commun comme appartenant au même « domaine d’activité », quel que soit leur secteur. Par exemple, si une personne possédait un pressing, un restaurant et un cabinet dentaire, ces entreprises étaient regroupées pour déterminer le montant total du prêt, explique le responsable de la SBA. Bien que ce changement ait permis d’harmoniser les critères de prêt de la SBA avec le Small Business Act, il n’en demeure pas moins une modification majeure, car la SBA regroupait les entreprises ayant un propriétaire commun depuis près de sept décennies.
Le timing de cet ajustement suscite des spéculations quant aux motivations derrière cette décision. Un prêteur suggère que des considérations d’image pourraient être en jeu. Ray Drew, directeur général de la Truliant Federal Credit Union à Winston-Salem, en Caroline du Nord, et animateur du podcast The Art of SBA Lending, souligne que la SBA a encouragé les prêteurs à accorder des prêts plus modestes pour favoriser la création d’entreprises dans les communautés mal desservies. (La taille moyenne des prêts a d’ailleurs diminué de 18 % depuis l’exercice 2022.) Par ailleurs, le plafond des prêts, fixé à 5 millions de dollars, n’a pas été réévalué depuis octobre 2010, lorsque le Congrès l’avait relevé de 2 millions dans le cadre du Small Business Jobs Actde 2010. (Si ce plafond avait été ajusté en fonction de l’inflation, il atteindrait aujourd’hui 7,2 millions de dollars).
Cependant, la SBA n’a pas sollicité le Congrès pour relever le plafond des prêts. « À Washington, la priorité est donnée aux prêts de plus petite envergure », affirme Ray Drew, 35 ans. « Ils ne veulent probablement pas être perçus comme favorisant les plus grands acteurs. » Il suggère donc que la modification de la règle d’affiliation pourrait être une astuce ingénieuse, permettant de diriger plus de fonds vers les entrepreneurs prospères, sans nuire à l’image de l’aide destinée aux petites entreprises ou aux entrepreneurs plus modestes.
Un responsable de la SBA conteste cette affirmation, précisant que ce n’est pas le cas. Il explique que ce changement de règles découle de plus de dix ans de discussions avec les emprunteurs et les prêteurs. L’agence a constaté que l’ancienne politique était « trop complexe, confuse et subjective ». La nouvelle réglementation vise à simplifier la définition de l’affiliation, tout en préservant des « mesures de protection pour empêcher les grandes entreprises de bénéficier des prêts de la SBA ».
Ce changement a pris de court les prêteurs aux petites entreprises et les spécialistes du financement, au point qu’au départ, ils doutaient de sa mise en application et de son fonctionnement concret. Ray Drew, de Truliant, n’y a réellement cru qu’après avoir fait approuver un prêt pour l’un de ses clients, permettant ainsi à l’emprunteur de dépasser l’ancien plafond de 5 millions de dollars. « J’en avais entendu parler, mais dans le secteur de la SBA, on entend beaucoup de rumeurs », explique Stephen Speer, fondateur d’eCommerce Lending, une société de conseil en acquisition d’entreprises en ligne. « On nous parle de sirènes et de licornes depuis toujours, mais on n’en a jamais vu. J’étais donc bien évidemment sceptique. »
Fort de 30 ans d’expérience dans le secteur des petites entreprises, M. Speer raconte qu’il a récemment aidé un client qui avait obtenu un prêt de 3,8 millions de dollars pour acquérir une entreprise de vente de carreaux de sol. Un mois plus tard, ce même client souhaitait emprunter 3,4 millions de dollars supplémentaires via le 7(a) loan program pour acheter une entreprise de soins de la peau en ligne. Après avoir contacté neuf autres partenaires de prêt, seul Ray Drew lui a confirmé que l’opération était réalisable. « Ray Drew a pris les devants et a accordé ce prêt supplémentaire », explique M. Speer. « Mon client bénéficie désormais d’un financement total de 7,2 millions de dollars de la SBA, réparti sur deux prêts distincts. »
M. Speer, comme d’autres dans la communauté des petites entreprises, accueille favorablement la modification des règles. Il observe une tendance croissante : de plus en plus de personnes préfèrent acheter des entreprises plutôt que d’en créer de nouvelles, et l’intérêt pour l’acquisition de plusieurs entreprises est en plein essor. Bien qu’il partage le souhait de nombreux acteurs de voir le plafond de prêt de 5 millions de dollars augmenté, il considère ce changement comme une évolution positive qui tombe à point nommé. Comme il le souligne, « toutes ces entreprises appartiennent à des septuagénaires qui ne les transmettent pas à leurs enfants, mais cherchent à les vendre ».
Cela ne signifie pas que tout le monde considère ces changements comme parfaits. Eric Pacifici, fondateur du SMB Law Group, qui a conseillé des transactions de petites entreprises dépassant un milliard de dollars depuis sa création en 2022, souligne la structure d’incitation particulière créée par cette règle. « Elle encourage les gens à se diversifier », explique M. Pacifici, tout en notant que, bien que la diversification soit une stratégie clé pour réussir en matière d’investissement, elle n’est peut-être pas la meilleure approche pour gérer plusieurs petites entreprises à la fois. Malgré cela, de nombreux clients se sont déjà renseignés sur cette nouvelle règle et certains ont même déjà conclu des transactions.
« Le fait que les emprunteurs puissent désormais dépasser le plafond ne garantit pas que les banques accorderont des prêts d’un million de dollars à tout le monde », avertit M. Drew de Truliant. Pour obtenir un financement total supérieur à 5 millions de dollars, les emprunteurs devront avoir un excellent dossier de crédit et un historique solide de réussite. Après tout, les banques assument 25 % du risque sur ces prêts, ce qui les incite à rester prudentes.
« Si vous voulez obtenir cinq prêts de 5 millions de dollars de la SBA, il est nécessaire d’avoir une situation financière extrêmement solide », explique M. Drew. « Ce ne sera pas à la portée de toute le monde. »
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