Crise financière, normes prudentielles, réduction du perimètre des activités et aversion au risque des banques : c’est tout un monde du financement des petites et moyennes entreprises qui est entré dans une nouvelle ère depuis six-sept ans. Force est de constater que si le robinet du crédit des banques est grand ouvert, sur fond de politiques monétaires expansionnistes, aux grandes entreprises, le moindre dossier sensible ou un tant soit peu risqué est encore rejeté par les banques pour les petites et moyennes entreprises. Sans même évoquer les start-up, qui classiquement n’ont pas accès au crédit bancaire…
Quand on évoque une alternative au crédit bancaire, on parle spontanément des obligations cotées sur les marchés (difficile à moins de 50 millions euros d’avoir une vraie liquidité pour attirer les investisseurs sur ces marchés) ou des fonds d’investissements. Or ces derniers sont actifs en France sur deux segments: celui du rachat d’entreprises (private equity/LBO) ou de leur expansion (capital developpement, c’est-à-dire ouverture du capital de l’entreprise àa des actionnaires extérieurs privés), ou le financement de l’innovation (capital risque pour les start-up). Or, il existe une autre classe d’actifs indispensable pour la croissance des entreprises, apparue historiquement aux Etats-Unis, mais dont l’essor demeure par trop timide en France : il s’agit de la dette privée.
La dette privée regroupe des solutions de haut de bilan, en dette, qui ne sont pas fournies par les banques ou les marchés financiers. Alors par qui ? Il existe en réalité une pluralité d’acteurs sur ce secteur :
Assureurs, investisseurs institutionnels, fonds de pension, fondations, fonds de dette privée spécialisées, asset managers classiques, souvent du monde du crédit, family offices, fonds de private equity… capables de fournir de la dette. On retrouve aussi dans cet univers les acteurs du factoring, du leasing, ou du crowdlending en ligne. Cette pratique est assez ancienne dans les relations d’affaires interpersonnelles, puisque certains individus fortunés par exemple ont toujours financé par des notes privées (des créances entre individus ou d’individus à une entreprise) des rachats ou développement d’entreprises. Dans les années 1970, l’expansion de l’industrie des motels aux Etats-Unis a été financée par les assureurs-vie, qui était déjà les principaux créditeurs de l’immobilier social dans les grandes villes américaines. En Europe, la dette privée a fait ses premiers (timides) pas avec le financement de LBOs, et notamment les financements mezzanine de rachat d’entreprises.
Comme trop souvent, le législateur français a tenté de mettre en place un cadre local pour ce type de financement, un énième jardin à la française avec les Euro PP : bien que restreint, ce marché a permis en France l’essor des Tikehau, ID Invest et premiers fonds de dette locaux. Il permet en partie de contourner le fameux monopole bancaire, alors que lancer une nouvelle banque n’est pas une option réaliste en France. La finance en ligne, à travers la titrisation (par exemple pour le factoring avec Finexcap) ou des partenariats avec des investisseurs individuels (ex: Lendix), représente aussi un complément de financement pour certaines entreprises en France.
La France est encore loin de massivement attirer les géants anglo-saxons (les Prudential/Pricoa, Guggenheim, Baring, GSO,.. ) de la dette privée d’entreprise, mais il ne revient qu’aux dirigeants de sociétés, aux intermédiaires (banquiers conseils) et au législateur de développer ce marché de la dette alternative, si indispensable à la croissance de nos entreprises.
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