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PORTRAIT | Eric Demuth, CEO et cofondateur de Bitpanda : « Il aura fallu 10 ans pour que la confiance des banques envers les cryptomonnaies s’installe »

Eric Demuth, CEO de Bitpanda.
Eric Demuth, CEO de Bitpanda.

Fondée en Autriche en 2014, la plateforme d’échange de cryptomonnaies Bitpanda s’est depuis largement déployée en Europe et est par exemple devenu en France le premier courtier crypto. Eric Demuth, CEO et cofondateur du projet, nous explique comment il a su contribuer à renforcer la confiance envers ces actifs numériques.

 

Pouvez-vous m’en dire plus sur votre parcours et comment vous en êtes arrivé à devenir CEO de Bitpanda ?

Eric Demuth : Au début, juste après l’école, je souhaitais devenir pilote maritime et j’ai d’ailleurs passé deux ans à étudier la mécanique des navires. Mais je ne me suis très vite pas senti à ma place. J’ai ensuite bifurqué vers des études orientées business et finance et c’était la première étape me menant vers l’entrepreneuriat. Puis, j’ai rencontré Paul Klanschek et Christian Trummer, deux personnes issues de l’écosystème des cryptomonnaies, et nous avons fait le constat qu’il était difficile d’acheter du bitcoin ou de l’Ethereum, surtout chez le grand public. Nous avons donc imaginé une plateforme intuitive qui permet cette adoption massive.

Le principal défi a été de convaincre l’industrie bancaire de connecter leurs systèmes à la blockchain, elle a d’ailleurs été pendant longtemps très en retard sur ce sujet. Mais aujourd’hui c’est devenu une nécessité à mesure que l’adoption s’est accélérée. En Autriche par exemple, il y a plus de personnes possédant un portefeuille de bitcoin que de détenteurs d’actions en bourse.

 

Quelle est votre stratégie de développement en Europe ?

E. D. : Nous nous concentrons particulièrement sur l’Europe et l’objectif est d’obtenir le plus de licences possibles. La deuxième version du MfiD a permis à des acteurs comme nous de pouvoir proposer à la fois des actions et des cryptomonnaies et notre idée est de tout offrir au sein de la même plateforme. Nous disposons de 9 bureaux et 750 collaborateurs en Europe : c’est assez pour l’instant et nous verrons lorsque nous aurons besoin de viser un nouveau marché.

Bitpanda a toujours été rentable depuis 2016 et nous entendons bien continuer sur cette lancée. Notre dernier tour de table remonte à 2021 et nous n’entendons pas lever d’autres fonds étant donné notre flux actuel de revenus.

 

Pourquoi certaines grandes banques semblent encore méfiantes à l’égard des actifs numériques ?

E. D. : Cela dépend beaucoup des acteurs ou des banques avec qui nous échangeons. Nous avons par ailleurs longuement discuté avec l’écosystème français pour mettre en place des systèmes stables et il faut rappeler que la prévention contre la fraude ou le blanchiment d’argent n’est pas nouveau. Cela a toujours fait partie des standards bancaires. Je ne suis donc pas particulièrement inquiet et les dérives existent toujours à cause de personnes qui font le choix de ne pas respecter les règles.

La régulation est cruciale, que cela concerne les banques ou les fintech. Il est néanmoins plus complexe d’ériger des règles communes pour les entreprises de la tech car leur création est nouvelle. Le cadre européen sur la finance numérique a pris beaucoup de temps à émerger et la réglementation MiCA devrait seulement prendre effet en décembre 2024. Il s’agit de la traduction au mot prêt du MfiD qui impose déjà des consignes et des codes de conduite auprès des acteurs traditionnels de la finance. Il aurait fallu prendre de l’avance sur ce sujet mais nous avons eu droit à beaucoup de négociations et de luttes politiques avant de voir émerger de premières propositions de loi.

Il aura fallu 10 ans pour que la confiance des banques envers les cryptomonnaies s’installe. En Europe, de nouvelles règles en matière d’ouverture des systèmes bancaires – à l’image du DSP2 – sont apparues et d’autres devraient arriver très vite. Les banques traditionnelles s’adaptent donc à ce contexte normatif mais aussi à la demande, toujours plus intéressée par les cryptomonnaies.

L’industrie de la cryptomonnaie est aujourd’hui établie et conforme aux réglementations en vigueur et nous ne constatons plus personne émettre l’idée que cet écosystème est uniquement animé par des « escrocs agissant dans l’ombre ».

 

Pouvez-vous en dire plus sur le lancement de Bitpanda Cash Plus que vous justifiez avoir lancé “en réponse à un mécontentement croissant face aux taux d’intérêt bas qui prévalent en Europe” ?

E. D. : Nous ne savons pas combien de temps les taux d’intérêt vont continuer d’être revus à la hausse par les banques centrales. En revanche, nous voyons dans 5 ans un marché monétaire grimper. Problème : il faut disposer d’un million de fonds au minimum pour se lancer. Nous avons lancé Bitpanda Cash Plus justement pour permettre à plus de personnes de participer à partir de 1 euro et avec des taux d’intérêt très avantageux.

À terme, on espère que le public se rende compte à quel point ces produits financiers sont autant, voire plus performants que ceux offerts par les banques classiques pour faire fructifier leur épargne. Le contexte actuel est incertain et la flexibilité que nous offrons est d’autant plus nécessaire pour s’adapter.

Nous avons également une offre plus B2B qui intéresse de plus en plus d’entreprises et d’institutions bancaires. La Deutsche Bank nous a par exemple délivré une licence précieuse permettant d’émettre et de gérer des cryptomonnaies sur le marché allemand.

 

Pourquoi est-ce important selon vous pour l’épargnant de diversifier son patrimoine ? L’investissement dans les cryptomonnaies est-il une voie d’y parvenir, malgré leur instabilité ?

E. D. : C’est en général une très bonne idée mais tout dépend du profil. Je ne suis pas à l’aise avec cette idée que tout le monde devrait forcément posséder des cryptomonnaies. Le plus important face au contexte inflationniste que nous traversons, c’est de faire des choix intelligents et raisonnés et ne pas se ruer sur une valeur en particulier sans réfléchir.

Depuis quelques années, avant et pendant la crise sanitaire, nous avons remarqué un intérêt grandissant du public pour la finance. C’est un phénomène qui nous semble très sain et cela pousse plus de monde à adopter de bonnes pratiques financières. Il ne faut pas tout mettre dans le même panier et surtout commencer doucement. La diversification reste la clé et nous conseillons toujours d’investir très peu dans les cryptomonnaies car elles sont très volatiles.

L’autre conseil que je donnerais est de ne pas se précipiter sur la « nouvelle crypto à la mode » et de procéder par étapes. Ne vous focalisez pas trop sur le gain, gardez des économies de côté et visez le long terme !

 

Comment vivez-vous ce nouvel engouement pour l’IA générative alors même que vous faites de l’IA depuis de nombreuses années ?

E. D. : L’intelligence artificielle et le machine learning ne sont pas nouveaux. Mais les modèles de langage type ChatGPT viennent d’atteindre un nouveau stade de maturité qui permet une adoption plus massive chez le grand public. Il est donc possible aujourd’hui d’offrir une expérience nouvelle grâce à des chatbots qui n’ont plus besoin d’être entraînés sur de grandes bases de données en interne mais à partir de données externes à travers le monde.

Les marchés financiers génèrent des données que personne ne peut appréhender en une fois et l’IA peut dans ce cas grandement nous aider. Nous combinons ces données financières avec le pouvoir des modèles de langage actuels pour aider nos clients. Ces IA peuvent apprendre comment les décideurs du monde de la finance travaillent et donc les assister durablement dans leur travail.

 

Vous avez d’ailleurs récemment annoncé un plan à 10 millions de dollars d’investissement dans l’IA, notamment pour mettre au point un conseiller financier en gestion de patrimoine… 

E. D. : Nous assistons à l’avènement d’un vrai débat autour de l’IA et ces modèles génératifs continuent de se développer à une vitesse jamais connue auparavant. Nous sommes convaincus que la technologie va très vite permettre au public d’adopter une meilleure gestion de leurs finances.

Nous avons largement inclus l’IA dans nos process internes ces deux dernières années et ce nouveau plan de 10 millions de dollars amorce une nouvelle étape pour offrir une gestion financière boostée par l’IA au public.

 

 

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