La fluctuation des taux sur les marchés financiers peuvent à la fois présenter de belles opportunités de placement pour les entreprises mais aussi de grands risques. Forbes France vous propose de passer en revue les diverses stratégies possibles pour optimiser sa trésorerie durablement.
En juillet 2024, la Banque de France relevait plus de 63 000 défaillances au cours de l’année. Un chiffre en hausse de 23 % par rapport à la moyenne enregistrée entre 2000 et 2010 par le cabinet Altares. Un réajustement attendu pour certains, notamment à cause de prêts garantis par l’État (PGE) qui ont permis d’empêcher la faillite de nombreuses entreprises pendant la crise sanitaire. Toutefois, d’autres y voient les prémices d’une récession économique sans précédent qui menacerait la pérennité des entreprises sur le long terme, y compris du côté des moyennes et grandes sociétés.
Quoi qu’il en soit, ce contexte d’incertitude sème des doutes quant à la stratégie à adopter pour garantir la stabilité de sa trésorerie. Et face à la forte volatilité des taux d’intérêt, difficile de savoir quels placements réaliser pour atteindre une optimisation résiliente dans le temps. Forbes France vous propose le retour de plusieurs experts du monde de la finance d’entreprise pour vous aider à y voir plus clair.
Un contexte propice à la rémunération de sa trésorerie excédentaire
Pour contrer l’inflation galopante, la Banque centrale européenne (BCE) a relevé en septembre 2023 ses taux directeurs à 4,75 %, un seuil qui n’avait pas été dépassé depuis la création de l’euro. Si la capacité d’emprunt sur le marché immobilier a été sérieusement impactée, l’épargne d’entreprise à moyen terme se trouve plutôt en bonne posture. De nouvelles opportunités s’offrent aux sociétés commerciales pour faire fructifier leur trésorerie.
« La très forte remontée des taux a remis en lumière les préoccupations des dirigeants dans leur recherche de rendement pour leur trésorerie »,explique Xavier Chopard, directeur marketing et commercial Entreprises chez BNP Paribas. Un sujet qui n’était évidemment pas une priorité lorsque les taux frôlaient le zéro. « Avant de se lancer, il faut néanmoins s’assurer d’avoir une trésorerie comptable stable et disponible, détaille- t-il. L’optimisation de trésorerie est réservée aux entreprises avec des marges récurrentes et une bonne gestion du fonds de roulement. »
Une entreprise mature et solide dans le temps peut donc envisager ce type de placement, en particulier si elle vient d’obtenir de nouveaux financements. En réalité, toutes les entreprises n’ont pas la chance d’être excédentaires, d’où l’importance de définir un niveau cohérent de trésorerie récurrente, puis de fixer un horizon de placement et un niveau de risque adapté à sa situation financière.
Pour les PME ou petites entreprises en phase de croissance, le prérequis d’une gestion fine des comptes est d’autant plus vitale. « Le moment où l’entreprise structure sa gestion financière est le plus adapté, qualifie Xavier Chopard. Lorsqu’elle obtient une très bonne visibilité sur le niveau récurrent de son chiffre d’affaires et sur la planification de sa trésorerie. » Il est donc crucial de s’être équipé d’un outil de gestion et de prévision financière précis. Une fois que l’entreprise est en mesure d’anticiper sa croissance future, celle-ci a tout intérêt à se poser la question de sa stratégie d’optimisation de trésorerie.
Évidemment, un dirigeant est souvent occupé par d’autres priorités comme le recrutement ou encore le recouvrement de ses créances. Mais plus il gagne en puissance, plus il est amené à placer la stratégie d’optimisation de trésorerie au même niveau que celle du financement de sa croissance.
Le grand retour des fonds monétaires
« Après plus de dix ans de taux zéro ou négatifs, l’année 2023 a marqué le retour des entreprises qui font de leur trésorerie une source de rémunération, confirme Benoît Vesco, président de Delubac Asset Management. Ce type de pratiques n’existait plus vraiment car le chef d’entreprise se contentait jusqu’alors de surtout minimiser la perte de liquidités. » Si bien que la banque familiale Delubac a relancé fin 2023 un fonds monétaire pour répondre à ces nouvelles attentes. « La décélération de l’inflation a certes poussé les banques centrales à revoir leur taux à la baisse, expose Thibault Guénée, directeur de l’offre Produits & Services d’investissement de la banque Delubac. Mais il y a une certaine latence qui fait que les fonds monétaires restent en réalité toujours avantageux. » Il est ainsi possible de structurer plusieurs placements à terme pour s’adapter aux différents risques et « intervenir sur plusieurs classes d’actifs à la fois pour mieux se diversifier. » « Les OPC [organismes de placement collectif] monétaires sont des placements très liquides qui se réalisent sur un délai court (d’une journée à 30 jours) et proposent un rendement cible pouvant être proche de l’ESTER », fait valoir Xavier Chopard. L’ESTER correspondant au taux d’intérêt moyen des prêts accordés chaque jour par les 52 plus grandes banques de la zone euro (autour de 3,6 % en moyenne cette année). Étant donné que les taux d’intérêts sont attendus à la baisse ces prochains mois, les rendements moyens des OPC monétaires pourraient suivre cette tendance. « Mais il s’agit tout de même d’une bonne porte d’entrée pour entamer une stratégie de diversification, rassure Xavier Chopard, tout en faisant référence au recours possible à des OPC à moyen terme dans un second temps. Attention toutefois aux OPC non monétaires, le niveau de risque est bien plus élevé ! »
« Le fonds monétaire doit être le premier outil que le chef d’entreprise mobilise, insiste Benoît Vesco. Certains ont déjà compris la rentabilité que peut offrir ce type de placement mais cela a pris du temps. » Une tendance accentuée, selon lui, par la présence très marquée des sujets monétaires dans les médias ces derniers mois. « Maintenant, il faut savoir comment fixer un objectif pour les placements suivants et c’est là que nous intervenons, car c’est une réflexion encore plus complexe à avoir », explique-t-il.
Diversifier à moyen et long terme
Ainsi, le placement sur des supports monétaires, à travers un contrat de capitalisation ou bien un compte-titres, est surtout adapté aux besoins de trésorerie de court terme. Mais l’espérance de rendement ne devrait pas être la seule source de motivation car une mauvaise décision de gestion peut mettre en péril la récurrence d’une trésorerie. Plusieurs solutions proactives de placement peuvent éviter aux entreprises de mettre tous leurs œufs dans le même panier.
Les dépôts à terme, par exemple, offrent une épargne avec un taux d’intérêt élevé à condition que les sommes déposées soient bloquées pendant un certain temps. Le rendement fixe d’un dépôt à terme à 12 mois est actuellement compris entre 3,20 % et 3,80 % selon les banques.
Certaines obligations sont également adaptées pour jouer sur la baisse des taux : c’est le cas du produit structuré « Phoenix Mémoire » qui est automatiquement remboursé par anticipation lorsque certaines conditions de marché sont satisfaites. Si les taux baissent, un coupon permet de rémunérer l’investisseur tous les 5 à 8 ans. « Les taux sont toujours à 3,5 % et il est déjà possible d’anticiper d’autres baisses », assure Benoît Vesco.
« Bien qu’elles soient moins intéressantes », les obligations de sociétés et d’État peuvent aussi être envisagées en bloquant un taux similaire à celui du marché monétaire pendant deux ans. Ces obligations « investment grade » (entreprises les mieux notées avec une note entre AAA et BBB-) bénéficient d’un rendement de 3 % par an contre 2 % pour les fonds monétaires en euros.
Du point de vue de Delubac, les comptes à terme (CAT) sont à envisager avec vigilance car les rendements sont progressifs et le retrait de placements peut coûter des pénalités. D’autant plus que les rendements de ces dépôts bancaires auront tendance à baisser à mesure que les banques anticipent la baisse des taux. « Les banques seront forcément de moins en moins rémunérées par la BCE », justifie Benoît Vesco.
Enfin, certaines entreprises peuvent également placer leurs excédents en devises. Pour les placements en dollar, la rémunération est liée aux taux déterminés par la Réserve fédérale américaine (FED) et fixés depuis l’été dernier entre 5,25 et 5,5 %. Le risque de change n’étant pas à prendre à la légère, Xavier Chopard recommande l’expertise dédiée des six « salles des marchés » de BNP Paribas.
« Se diversifier et rester liquide »
La première règle à avoir en tête pour éviter le faux pas reste d’éviter de se retrouver coincé sur le retour de liquidités. En clair, le dirigeant ou le directeur financier doit veiller à structurer ses besoins à la fois sur le court et le moyen terme pour ne pas risquer un assèchement tragique de sa trésorerie. « Nous déconseillons de bloquer sa trésorerie dans ce contexte de forte volatilité des taux, dit Xavier Chopard, qui anticipe quatre vagues de baisse successives des taux de la Banque centrale européenne ces prochains mois. Il faut se diversifier et rester liquide, sans prendre trop de risques. »
« Le principal écueil à éviter reste d’être obnubilé par les rendements, alors que ces placements sont des capitaux dont vous pouvez avoir besoin à tout moment, persiste Benoît Vesco. La sécurisation des liquidités doit être la composante déterminante dans le choix d’un horizon de placement. » Par conséquent, mandater un gestionnaire qui s’occupe des placements s’avère la meilleure option. « La gestion des comptes-titres deviendra forcément plus transparente pour le client », promet Benoît Vesco. Un moyen pour l’entreprise d’obtenir une bonne vision de son portefeuille, élément indispensable pour faire fructifier sa trésorerie sur le long terme.
À lire également : Stripe envisage l’achat de la start-up crypto Bridge pour un montant d’un milliard de dollars
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits